Réglons quelques points avant d'attaquer le coeur de l'histoire. Mme Geneviève Paquette, directrice de la fondation du Canadien, est une grande dame. D'une sincérité absolue quand elle oeuvre auprès des jeunes. Comme je suis convaincu que Pierre Boivin est sincère dans son travail à la fondation de l'hôpital Sainte-Justine.

Par contre, comme entreprise, ce que le Canadien a trouvé comme moyen pour aller vendre son image et labourer sa future clientèle dans les écoles primaires est ce que j'aurai connu de plus indécent en plus de 30 ans de métier.

Que le Canadien et son président Pierre Boivin, dans ces années de vaches grasses pour l'organisation, trouvent le moyen de se faire payer 253 000$ par une amie de Boivin depuis le cégep, Michelle Courchesne, ministre de l'Éducation, pour faire sa promotion auprès des enfants, c'est grossier et indécent.

Vos impôts ont servi à payer une firme de Toronto pour préparer des fascicules servant à promouvoir la gloire d'une équipe de hockey qui fait déjà des millions. Excusez, mais j'ai enseigné pendant près de 10 ans. Tout enseignant peut, en tout temps et n'importe quand, se servir du Canadien et de son histoire comme modèle pour accrocher l'attention d'un élève. Les journaux sont remplis d'articles racontant cette histoire. Il peut préparer des exercices d'arithmétique avec les buts et les points des joueurs, leurs records, tant qu'il le voudra. Mais il peut aussi expliquer aux enfants que les batailles ne sont pas toujours jolies et que parfois, leurs idoles ont des comportements pas toujours édifiants.

Mais pourquoi se fier à la pédagogie et à la compétence des profs quand c'est plus efficace et rentable de préparer et vendre sa salade soi-même? Le Canadien contrôle déjà son produit à la télévision, pourquoi ne pas le faire dans les écoles?

Il y a là quelque chose de pernicieux qui me scandalise comme journaliste et ancien prof.

Comment une ministre de l'Éducation a-t-elle pu encourager pareille politique? Que diriez-vous si un quart de million de dollars de vos impôts servaient à financer des fascicules vantant Quebecor, une grande institution québécoise et ses héros Pierre Péladeau et Jacques Beauchamp? Ou La Presse, qui célèbre ses 125 ans? Ou Bell, une grande compagnie canadienne dont le siège social est à Montréal et qui a vécu l'histoire du Québec par ses téléphonistes?

C'est indécent. La Presse permet aux enseignants qui en font la demande d'utiliser ses articles. Sélection du Reader's Digest a toujours été proche des enseignants. Sans demander à la ministre de l'Éducation de payer pour de la propagande.

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C'est du Ray Lalonde tout craché. L'efficace vice-président marketing du Canadien connaît son marché et les moyens de l'engraisser encore davantage. Il a bien appris de ses amis chez McDonald's. En publicité, il est connu que ce sont les enfants qui sont les instruments les plus efficaces pour toucher le consommateur. Pourquoi pensez-vous que Ronald McDonald existe? Et qu'il y a des glissades multicolores devant les restos à hamburgers? Pourquoi pensez-vous qu'on se sert de deux enfants pour parader avec des drapeaux avant les matchs? Pourquoi toute cette campagne construite autour de vedettes qui viennent raconter leurs souvenirs d'enfance comme partisans du Canadien?

Parce que les enfants savent convaincre leurs parents.

Après les enfants, ce sont les petits chiens. Pensez-y. Fido a vendu 1,2 million abonnements pour ses téléphones portables en montrant toujours des chiens à l'écran. Le Canadien, heureusement, a préféré les enfants aux petits chiens...

Pour une Mme Paquette et un Pierre Boivin à qui j'accorde le bénéfice du doute, il y a un Ray Lalonde, qui était parfaitement conscient qu'on avait trouvé le moyen idéal pour cultiver la clientèle de demain tout en incitant les parents à déjà acheter des tuques, des cahiers ou des chandails aux couleurs du Canadien. Et Pierre Boivin, ami de la ministre Courchesne, a réussi à l'endormir au point qu'elle est tombée à pieds joints dans cette affaire. C'est à brailler.

Qu'on me comprenne bien. Je ne dis pas que se servir du Canadien ou de ses joueurs à des fins pédagogiques est mauvais en soi. Au contraire, ça peut être un incitatif pour les enfants à s'intéresser à une matière. Mais ce n'est au prof de décider et de préparer la matière, pas au service du marketing de la Flanelle. Dans un passé lointain, je me suis déjà servi d'un disque de Nana Mouskouri dans mon cours de grec. Mais ce n'est pas le fan club de Nana qui a préparé le contenu du cours et le ministère de l'Éducation n'a pas payé 250 000$.

Et au pis-aller, pour 250 000$, on aurait pu libérer un enseignant pour qu'il prépare des fascicules en se servant du Canadien à des fins pédagogiques. Jamais je ne croirai qu'il aurait fallu payer l'organisation pour ce faire.

Laisser une entreprise faire son marketing auprès des enfants sans que des enseignants en supervisent le contenu, c'est déjà un non-sens. Payer cette riche entreprise en plus pour se faire vendre un produit, c'est indécent. Et je ménage mes mots. Je n'en reviens juste pas.

DANS LE CALEPIN - Guy Carbonneau fait du bon travail dans les circonstances avec le Canadien. Cependant, il est temps pour lui de modifier son approche auprès des joueurs. Carbo, ancien capitaine et forte tête, est resté un joueur dans l'âme même s'il sait se montrer sévère. Le temps est venu de prendre un peu de recul et d'accepter qu'il est devenu un coach, un boss pas nécessairement aimé, comme Scotty Bowman, comme Jacques Lemaire et comme Pat Burns. Ça se fait, d'autres l'ont réussi avant lui.