En 2002, l'Organisation mondiale de la Santé recommandait que les sucres ne dépassent pas 10% de l'apport énergétique total quotidien. L'OMS vient de revoir sa recommandation à la baisse: pas plus de 5% (environ 25 grammes).

La nouvelle a fait grand bruit, largement commentée dans les médias, les émissions d'affaires publiques. Dimanche, mon émission scientifique préférée Les années lumière avait convoqué deux ou trois savants pour parler du sucre, et comme toujours avec ce genre de nouvelles, les granoles se sont réjouis, les gens normaux se sont désolés, fait chier à la fin, après le gras toute l'année, le sel le mois dernier, maintenant le sucre, pouvez pas nous foutre la paix cinq minutes?

Là là, calmez-vous. Il y a je crois un énorme malentendu à propos du sucre.

D'abord dire que je suis entièrement d'accord avec l'OMS. Mais en même temps, je suis aussi entièrement d'accord avec ce qui est écrit sur mon sac de sucre de 2 kg de marque Lantic, une entreprise sérieuse qui n'écrirait pas n'importe quoi sur ses sacs; Santé Canada ne le permettrait pas. Le sucre, peut-on lire sur le sac, «le sucre est un moyen entièrement naturel de donner meilleur goût à presque tous nos aliments... et la source de glucides qui apportent au corps humain l'énergie dont il a fondamentalement besoin».

Je vous vois dubitatifs. Comment peut-on approuver à la fois l'OMS et le sac Lantic? Je vous l'explique à l'instant, ne me remerciez pas, pour une fois que je me propose d'être d'utilité publique, cela compensera toutes ces autres fois où je déconne à pleins tubes.

Ce que dénonce surtout l'OMS ce sont les sucres cachés. Par exemple le ketchup: 4 grammes de sucre dans une cuillère à soupe de ketchup, c'est effrayant! 40 grammes de sucre dans un Coke, c'est épouvantable...

Pourquoi les sucres cachés seraient-ils plus épouvantables, plus effrayants que le sucre dans votre pot de sucre sur la table?

Très bonne question à laquelle ne répondent ni l'OMS ni aucun des savants nutrionnistes convoqués pour parler du sucre.

En réalité, il n'est pas de bons et de mauvais sucres. Ils sont tous bons et même très très bons lorsque bien métabolisés. C'est-à-dire quand votre cerveau envoie le message à votre corps de transformer ce sucre-là en plaisir. Le sucre c'est d'abord du plaisir.

Encore faut-il que votre cerveau ne soit pas pris au dépourvu par des sucres cachés. Voyons ce qui se passe quand vous prenez un Coke dans le frigo. Votre cerveau se dit tiens, il a soif, et il s'attend à être désaltéré. Première gorgée, wouache, le voilà submergé de sucre liquide, pris de court il s'ébroue, se rebelle, se venge, au lieu d'en faire du plaisir, il fera de ce sucre liquide de la graisse. L'OMS a raison, les sucres cachés sont du pur poison.

Voyons maintenant ce qui se passe quand vous faites du sucre à la crème. Vous préparez ce qu'il faut. Deux tasses de cassonade. Une tasse de sucre. Deux tasses de crème à 35%, une noix de beurre, votre cerveau est pas fou, il voit bien que c'est rien que des bonnes affaires qu'il y a sur le comptoir, il salive d'avance, et il est déjà prêt à métaboliser ce sucre-là en pur plaisir.

L'OMS dénonce-t-elle le sucre à la crème? La tarte au sirop d'érable? Le caramel et sa matante la crème caramel? Le tiramisu? Bien sûr que non.

Vous savez comment se fait une bonne confiture? Une bonne, pas une confiture de granole: un kilo de mirabelles, un kilo de sucre, paf. Dans son rapport, l'OMS ne dit absolument rien contre les confitures. Elle ne dit rien non plus contre les pâtisseries.

Quand je rentre dans une pâtisserie, mon cerveau s'éveille aussitôt, il est pas con, il sait bien que je suis pas entré là pour m'acheter des souliers. Par exemple chez Matis à Sutton, mon cerveau est aussitôt prêt pour le meilleur millefeuille de l'Estrie, le plus gros aussi, ce qui est bizarre parce que d'habitude quand ils sont gros ils sont pas bons, celui-là, si, gros et bon. Je peux en manger deux de suite sans être malade et même, après, aller monter la rue Maple qui mène à la station de ski. J'ai déjà monté Jay par Richford en mangeant un baba au rhum...

Vous savez ce qu'est «un canard» ? Un carré de sucre trempé dans de l'eau-de-vie. Vous attendez que le carré s'imbibe d'alcool, vous le retirez délicatement, vous le laissez se défaire dans votre bouche et vous recommencez avec un autre carré de sucre. Pensez-y: l'eau-de-vie étant du sucre de fruits fermentés, vous trempez du sucre dans du sucre!

Pourtant, vous chercherez en vain dans les études de l'OMS une condamnation du canard.

On résume tout ça? Le sucre, oui. Mais pas caché.

PÉPÈRE-LA-VIRGULE - Dans ma chronique de mardi, au lieu de fantasmagorie j'ai fait une faute de frappe, j'ai écrit fantasmagorrie. Vous avez été très nombreux à la relever dans La Presse+, lalalè-reu, fantasmagorie s'écrit avec un seul «r».

Vous êtes un peu niaiseux des fois, je trouve. N'était-ce pas de toute évidence une faute de frappe? Un lapsus mécanique sans intérêt, un doigt qui dérape sur le clavier. Pourquoi écrirait-on fantasmagorie avec deux «r», expliquez-moi ça. Je suis parfaitement capable de mettre deux «r» à carotte mais expliquez-moi comment on fait pour mettre deux «r» à fantasmagorie? Nommez-moi un substantif finissant en «rie» qui prend deux «r», batterrie, boiserrie, cavalerrie, broderrie, lingerrie, loterrie, machinerrie, quétainerrie, connerrie?

Par contre dans la même chronique, personne n'a relevé une vraie faute, celle-là à mettre sur le compte de mon ignorance, je parle quelque part d'un jeune homme «inarticulé», c'est un énorme anglicisme, en français articulé n'a pas le sens de brillant, d'intelligent, de méthodique qu'articulate a en anglais.

Allez, allez manger du sucre c'est bon pour le cerveau.