Alex Kovalev a le sens du théâtre, du dramatique. Il sait saisir la chance de faire vibrer les spectateurs comme le fait un grand acteur. Un grand chanteur. Un grand artiste.

Il a encore réussi le coup samedi à son retour au jeu contre les Sénateurs d'Ottawa. La foule a bondi pour l'acclamer et il est sorti du Centre Bell encore plus populaire et plus aimé qu'à son arrivée. C'est un don.

Ça ne veut pas dire que Kovalev va traîner le club sur ses épaules match après match. Il serait bon que les grands experts qui polluent les ondes du soir au matin réalisent que Kovalev fête ses 36 ans aujourd'hui. À 36 ans, le grand Guy Lafleur était déjà à la retraite et se préparait à revenir au jeu. Quels sont les joueurs d'attaque de 36 ans qui ont comme mission de traîner une équipe dans les séries et à la Coupe Stanley? Comment jouait Denis Savard à 36 ans? Et Wayne Gretzky? Pourquoi on exigerait d'Alex Kovalev de tenir une moyenne d'un point par match d'ici la fin de la saison pour sauver son honneur comme le faisaient Michel Villeneuve et Jean-Charles Quelquechose hier à la radio? Qui a décidé qu'un attaquant de 36 ans devait obligatoirement obtenir un point par match pour avoir sa note de passage de M. Quelquechose et de M. Villeneuve?

Par ailleurs, il est bien évident qu'Alex Kovalev, même dans ses plus grandes saisons, n'a jamais approché l'éclat et l'excellence de Guy Lafleur. Le grand Lafleur empilait les saisons de 50 buts et les championnats des compteurs comme Jean-Charles enfile les ailes de poulet et était dans une classe à part. Ce n'est pas le cas de Kovalev.

Mais je le faisais remarquer au grand Russe hier midi après l'entraînement du Canadien, lui et Lafleur semblent avoir le même don de toucher le grand public. Les gens aiment Kovalev et sont prêts à beaucoup d'indulgence à son égard. Même quand Bob Gainey décide de lui donner un congé forcé ou que Kovi échappe quelques commentaires un peu salés sur le compte de son coach dans les journaux russes. Les gens sont toujours prêts à l'excuser et continuent de l'aimer.

Je pense que les partisans sentent chez Kovalev la même passion du jeu que chez Lafleur. Ils sentent la même vulnérabilité. Ils sentent le même amour des gens et le même respect des amateurs. Kovalev est comme Lafleur. Il fait plus que jouer au hockey, il donne un spectacle, il rend des spectateurs heureux. Il en est conscient.

D'ailleurs, comme c'était le cas pour Lafleur, il lui arrive de s'en mettre trop sur les épaules. C'est arrivé cette saison. Il s'est enlisé dans un trou qu'il avait lui-même creusé. Il l'a expliqué à plusieurs reprises hier lors d'une passionnante conversation avec quelques journalistes.

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Je comprends parfaitement qu'un butor ne puisse saisir ce qu'est Alex Kovalev, l'homme. Je comprends qu'on puisse dégueuler à la radio le matin sans jamais s'être assis avec le Russe pour discuter avec lui. De toute façon, on pourrait parler de quoi? De la poutine de Gatineau?

Hier, Kovalev a longuement parlé de son désir d'aider le Canadien à se regrouper et à accomplir de grandes choses. Il a expliqué qu'il serait toujours possible de demander d'être échangé et de tenter de se retrouver à Detroit, avec les Red Wings, pour espérer gagner la Coupe Stanley. «Mais il est beaucoup plus excitant de relancer une équipe, c'est beaucoup plus excitant de cette façon. Je veux faire partie de cette équipe», a-t-il dit.

«Il faut maintenant se regrouper, il faut mettre de côté la controverse et se mettre dans une bonne position pour les séries éliminatoires», a-t-il ajouté.

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Oubliez une minute toutes les conneries lancées par des grosses voix que vous avez pu entendre ces derniers jours.

En lisant ces lignes, essayez de vous imaginer dans votre emploi, dans votre vie quotidienne. Si vous êtes avocat, si vous êtes ingénieur, si vous être mécanicien à la STCUM, si vous êtes concierge dans une école, imaginez que le grand patron du bureau ou de l'usine vienne vous dire que vous devez rester à la maison parce que vous n'êtes plus capable d'être utile au garage ou au bureau.

Imaginez qu'un apprenti va prendre vos outils pour faire votre job. Imaginez qu'en plus, votre patron va annoncer la nouvelle à toutes les chaînes de télévision et de radio du pays et que votre photo va se retrouver dans tous les journaux.

Et imaginez maintenant que vous ne savez même plus si vous allez retrouver votre emploi parce que le patron a tous les droits sur vous.

C'est ainsi que se sentait Alex Kovalev la semaine dernière. «Plus j'essayais et plus c'était négatif. Je ne me sentais pas bien. Mais quand Bob Gainey m'a dit de prendre quelques jours loin de la game, je n'ai pas apprécié du tout», a dit Kovalev.

Puis, Bob Gainey est allé le rejoindre non loin de son appartement dans le Vieux-Montréal et les deux hommes ont pris une longue marche.

Kovalev me racontait cette longue marche, hier, et j'étais capable de voir les deux hommes. Gainey avec sa casquette, les mains dans les poches, Kovy avec sa tuque. Gainey, parlant de sa voix basse, sur un ton monotone même quand il est passionné et Kovalev l'écoutant comme on écoute son père. «Il m'a passé des remarques sur mon jeu, sur certaines choses que je faisais ou que je ne faisais pas. J'écoutais tout ce qu'il me disait et il écoutait ce que je lui disais. Bob est très spécial, on le sait. Après cette marche, je me sentais beaucoup mieux et je comprenais qu'il avait eu raison de me forcer à prendre ce repos», a raconté Kovalev.

Vendredi, la bombe de La Presse explosait et tout le monde était trop heureux d'inviter Kovalev à revenir au jeu.

Il y a une différence entre Guy Lafleur et Alex Kovalev cependant. Guy Lafleur, si on lui avait réservé ce traitement, aurait annoncé sa retraite le soir même. Et il aurait été malheureux pendant quatre éternelles années.

Kovalev est plus doux de caractère, moins explosif, peut-être moins écorché que Lafleur. Il arrive beaucoup plus facilement à rationaliser une situation et à la retourner en sa faveur. Et à s'en convaincre.

Hier, il était à sa place, dans ses affaires... et il était très heureux.

Vous avez raison de les aimer tous les deux. Ce sont de belles personnes... très imparfaites.