Montrer ou pas? Je reviens sur 19-2. C'est un vieux débat. Il y a ceux qui disent que l'image banalise l'horreur en lui donnant un visage humain. Et il y a ceux, à l'inverse, qui disent que l'image fait de l'Histoire en représentant l'horreur et que faire de l'Histoire est utile, notamment pour ne pas la répéter... ce qui n'est pas loin d'être une niaiserie, si vous voulez mon avis. Pensez seulement à tous ces films de guerre qui n'empêchent rien, au contraire.

Il y en a d'autres encore qui disent qu'il ne faut pas se demander si on peut ou non montrer l'horreur. Il faut se demander si on nous la donne à voir comme une copie conforme de la réalité; bref, si on nous la donne à voir, point à la ligne. Ceux-là ajoutent que le problème n'est pas que les images donnent à voir, c'est que, souvent, elles ne donnent qu'à voir, un peu comme la pornographie, sauf que ce n'est pas du cul.

Non, je n'ai pas vu 19-2.

À entendre 122 millions de personnes en parler mardi matin, je me sentais comme un monstre de ne pas l'avoir vue.

Je n'ai rien compris à ce que disaient ceux qui étaient contre. Ils parlaient de la fusillade de Dawson. Pour eux, 19-2, en y faisant crûment référence, rouvrait inutilement des blessures douloureuses dans la population. Vous souffrez de Dawson, vous? Sans doute parce que je suis un monstre, je n'ai pas pensé une seule fois à Dawson en cinq ans. À Columbine non plus. Je ne pense plus à Polytechnique depuis longtemps; j'ai presque déjà oublié Newtown.

Je n'ai rien compris non plus à ce que disaient ceux qui ont adoré 19-2. Un grand moment de télé? Si vous le dites. Criant de vérité? Je n'en doute pas. Mais justement, parlant de réalisme, il faudrait bien un jour amorcer le début d'un débat sur l'art, parce que c'est d'art que l'on parle quand on se demande: montrer ou pas? Tiens, en attendant, expliquez-moi un truc. Pourquoi un peintre qui prend la photo d'un chevreuil en train de boire dans un ruisseau et qui en fait ensuite un tableau passe-t-il pour un nul superquétaine et pourquoi un cinéaste qui copie si bien la vie qu'on «s'y croirait» passe-t-il pour un génie? Ah.

J'EN VEUX! - Mais si, je vous ai déjà parlé de Charlie. Vous ne vous rappelez jamais rien de ce que je vous raconte. Une chatoune blanc et noir, le bébé de mon troupeau. Enfin, bref, il est arrivé un petit malheur à Charlie pendant les grands froids de l'autre semaine. Je l'avais pourtant avertie. Moins 35, ma fille! Elle restait pareil de longues minutes sans bouger sous la mangeoire des oiseaux. Niaiseuse, tu vas te geler quelque chose!

Ç'a été les oreilles. Les pointes de ses oreilles ne pointent plus, elles plient. Ce que je ne savais pas, c'est qu'il y a une race de chats comme ça, qui ont les oreilles qui tombent, les Scottish Fold - littéralement: les Écossais pliés. Dans mon livre de chats, Legacy of the Cats, on en dit ceci (écoute bien, Charlie, et toi aussi, fiancée, écoute): Scottish Fold are very sweet, gentle, quiet cats. Je répète: sweet, gentle, quiet. QUIET. Attends, c'est pas fini, le plus beau s'en vient: They make no demands on life: ils ne demandent rien à la vie, other than to be close to the people they love. Ils ne demandent rien d'autre à la vie que d'être avec ceux qu'ils aiment.

Fiancée, plie donc tes oreilles, pour voir...

MONDANITÉS - J'ai déjà été très apprécié comme critique gastronomique. Il y a encore des restaurants qui affichent mes critiques laminées, même si ça fait plus de 30 ans que je suis allé là. Je pense à un resto en particulier, c'était à l'époque un restaurant indien. Aujourd'hui, ce sont des Luxembourgeois qui y servent de la choucroute. Ils ont gardé ma critique pareil, dont le titre était Miam-Miam et dans laquelle je disais, en gros: oh là là, ce que c'est bon! C'est vrai, au fond, miam-miam atteint à l'universel puisque ça marche aussi bien pour du poulet tandoori que pour de la choucroute.

Anyway. L'autre samedi, je suis allé souper au Damas. Oui, c'est un restaurant syrien. Comment avez-vous deviné? Sur Parc, à la hauteur de Fairmount. Mes

petites-filles passaient devant quand elles allaient à l'école dans ce coin-là, c'est pour ça. On va aller au Damas, grand-papa. O.K.

J'ai pris un jarret d'agneau servi avec des prunes, des abricots et des okras; en entrée, des pleurotes grillés au citron (je ne pense pas que c'était des pleurotes, mais c'était au moins aussi bon); j'ai goûté aussi à la pieuvre tiède. Tout était parfait, y compris le service, assuré par des garçons d'une rare gentillesse. Deux petits reproches: le dessert, un genre de massepain un peu étouffe-chrétien, et le pain pita piteux, peut-être acheté à la pharmacie en face tant il a l'air d'un cataplasme.

À la table en face dînait Josh Freed, chroniqueur à The Gazette, le plus sympathique des hommes et le plus talentueux des chroniqueurs. Il fêtait en famille les 85 ans de sa maman, qui fait encore du ski, si vous voulez tout savoir... Voyez, en plus de la chronique gastronomique, de la chronique télé, de la chronique féline, je pourrais faire, n'importe quand, la chronique mondaine.

ZOU BISOU - Vous me voyez bien déçu de la cinquième saison de Mad Men, dont le premier épisode met en vedette cette jeune comédienne québécoise qui chante et danse Zou bisou bisou, charmante dans ce numéro, beaucoup moins par la suite, au point où je me demandais: est-ce vraiment un hasard si, dans cette cinquième saison, elle tient le rôle d'une jeune femme pas très douée pour jouer la comédie? Mad Men était jusque-là ma deuxième série à vie après The Wire. C'est dire si je suis tombé de haut avec cette cinquième saison qui tourne en rond... Bref, vous me conseillez quoi? Pas Breaking Bad, pas Dexter, pas capable. Et pas tout de suite Downton Abbey. On me dit grand bien (et grand mal aussi) d'une série française, Braquo. Vous connaissez?