J'entends bien toutes ces voix raisonnables: attention-attention-très-mauvais-film-très-mauvaises-réactions-piège-à-con.

En gros, ces voix raisonnables me demandent de ne pas confondre les quelques milliers d'extrémistes islamistes qui, en ce moment, foutent le feu aux ambassades américaines et les centaines de millions de musulmans qui, à Tunis, à Alger, au Caire, à Téhéran, à Islamabad, à Kaboul, à Dhaka, déplorent cette violence.

Je ne confonds pas. C'est bien du tout-venant du musulman que je m'inquiète ici. Il ne se borne pas à déplorer la violence des extrémistes, il ajoute: MAIS on n'a pas le droit d'insulter Allah.

Le problème est que, concernant Allah, hors de l'amour ou de la crainte qu'il doit inspirer, tout est reçu comme une insulte. Pas seulement les très mauvais films comme celui-là. Tu ne peux pas faire de blague sur Allah. Tu ne peux pas critiquer Allah. Tu ne peux pas écrire Les versets sataniques. Tu ne pourrais pas faire un très bon film sur Allah pour déconner sur Allah.

Je pense à Life of Brian, de Monty Python - je n'arrête pas d'y penser depuis le début de cette histoire-, chef-d'oeuvre d'humour absurde qui raconte la vie d'un ti-cul né dans l'étable voisine de Jésus la même nuit que Jésus et qui va le suivre toute sa vie en le haïssant. Le monde musulman manque terriblement de Monty Python. Pas pour rire d'Allah. Pour la transgression.

Je pense au grand cheikh Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite dans le monde, qui vient tout juste de demander à l'ONU d'adopter une résolution CRIMINALISANT le blasphème contre l'islam ET LES AUTRES GRANDES RELIGIONS.

Et les autres grandes religions? Pourquoi pas les petites? De quoi je me mêle? Vous imaginez notre pape, enfin le vôtre, Benoît XVI, demander que l'on criminalise le blasphème? Je ne serais pas le premier à l'envoyer chier.

Je pense à cette blague, gentiment irrévérencieuse, que j'ai faite une fois dans un reportage alors que j'étais à Falloujah, en Irak. J'avais une grippe du diable. Allatchoum, allatchoum, ai-je écrit, ça doit être une grippe islamiste. Croiriez-vous que l'association musulmane québécoise a déposé une plainte au Conseil de presse? Il a eu le bon sens de ne pas sévir, mais quand même...

J'entends bien toutes ces voix raisonnables qui invitent à ne pas jeter d'huile sur le feu. Je veux bien. Mais notons tout de même que, à nous montrer toujours plus précautionneux, à la fin, c'est l'idée même de la désobéissance, l'idée de la subversion, l'idée de la transgression par le rire qui se consument sous la braise.

EXPLICATION DU MOT PUTE - J'aime bien Mme Perrin. J'écoute parfois son émission à Radio-Canada même si quelques confrères (et consoeurs) ont tenté de m'en décourager. J'aime sa jolie tête frisottée, et dans mon iPad, j'ai des tounes de Bataclan, ce trio qu'elle forme avec Denis Plante (bandonéon) et Mathieu Lussier (basson), dans lequel elle joue du clavecin.

L'autre matin, elle recevait Léo Bureau-Blouin. Le hasard a fait que je parlais du même Léo dans ma chronique du jour, pas très gentiment, pas très méchamment non plus - lui aussi, je l'aime bien-, mais pour dire quand même que je le trouvais un peu pute de s'exhiber avec son amoureuse dans ce magazine d'artistes où, deux pages avant, Audrey De Montigny niait avoir fait une dépression et, deux pages plus loin, Marc-André Coallier disait, lui, qu'il aime la vie. Youpi. Dans ce magazine, Mme Perrin n'irait certainement pas se montrer avec l'homme-qu'elle-aime. Léo Bureau-Blouin non plus, en temps normal, mais c'était juste avant les élections et il n'y a pas de petit profit. D'où: un peu pute.

Un peu pute, c'est pas pareil que pute, sale pute, crisse de pute ou même que: ah la pute! Au sens littéral, il est aussi improbable d'être un peu pute que d'être un peu vierge. Tu l'es ou pas. Bref, un peu fait pencher pute vers un excès de séduction plutôt que vers un excès d'opportunisme.

Mme Perrin l'a entendu autrement. Tout de même, consolait-elle Léo, tout de même, ce personnage qui vous traite de pute...

Croirez-vous, madame, que me faire traiter par vous de «personnage» m'a grandement chagriné? Pensez-y: y a-t-il quelque chose de plus pute que ce personnage qui vous précède, vous singe et prétend être vous?

L'AMATEUR DE HOCKEY - Y a du hockey, youpi. Y en a pas, tant pis. Si j'en parle, c'est seulement pour rassurer mon collègue Stéphane Laporte, qui s'inquiétait dans sa chronique de samedi: «Les propriétaires sont convaincus qu'ils ne perdront pas leurs clients... mais peut-être bien qu'il y en aura moins.»

À Montréal, Toronto, Winnipeg? Pas un de moins, monsieur Laporte. Que la saison commence en novembre ou en janvier ou à l'automne 2013, tous vont y retourner en courant. Dans les autres villes et à la télé, cela prendra peut-être deux ou trois semaines, mais les cotes d'écoute redeviendront assez vite ce qu'elles étaient avant le lock-out.

J'entends que ce-sont-encore-une-fois-les-amateurs-qui-sont-pris-en-otage. Ça veut dire quoi, au juste? On n'est pas dans une grève des transports, des infirmières, des profs, des éducatrices de CPE... Ils ne sont pas otages, les amateurs de hockey, ils sont en manque. Ça n'a rien à voir.

Quant à protester en faisant à son tour la grève pour punir la LNH, on confond ici l'amateur de hockey avec Gabriel Nadeau-Dubois. S'il était dans la nature de l'amateur de hockey de protester, il l'aurait fait depuis longtemps contre ce scandale permanent qu'est le prix des billets.