Sentez-vous monter la peur? Je parle encore de l'Ebola. Pas de rat mort ce matin sur votre palier?

«Le matin du 16 avril, le docteur Bernard Rieux sortit de son cabinet et buta sur un rat mort», ne relisez pas le Camus de La peste ces jours-ci, il vous viendrait des idées de mal absolu pour expier je ne sais quels crimes de la terre.

Sentez-vous monter la peur encore lointaine et sourde, mais qui s'approche à petits pas? Hier, elle était à Cleveland, elle retournait à Dallas d'où elle était partie.

Là-bas, à Dallas, elle (la peur) commence à paralyser les infirmières, les médecins, les médias.

Comment combattre la peur?

On sent de la part des autorités américaines (comme des nôtres) un grand désir de rassurer pour éviter la panique. Sauf que la panique pourrait tout aussi bien venir des fausses assurances données à la population qui commence à se douter que ce n'est pas vrai que les 5000hôpitaux américains sont prêts à traiter des cas d'Ebola.

Ce n'est pas vrai qu'à cet hôpital presbytérien de Dallas on a seulement commis l'erreur de renvoyer Thomas Duncan chez lui avec des antibiotiques. On a commis d'autres erreurs quand il est revenu à l'hôpital deux jours plus tard, on l'a notamment fait poireauter dans la salle d'attente avec d'autres patients. Et c'est sans ajouter des accrocs au protocole que devait respecter le personnel soignant. Et voilà une seconde infirmière infectée. La voilà même passagère d'un vol Cleveland-Dallas une demi-journée avant de ressentir les premiers symptômes de l'Ebola. Essaie-t-on de nous dire «à une demi-journée d'être contagieuse?» Pourquoi pas à une demi-heure?

Et les hôtesses de l'air de s'y mettre aussi: l'infirmière ne présentait aucun symptôme durant le vol. Nous voilà rassurés.

À tout hasard, on a quand même pris contact avec les 132 passagers de ce vol Cleveland-Dallas, auxquels il faut ajouter les 75 personnes de l'entourage des deux infirmières. Non, ça ne saute pas sur le monde, mais ça dérange quand même plus de 200 personnes. Et s'il s'en trouvait une parmi celles-là qui soit contaminée, prions pour qu'elle n'ait pas pris un vol New York-Tokyo avec 350 autres passagers, même une demi-journée avant ses premiers symptômes...

On ne combattra pas la peur en la minimisant.

Je ne comprends pas des phrases comme: aucun vol direct ne relie le Canada avec les pays touchés par l'épidémie. Pis? Le virus arrivera de Londres, de Dallas, de New York, aussi indirect, imprévisible qu'une boule de «flipper».

Et le virus arrivera bien avant le vaccin.

Alors, comment combattre la peur?

En l'affrontant lucidement, peut-être.

Dans son émouvant premier reportage à Conakry, à la limite même des zones d'isolation où sont amenés les patients infectés et ceux en attente d'un diagnostic, Sophie Langlois tend son micro à des gens admirables comme cette Aissatou, une toute jeune Guinéenne bénévole pour Médecins sans frontières qui dit vouloir simplement servir son pays - «c'est normal, c'est mon pays» - en ajoutant qu'elle se bat surtout contre la peur qui paralyse les malades et qui les laisse sans énergie pour affronter la maladie.

À bien y penser, c'est aussi ce que fait Sophie Langlois par sa seule présence à Conakry: se battre contre la peur. Chapeau, madame.

LA BELLE DÉ CADIX - Dans le supplément sur Boston dans La Presse, au chapitre Allan Poe, on glisse qu'il est mort mystérieusement... (peut-être de l'Ebola, je déconne), bref, me voilà donc à googler «mort d'Allan Poe» et c'est comme ça que je suis tombé sur ce site qui m'a mis en joie, ne serait-ce que par son intitulé: www.jesuismort.com

Quand on clique sur l'onglet «Cherchez la tombe», les morts s'affichent par ordre alphabétique, mais il est plus distrayant de cliquer sur «Top 50», qui classe les morts selon leur popularité. C'est un chanteur qui vient en tête, Claude François, comiquement mort électrocuté dans sa baignoire en jouant avec une lampe dont les fils étaient dénudés. Les Français ne se tannent pas de se la raconter: «Dis maman, comment il est mort déjà, Claude François? Hihihi.»

À ce Top 50 des défuntisés, Jésus arrive en sixième place, juste après Sacha Distel, et sa mère, la Vierge Marie, juste avant le coureur de bicyk luxembourgeois Charly Gaul.

À la fin de chaque notice nécrologique, vous pouvez cliquer sur «améliorer son score» pour ajouter des points à votre mort préféré. Vous le ferez pour moi, n'est-ce pas? J'aimerais tellement devancer Luis Mariano, la belle dé Cadix a des yeux vélours! ...

L'AMOUR - Je ramassais les feuilles devant la maison quand ils sont passés en se tenant par la main. C'est un chemin à joggeurs, à cyclistes, à promeneurs de chiens, mais pas souvent à amoureux. Elle au début de la vingtaine, lui, vers le milieu, les yeux dans les yeux. Ben oui, même en marchant. J'ai failli leur dire: regardez donc où vous mettez les pieds, niaiseux! Un peu plus loin, toujours en marchant, il s'est penché pour lui donner un baiser sur le front, elle venait peut-être de lui dire quelque chose de gentil, ou peut-être pas, ce ne serait pas la première fois que l'automne et ses couleurs, surtout le rouge des vinaigriers, donneraient envie d'embrasser quelqu'un, comme ça, pour absolument rien.

Ils sont probablement allés au bout du chemin un kilomètre plus loin, puis ils sont revenus. Je ramassais toujours mes feuilles, je les ai vus arriver d'assez loin. Ils ne se tenaient plus par la main: ils pitonnaient chacun sur leur téléphone.