Quel magnifique sport! Ça fait 50 ans que je vous le répète mais vous ne me croyez pas. Vous êtes là comme des cons à regarder des courses de chars ou du golf à la télévision.

Encore hier à Québec. Quelle magnifique course de bécyk.

Encore hier à Québec, en passant quelle magnifique ville, encore plus magnifique, il me semble, quand on y est juste de passage.

Revenons à la course, quelle magnifique victoire de ce petit Français, Thomas Voeckler, tellement sympathique et tellement fin coureur, tellement rusé. J'ai hurlé quand je l'ai vu sauter le groupe Hesjedal devant le Château Frontenac, ah le p'tit tabarnak. Ah le p'tit crisse!

Un des premiers trucs qu'a dit Voeckler après sa victoire, c'est: j'ai gagné aujourd'hui parce que je n'étais pas le plus fort! La formule résume très exactement ce qui s'est passé dans ces cinq heures de course.

Dans une boutique de la rue Saint-Jean, les vendeuses suivaient la course en direct à la télé - la même course qui passait devant leur porte! - bref j'entendais les commentateurs s'exciter comme des poux sur un col de chemise: à les entendre, il s'en était donc passé des affaires dans ce Grand Prix! Pas tant que ça. Pas nécessaire de flagorner. Ce fut une course comme on l'espérait, d'un grand classicisme, une réussite en effet. Mais pas un feu d'artifice.

Une échappée en début de course de 13 coureurs, échappée qui n'a jamais pris plus de 5 minutes, gros train devant, gros train derrière, se pognaient pas le cul, mais je dis que ce n'était pas un feu d'artifice. Ça ressemblait plus à un sablier qui se vide qu'à des flammèches partout. L'avance fondait comme prévu, 4 minutes, 3, 2, 40 secondes.

La jonction s'est faite avec deux tours à faire et là on revient à Voeckler qui n'était pas l'homme le plus fort du peloton, c'est très vrai. J'étais sur le chemin Saint-Louis, c'était la mi-course à peu près, j'étais avec ce jeune homme qui court chez les maîtres - Sébastien Gadbois -, on parlait du dernier kilomètre très exigeant, Sébastien disait que c'était forcément un costaud qui allait gagner ici, juste à ce moment-là passe le peloton et Sébastien d'ajouter en me montrant le coureur qui fermait la marche du peloton: sûrement pas lui!

C'était Thomas Voeckler, la bouche ouverte, aussi frais qu'un poisson sorti de l'eau depuis trois jours et demi.

Le plus fort, hier, c'était Ryder Hesjedal. Avec un tour et demi à faire, il décolle dans la côte de la Montagne. Cunego, le Danois Breschel et l'Allemand Wegmann prennent sa roue et les quatre font le trou. Un petit trou laïtou de rien du tout. Tiendront-ils jusqu'à la fin?

Derrière, les RadioShack chassaient comme des fous. Voeckler sur leur porte-bagages. Si ça ne revient pas, il finit 12e Voeckler. Si ça revient, et c'est revenu, alors là! Ce n'est peut-être pas l'homme le plus fort de peloton, mais pour l'instinct, y'en a pas des millions comme lui.

Voeckler a sauté les quatre échappés devant le Château Frontenac. Il en avait juste assez dans la canisse pour le dernier kilomètre. Il n'en revenait pas, il n'est pas près d'en revenir de celle-là.

Une belle course. Avec un final en forme de chapeau de magicien, il en est sorti le plus sympathique des lapins.

Et il n'a même pas plu.

Beaucoup de monde sur Grande-Allée près de la ligne d'arrivée. Aux terrasses des restos, comme Aux Vieux Canons, au Louis-Hébert, au Savini, des dîneurs, assis du même côté des tables, suivaient la course sur les grands écrans. Rue Saint-Louis, rue Saint-Jean, et Buade et de la Fabrique, beaucoup de cyclos, de badauds, la cohorte de ceux-là qui suivent le Tour de France au Canal Évasion. Des grands fans de Bernard Vallet, de Louis Bertrand. Ah M. Foglia, je vous lis tous les jours, vous n'aimez pas trop Vallet, je crois?

Bof.

Et Garneau?

J'aime bien Richard, mais dans le vélo? Bof.

Et ce Louis Bertrand qui vous doit un repas, va-t-il finir par s'exécuter?

Chut, il m'a demandé hier si j'avais déjà mangé du lapereau au chou, et des truffes blanches? Et des oeufs à la neige, chut, je crois que c'est imminent.

Il y avait du monde, oui, des amateurs étonnamment avertis, qui vous déclinaient les favoris sur le bout des doigts, Boasson Hagen, Sagan, Gesink, mais c'est drôle pas Voeckler. Des passionnés comme cette jeune femme, Johanne Cyr, qui roule avec l'élite des femmes, qui vient de changer de job, elle vient d'entrer au groupe financier La Capitale en posant une condition: qu'on lui donne la journée du 10 septembre pour assister au Grand Prix de Québec.

Qui ai-je rencontré encore? M. Paré, le maire de Beaupré, où viennent de se tenir les championnats du monde de vélo de montagne, M. Desaulniers, un de ses conseillers. Un monsieur en chaise roulante qui se plaignait que ce Grand Prix n'avait pas prévu de toilettes pour les handicapés. Ben là! Niaise pas! Non, je ne le lui ai pas dit. Il s'appelle M. Huet comme Cristobal. Il m'a parlé de Jean Robic, et ça là! Quand, dans une course de vélo, vous tombez, par malchance, sur un type qui se met à vous parler de Jean Robic, d'Anquetil, de Louison Bobet, partez en courant, ce qui s'en vient c'est comme visiter le musée de la machine agricole à Guelph.

J'ai rencontré Pierre Gagnon, un écrivain dont j'ai lu le tout premier livre il y a longtemps, j'avais beaucoup aimé, je ne l'avais jamais rencontré, je trouve qu'il ressemble à son écriture; il glisse sans appuyer sur rien. On s'est promis d'aller rouler. J'ai rencontré plein de gens qui avant que j'ouvre la bouche me disaient: ah vous êtes M. Foglia! Pis après on ne savait plus quoi dire. J'ai rencontré Marc-Michel Lavoie dont le papa est chef de pupitre au Journal de Québec. J'ai rencontré Liliane dans la côte des Glacis qui m'a dit, vous là! vous là!

Quoi?

J'aime mieux pas parler. Et elle est partie.

J'ai rencontré le maire Labeaume. J'entrais dans la zone média, lui en sortait, il me prend par le bras, il me dit: ah c'est vous ça! Il m'a félicité pour mon papier d'hier, je vous le jure, ce papier dans lequel je dis que c'est pas lui qui a inventé la bullshit.

Qui ai-je vu encore? Je ne sais plus. Mais je n'ai pas vu Paul Roy. Où t'étais Paul?