C'est mieux aujourd'hui, mais mardi, ça prenait une cagoule comme pour aller faire un vol de banque, deux paires de gants, deux paires de chaussettes et aussi des bottes pour aller porter le vélo dans l'auto, au bout de l'entrée transformée en rivière de boue. Oui, oui, il faisait soleil, mais un soleil tuberculeux.

J'ai laissé l'auto dans le parking du centre communautaire de Stanbridge East. Le vent me gelait la face et les os, j'allais si lentement que lorsque j'ai regardé mon compteur, il indiquait un peu moins de zéro kilomètre à l'heure, c'est vous dire si ça m'a pris du temps pour faire un petit 50 kilomètres, deux pieds de neige de chaque côté de la route. Cela ressemblait à la sortie que je fais chaque année dans le redoux de février, sauf que mardi, on était le 1er avril, on n'aura pas de printemps, puis ce sera un peu l'été, puis ce sera à nouveau six mois d'hiver.

Non seulement c'est pas le printemps, mais ce sont les élections, et on s'en va tout droit vers un gouvernement libéral majoritaire. C'est exactement ce que je viens de vous dire, l'hiver est pas fini.

Quand je suis arrivé du vélo, y avait une auto dans la cour, c'était le candidat caquiste de ma circonscription qui faisait son porte-à-porte, M. François Lemay, un jeune homme dans la trentaine, prof d'éducation physique dans la vie, un peu rond, un peu enveloppé pour un prof de sport - mais peut-être qu'il enseigne le curling. Une bonne tête, cependant, si je votais à la tête du client, ce serait pour lui, pas bête non plus, il ne m'a pas dit trop de folies, sauf celle qu'ils disent tous: je vais gagner.

On avait fini de causer, il s'en allait, il se retourne, il me dit: vous savez ce que j'aimerais? J'aimerais voir votre bibliothèque...

Vous seriez déçu, monsieur. J'ai une bibliothèque de taille moyenne où je range les livres que je viens de lire et ceux que je me propose de relire. Une étagère poésie où je vais souvent, une étagère romans noirs et policiers où je ne vais plus depuis des années, une section littérature de voyage où je passe l'hiver plutôt qu'en Floride, mais vous, monsieur le candidat? Lisez-vous? Que lisez-vous ces jours-ci à part l'excitant programme de votre parti?

Je lis Les Bienveillantes de Jonathan Littell.

Eh, monsieur! Rien pour se reposer le tête-à-tête après le porte-à-porte.

Dans la soirée, il a écrit sur sa page Facebook - c'est Patrick Lagacé qui m'a envoyé le lien -, il a écrit qu'il avait trouvé ma conjointe «charmante et avenante». Ben là, Chose! Vous vouliez voir ma bibliothèque? Hein?

La campagne électorale, puisqu'on en parle, est interminable, plus grossièrement racoleuse que d'habitude, les candidats de plus en plus mis en marché comme des appareils électroménagers, il s'est passé un truc dans cette campagne, UN SEUL. Tout le reste n'a été que fastidieux remplissage.

Il s'est passé Péladeau, un point c'est tout.

J'étais de ceux qui pensaient que Mme Marois venait d'achever M. Couillard. C'est tout le contraire qui est arrivé. Comment peut-on se tromper à ce point? Je parle pour moi tout aussi bien que pour les stratèges péquistes, à partir de Péladeau cela a été 8 à 0 contre Mme Marois. Qu'elle fasse, qu'elle dise n'importe quoi, ce sera 8 à 0 lundi aussi.

Ce sport-là a de très particulier que ce ne sont pas les stratégies qui décident de l'issue du match, ni les coachs, ni les joueurs, ni l'attaque à cinq, ni l'enjeu - faites-moi pas rire avec l'enjeu -, c'est la vague dans les gradins qui décide du match.

D'où vient la vague? Ah ben ça. Elle vient du fond où se dépose aussi la vase. Elle vient du vent. Comme dans «c'est du vent». Elle vient, je ne sais pas... tout ce que je sais, c'est qu'on l'appelle aussi démocratie.

PÉPÈRE-LA-VIRGULE - L'autre jour, je vous disais que vous ne trouverez pas un seul substantif en «rie», cavalerie, boiserie, fantasmagorie, pas un seul, avec deux «R». Ce disant, j'ai su tout de suite qu'il se trouverait un fatigant pour en trouver un quand même et me le jeter à la figure...

Gnagnagna, j'en ai trouvé un: pourri.

Je lui ai répondu que pourri était un adjectif ou un participe passé, pas un substantif. Il m'est revenu: ne dit-on pas parfois un pourri? Alors c'est un substantif.

Un jour, je serai dans un de ces foyers où les vieux vont manger tous ensemble au réfectoire à heures fixes, je serai à ma table, seul, tranquille, et il y a ce type qui viendra s'asseoir en me disant: vous savez, fantasmagorie, pourri, c'est moi.

Je le tue.

Drame horrible hier à la résidence Le Nid Joyeux des Aînés. Dans un soudain accès de démence, un résidant a en tué un autre qui venait de s'asseoir à sa table, à grands coups de fourchette.

PÉPÈRE-LA-VIRGULE, DEUX - Des fois, c'est le contraire, vous voilà inspirés par des sujets improbables, comme Lee Valley, la mecque des quincailleries dont les catalogues en français sont pleins de chignoles et de «mandrins à trois mors». Pour mon plus grand bonheur (j'exagère), vous avez été nombreux à abonder dans le sens de cette poésie quincaillère. «Je me suis laissé séduire par un trusquin en bois de rose, la beauté des mots chez Lee Valley n'a d'égale que la beauté des outils qu'ils décrivent...», me résume joliment Stéphane.

J'ai appris le mot «vastringue» - sorte de rabot à tourner les coins ronds - dans le catalogue de Lee Valley, j'en ai aussitôt commandé une pour me gosser une pagaie inuit en cèdre pour mon kayak (François Labbé).

Pierre Rioux, qui a enseigné l'ébénisterie: Le catalogue Lee Valley est un livre d'art qui montre et décrit des oeuvres d'art (les outils) qui servent à l'ébéniste à exercer son métier d'art...

Tout cela vaut bien une plogue: c'est à Francisation InterGlobe que Lee Valley a confié la francisation - c'est plus que de la traduction - de ses catalogues, la commande était claire: nous voulons que la qualité du français égale celle de nos produits.

Francisation InterGlobe, c'est trois personnes, je parle des boss, Louise Arbique, Vincent Roy, Marc Blais. On leur décerne le grand mandrin d'or à trois mors.