Va falloir finir par prendre un parti. Choisir son camp. On fait quoi avec les records extraordinaires des dopés du baseball majeur? On fait quoi avec les 73 coups de circuit de Barry Bonds, un dopé notoire qui a battu les 70 circuits de Mark McGwire, un autre dopé de la période de «rêve» du baseball majeur?

On fait quoi avec la moyenne de 1,20 d'Éric Gagné, ses 137 retraits au bâton en 88 manches et 1/3 et ses 55 sauvetages, des exploits colossaux réalisés en 2003? Quand on sait aujourd'hui que le Québécois si sympatique de Mascouche était dopé aux stéroïdes?

 

Et là, on va faire quoi avec Alex Rodriguez, sans doute le meilleur joueur de baseball des années 2000, qu'on vient de prendre la main dans le sac à dope? Selon le Sports Illustrated, et là on ne parle pas du National Enquire, les tests réalisés en 2003 par le baseball majeur, dont les résultats ont été tenus confidentiels depuis, indiquent que A-Rod était dopé à la méténolone et à la testostérone. En 2003, comme par hasard, Rodriguez avait été choisi le joueur le plus utile à son équipe, les Rangers du Texas, et se préparait à signer un contrat pharamineux avec les Yankees de New York. D'ailleurs, le plus beau des dopés vient de signer un contrat de 10 ans à 27 millions par année avec les Yankees.

Dire que selon son ancien gérant Joe Torre dans son récent livre, ses coéquipiers l'appellent «A-Fraud» quand ils parlent de lui dans son dos.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Mais on fait quoi? Ces exploits qui ont fasciné les amateurs et enrichi les dopés, les non-dopés qui profitaient de la manne eux aussi et se fermaient donc la gueule en conséquence, et les propriétaires du baseball et leurs partenaires des médias, ont été réalisés par des monstres. Monstres dans le sens premier du dictionnaire. Être humains victimes d'une malformation.

Tous ces bras gonflés, tous ces torses monstrueux de puissance, toutes ces cuisses énormes comme des poteaux de téléphone étaient le résultat d'une consommation effrénée de produits dopants. Je ne veux pas enlever le mérite qui revient aux athlètes puisqu'ils s'entraînaient très dur en gymnase avec l'aide des anabolisants. Mais en même temps, comment un homme «propre» va-t-il s'y prendre pour cogner 74 coups de circuit si on ne rapproche pas les clôtures ou si on ne change pas les matériaux avec lesquels sont fabriqués les bâtons et les balles?

Ça va prendre 100 ans avant que les progrès de la génétique et de la nutrition donnent naturellement un autre Barry Bonds. Ou un autre Alex Rodriguez.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Alors, on fait quoi avec ces records? On se contente d'un astérisque? Ou de deux astérisques pour Barry Bonds et pour A-Fraud? C'est quoi le sens moral du sport organisé si les tricheurs sont récompensés par des honneurs qu'ils ont obtenus en trichant? Contre d'autres tricheurs, trop souvent.

Personnellement, mon choix est fait. Les 73 circuits de Barry Bonds ne me disent rien. Je m'en fous. Je n'y crois pas. Je le regardais et je savais qu'il était dopé. Comme à une autre époque, je savais que Mike Lansing était dopé, comme j'étais convaincu qu'Éric Gagné avait subi une transformation qui dépassait le simple travail en gymnase. Mais quand on n'a pas de preuve, on retient l'information pour ne pas éclabousser un innocent. Au cas où...

Sérieusement, pensez-vous une seule seconde que je n'ai pas des doutes énormes sur les victoires et les médailles de certains de nos plus grands athlètes québécois? Mais avant de salir qui que ce soit, il faut attendre les résultats des tests et des enquêtes. C'est du moins ma façon de travailler. Surtout qu'avec tout ce qui se «garroche» sur l'internet, il faut être encore 100 fois plus prudent.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Le baseball et le sport professionnel ont toujours craint le gambling comme la peste. C'était une question de confiance. Il fallait éviter à tout prix que le partisan puisse mettre en doute le résultat d'un match ou d'une épreuve. C'est pourquoi de grands athlètes comme Pete Rose, comme «Shoeless» Joe Jackson, Paul Hornung et Rick Tocchet ont été suspendus ou bannis de leur sport. Même que dans le cas de Jackson, tout indique qu'il s'était défoncé au jeu pendant la noire Série mondiale de 1919. Mais sa mémoire continue d'être salie par la sévérité du baseball majeur.

Ce même baseball majeur ne fait rien pour au moins mettre un bémol aux records de tous ces tricheurs qui ont pollué le baseball pendant les années 90 et la première moitié de la décennie suivante. Ils vont faire quoi avec McGwire, avec Sammy Sosa, avec Alex Rodriguez, avec Bary Bonds et avec la centaine de dopés qu'on connaît parfaitement à la direction du baseball majeur?

Et l'Association des joueurs est complice de cette épouvantable arnaque en protégeant des tricheurs qui ont battu des joueurs honnêtes et propres.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

De tout temps, le baseball et les autres sports organisés ont traîné leur lot de produits dopants. Les amphétamines, les greenies, les bennies et les autres petites pilules excitantes ont servi à de nombreux joueurs à se remettre d'une brosse carabinée. Ces produits agissaient directement sur le système nerveux et faisaient disparaître peur et fatigue. Ils sont encore trop utilisés dans le football.

Mais à un moment donné, il va falloir tracer une ligne. Décréter que trop c'est trop. En fait, il faudrait arriver à déterminer quand est-ce qu'un athlète devient un monstre. Et ne répondez pas à sa première bière dans le premier bar du coin...

DANS LE CALEPIN Une scorie, une erreur technique, je ne sais trop, a provoqué un contresens à la fin de ma chronique d'hier. Je parlais de Mike Komisarek et de ce qui se préparait pour les prochaines négociations. Deux lignes de mon texte de mardi dernier à propos de RDS, un monopole qui s'était sacré des amateurs de tennis dimanche matin pour la finale des Internationaux d'Australie, se sont retrouvées comme conclusion du texte sur Komisarek. Prenez note que ça n'avait rien à voir même s'il s'agissait d'une vérité presque absolue. Quand on est en situation de monopole, on finit par se sacrer des gens. Sauf que cette fois, ça ne visait ni le Canadien ni Komisarek, évidemment.