Les orthophonistes ne sont pas contents, contentes devrais-je dire puisque ce sont presque toutes des dames qui me prennent à partie et presque aux parties. Samedi dernier, le dos rond d'avance, j'écrivais sur le conflit israélo-palestinien, le genre de chronique qui enflamme les lecteurs, j'attendais, le dos rond je l'ai dit, la charge des pro-Israéliens, surprise: pas ou presque pas de pro-Israéliens dans ma boîte à courriels, à la place, toutes griffes dehors, des orthophonistes.

Je me suis déjà «corporativement» chicané avec les profs, les médecins, les coureurs automobiles, les psys, les journalistes sportifs, les chauffeurs de camions, les éleveurs de lapins, les Bulgares, les policiers, les vendeurs de motoneiges... les orthophonistes, c'est la première fois mais, je le pressens, pas la dernière.

Samedi donc, dans le second volet de la chronique, je relatais la visite d'une maman et de son petit garçon chez l'orthophoniste. La spécialiste du langage explique à l'enfant qu'il faut dire Y fait de la natation, Y va à l'école quand c'est un garçon qui fait l'action, et A fait de la natation, A va à l'école quand c'est une fille.

Protestation de la maman, qui ne comprend pas pourquoi on ne montre pas à son petit garçon à dire IL va à l'école, ELLE fait de la natation. Je concluais un peu abruptement:«Exactement le contraire de ce que devrait être l'éducation: le bon exemple aspirant les autres vers le haut. Ici, il s'agit plutôt de s'abaisser au niveau des plus cons.» Je retire «des plus cons». Mais je garde l'idée de nivellement.

La plupart des orthophonistes me sermonnent: vous n'avez pas compris qu'il s'agissait d'une stratégie.

Mais si, j'ai très bien compris. C'est vous qui ne comprenez pas que j'en ai précisément contre cette stratégie. J'en ai contre l'idée de considérer IL et ELLE comme une difficulté à contourner. En quoi Y et A (qui introduisent la même fonction de représentation que IL et ELLE, et elle est bien là la difficulté pour un enfant), en quoi Y et A sont-ils moins difficiles à assimiler?

Vous êtes quelques-uns à m'expliquer la différence entre la langue parlée et la langue écrite, c'est gentil, merci, je ne sais pas ce que je ferais sans vous. L'une d'entre vous va jusqu'à distinguer entre le langage littéraire et le langage normal... Je me demande si cette dame mesure bien la portée de son littéraire. Comme ça, IL et ELLE sont littéraires? Ciel, madame, Proust, Joyce, Mallarmé sont quoi?

On insiste beaucoup aussi dans ces courriels qui me font la leçon d'orthophonie sur la différence entre l'orthophoniste et l'enseignant. Il m'apparaît pourtant - et c'est ce qui m'a fait coller au plafond - que l'orthophoniste soigne avec les mêmes stratégies que les profs enseignent, entre autres cette stratégie au coeur même de toute la réforme scolaire: contourner toute difficulté qui pourrait mener à un échec, à un redoublement, à une mauvaise «estime de soi» de l'enfant.

Quand on m'explique qu'on apprend à un enfant à dire Y et A au lieu de IL et ELLE pour qu'il puisse se faire comprendre de ses petits amis dans la cour de l'école, je redis ce que j'ai dit souvent dans cette chronique: il y a quelque chose qui ne marche pas dans la cour des écoles.

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La permaculture - Je perdais le fil, c'était à cause des moustiques. J'arrêtais pas de me donner des tapes dans le front, sur les bras, sur les cuisses, quand tu te donnes une tape dans le front ça fait comme un court-circuit et tu perds le fil, vous disiez? La permaculture?

Je vous parle ici d'un festival qui se tiendra à partir de demain, et samedi, et dimanche à quelques kilomètres de chez moi, sur les hauteurs de Frelighsburg. Au pied de la Joy Hill il faut prendre le chemin McIntosh à droite, trois kilomètres plus loin c'est là, des milliards de moustiques mais la vue est magnifique sur Jay et le Vermont. On attend entre 600 et 1000 personnes, la plupart camperont en bordure d'un champ de chanvre, c'est une fibre comme le lin, tu peux en faire des chemises ou des caleçons mais tu peux pas le fumer, enfin si tu peux, mais ça buzze pas, c'est du pot sans THC.

600 personnes ont assisté à l'événement l'an dernier, ce n'est pas vraiment un festival pour s'amuser, plutôt pour s'instruire, pour parler de permaculture.

Qu'est-ce que la permaculture?

Je ne le sais pas. Mais voici la définition qu'en donne Nicolas Falcimaigne, rédacteur en chef du journal coopératif Ensemble: «La plus grande révolution agricole depuis l'invention de la charrue»... Et cette autre définition: «La permaculture est à l'agriculture ce que l'architecture est à la construction.» Nous voilà bien avancés. L'architecte du musée Guggenheim à Bilbao ou les architectes du boulevard Taschereau?

Une cinquantaine de conférences sont prévues durant le week-end, tant sur l'agriculture urbaine que sur la gestion forestière, sur les serres solaires, sur la construction d'un four à pain, sur la culture maraîchère écologique (Jean-Martin Fortier de la Grelinette), sur le lien entre éducation et permaculture (Laure Waridel), mais aussi l'inévitable convergence harmonique dans ce genre de rassemblement, une initiation à l'art du Chi, du yoga en plein air (qu'est-ce qu'ils vont être contents, les moustiques) et une tente Open Heart (à coeur ouvert) où vous pourrez, je cite, «faire briller votre lumière en partageant vos dons et votre énergie tout en reconnectant avec votre enfant intérieur».

Vous ne m'y verrez pas. Au festival peut-être. À la tente Open Heart, non. De toute façon je n'ai pas d'enfant intérieur. J'en ai deux extérieurs, c'est en masse.

Ah oui, pour camper les trois jours ça coûte 110$. Pour le reste, allez voir www.convergencepermaculture.org