Et puis, monsieur, êtes-vous satisfait que le registre des armes d'épaule ne soit plus? Êtes-vous allé danser?

J'étais contre ce registre, c'est vrai. Mais l'idée d'avoir ne serait-ce que le bout des orteils dans le camp des conservateurs me fait frémir. Leurs célébrations sont inqualifiables. La droite, dites-vous? La droite est querelleuse, pas forcément conne. Ce contentement de soi, ce n'est pas la droite, on est ici chez des phalangistes, des soudards, chez des imbéciles surtout.

Reste que je pense pas, comme on l'a dit, qu'ils ont dansé sur des tombes des victimes de la tuerie de Polytechnique. Ni sur les tombes des victimes à venir des armes à feu.

Le pétage de bretelles des conservateurs m'est insupportable, mais pas plus insupportable que la satisfaction montrée par la Coalition pour le contrôle des armes à feu quand, après cinq ou six ans de grenouillages, elle avait obtenu cette loi sur le contrôle des armes.

Née après la tuerie de l'École polytechnique, cette Coalition s'était rapidement transformée en lobby (étroitement associé au réseau de la santé publique du Québec), en appliquant à la lettre toutes les recettes de l'advocacy, en réécrivant le manuel «Comment manipuler l'opinion publique» - tordages de bras, grenouillages institutionnels, putassages médiatiques -, tout cela à l'intérieur d'une structure presque sectaire et, surtout, animé d'une volonté totalement intégriste de guérir la société.

En fait, ces gens-là ont les mêmes réflexes moraux que M. Harper. Le même désir de soigner le pays, la même vision sanitaire de la politique.

Si je n'avais pas le goût de danser, je n'avais pas non plus celui de pleurer.

C'EST PAS UN ACCIDENT - Leur ami a été tué dans un accident débile de couch surfing - une extension d'une autre morronerie, le car surfing -, leur ami a été tué et ils viennent dire au micro comme ils l'aimaient, comme c'était un bon gars, ils disent comme c'est dur de perdre un chum, ils ne sont pas atterrés par la bêtise de l'entreprise, ils ne sont pas consternés par leur propre sottise, ils ont de la peine comme lorsque n'importe qui perd un ami, ils ne montrent aucune contrition, comme si leur ami venait d'être tué en Afghanistan ou avait succombé à un cancer.

Leur ami avait pris place dans un fauteuil tiré par un pick-up sur une route de campagne. Une voiture venant en sens inverse a percuté le fauteuil qui zigzaguait au bout de sa corde. Ça n'a rien à voir avec l'Afghanistan, ça n'a rien à voir avec la fatalité, rien à voir avec: on pense-toujours-que-ça-n'arrive-qu'aux-autres, ce n'est pas un autre qui a embarqué dans le fauteuil, c'est lui, et deux autres dans un traîneau.

On en entend un déclarer en toute innocence que lui aussi a déjà pratiqué cet exercice-là. Et personne pour leur expliquer qu'il s'agit, en fait, d'une tentative de meurtre. Que le conducteur de la voiture qui venait en sens inverse aurait pu se tuer en frappant le fauteuil ou en essayant de l'éviter, qu'il aurait pu y avoir des enfants dans cette voiture, qu'ils auraient pu être tués aussi.

C'est une tentative de meurtre.

DE L'INFIRMITÉ - Je ne commenterai pas vos observations sur ma chronique de samedi sauf pour m'étonner du nombre de lecteurs qui virent sur le top dès que l'on se réfère à Richard Desjardins. Je ne soupçonnais pas que le poète-chanteur-documentariste irritait à ce point. Je présumais benoîtement qu'à peu près tout le monde au Québec s'entendait pour dire que Tu m'aimes-tu est parmi les cinq meilleurs albums de toute l'histoire de la chanson francophone.

Voilà pour ce qui m'étonne. Ce qui m'irrite, maintenant. Après avoir dit Ah! ah! un paquebot géant dans chambre à coucher, cétu parce qu'elle pesait 300 livres? Les anti-Desjardins en viennent vite à se gratter là ou ça les pique vraiment: L'Erreur boréale, le docu sur les mines, l'artiste engagé, le supporter de Québec solidaire, l'homme de gauche aux sympathies souverainistes.

Cette incapacité à juger d'une oeuvre indépendamment de son créateur, je pense ici très marginalement à Desjardins, je pense surtout à Céline l'antisémite, à Sade, à Gide le pédophile, à Chateaubriand le réactionnaire, à Sollers le prétentieux, à Houellebecq le chiant, à Falardeau le fulminant, cette incapacité m'apparaît comme l'une des plus grandes infirmités dont puisse souffrir un esprit.

Mais oui, il m'arrive d'en souffrir aussi, mais je me soigne.

RECORD - Vous avez été quelques dizaines à me souligner le record du monde de l'heure établi par un cycliste centenaire au vélodrome de l'UCI à Aigle, en Suisse.

Robert Marchand est français, il a eu 100 ans en novembre dernier, il a commencé à faire du vélo à 78 ans, il a roulé un peu plus de 24 kilomètres dans l'heure. C'est forcément un nouveau record puisqu'il est le premier centenaire à l'avoir tenté.

Qu'est-ce que ça vaut? me demande un lecteur qui dit ne rien entendre au vélo.

Vous êtes drôle, vous. Arriver à 100 ans à pied, c'est déjà bien, alors à vélo.

CONCOURS - Toute la fin de semaine, à la radio de Radio-Canada, les bulletins de nouvelles ouvraient sur l'annonce de la prochaine canonisation de Kateri Tekakwitha, qui deviendra la première sainte autochtone en Amérique du Nord.

Une fois, deux fois, cinq fois. La 18e fois, il m'est venu une soudaine interrogation et j'en ai fait part aussitôt à ma fiancée, juste au moment où elle sortait le pouding au pain du four. Elle a d'ailleurs failli l'échapper. D'après toi, mon amour, la Kateri là, est-ce qu'elle...

C'est la question à laquelle il vous faut répondre pour gagner un séjour d'une semaine en ma compagnie à Kahnawake. Est-ce qu'elle quoi?

Je vous embrasse.