Lance Armstrong? Il ne gagnera pas ce Tour le France. Alberto Contador? Il ne le gagnera peut-être pas non plus.

Le tout jeune Luxembourgeois Andy Schleck? Hé hé, Andy Schleck! On ne peut encore rien avancer avec certitude, mais ce qu'on a vu hier, c'est que ce garçon très, très maigre en a mené très, très large dans cette première étape alpestre qui a mené les coureurs à la station d'Avoriaz sur les hauteurs de Morzine, dans les Alpes du Chablais.

Facile, très facile dans les deux ascensions, peut-être même le pied sur le brake - j'exagère -, Andy Schleck a flingué tous les autres favoris dans le dernier kilomètre de cette arrivée en altitude, il a enlevé l'étape, mais surtout, il a pris 10 secondes aux Cadel Evans, Menchov, Kreuziger, Leipheimer et Contador. Contador qui jusque-là faisait figure de grand gagnant de la journée. Après le dernier kilomètre, l'Espagnol avait pourtant plus à s'inquiéter qu'à triompher.

Mais reprenons. L'événement du jour, c'est la grande défaite de Lance Armstrong, sa première sur ce Tour qu'il a gagné sept fois et qu'il ne gagnera plus jamais. «Mon Tour est fini» a-t-il dit en passant la ligne, pour ajouter aussitôt: «Je n'abandonnerai pas. C'est mon dernier Tour et je vais essayer d'avoir du fun jusqu'à Paris.»

Exit Lance Armstrong.

Ceux qui l'ont suivi depuis sa toute première course professionnelle en 1992 (la classique de San Sebastian qu'il avait terminée au dernier rang) savent que le vrai fil conducteur de son extraordinaire carrière, c'est son amour du vélo et du Tour, on ne se surprend donc pas qu'au moment de sa première vraie grande défaite, il parle d'avoir du fun une dernière fois. C'est la grâce qu'on lui souhaite.

Lance est tombé trois fois hier. La première pas vraiment, la seconde méchamment à un bien mauvais moment, ce qui l'a obligé à un gros effort pour revenir dans le peloton juste au pied du col de la Ramaz, et la troisième fois dans le faux plat des Gets, un petite chute de rien. Mais si vous voulez mon avis, sa vraie chute, celle qui lui a vraiment fait mal, personne ne l'a vue parce qu'il n'est pas vraiment tombé. C'est quand, en plein milieu de la Ramaz, il s'est fait larguer par ce peloton d'une quarantaine de coureurs qui regroupait tous les favoris, un peloton qui ne roulait même pas à fond. Quand, dans un col de première catégorie réputé difficile comme la Ramaz, il y a encore 40 coureurs en tête, c'est parce que ça ne roule pas à fond. C'est à ce moment-là que Armstrong est tombé sans tomber, qu'il est tombé mais pas de son vélo, il est tombé de son âge, de sa condition, de son trône. Il franchira la ligne 11 grosses minutes (11!) derrière le Luxembourgeois.

Voilà donc le Tour sans Armstrong ou presque, mais avec tous les autres. Pas tous sur la même ligne. Voilà Cadel Evans avec le maillot jaune... même si on l'a vu grimaçant. Voilà les jeunes loups, Robert Gesink, Roman Kreuziger, tout fringants. Voilà le vieux Leipheimer dans les souliers de Lance qui seront un peu trop grands, on peut déjà le dire. Voilà même des revenants qu'on n'attendait plus, Denis Menchov, Carlos Sastre qu'on disait de mauvaise humeur parce qu'on lui a tordu le bras pour qu'il vienne sur le Tour. Michael Rogers et Wiggins aussi, un ton nettement en dessous. Même Basso est là.

Et surtout Contador et Andy Schleck. Pas mal sûr qu'au final, cela se jouera entre ces deux-là. Pas mal sûr que cela se décidera dans les vignes du bordelais dans le contre-la-montre de l'avant-dernier jour. Il faudrait que Schleck s'y présente avec au moins trois minutes et demie d'avance sur Contador. Il lui en reste trois à prendre.

Mais pourquoi cela ne pourrait-il pas se jouer entre Schleck et Evans? Ou entre Schleck, Evans et Contador? Si vous voulez. N'importe quel scénario, une seule condition: que Schleck soit dedans.

Et Ryder Hesjedal? Votre Hesjedal? Le mien aussi, c'est vrai, quoique je sois moins porté sur le possessif que vous. Le coureur canadien a fait une autre superbe course hier. Il est resté avec les meilleurs dans le col de la Ramaz, ce n'est que dans l'ultime montée vers Avoriaz, quand les Astana ont mis la gomme, que Ryder a décroché et encore, légèrement décroché, puisqu'il a franchi la ligne à la 14e place à un peu plus d'une minute du vainqueur. Au général, le voilà en sixième place. Nous sommes de plus en plus nombreux à le voir dans les 10 premiers à Paris.

Aujourd'hui: repos. Demain, la grande étape alpestre avec les cols des Saisies et le brutal col de la Madeleine, mais tout de même à 30 kilomètres de Saint-Jean-de-Maurienne. Ça laisse le temps de revenir. C'est mon collègue Simon Drouin, que je remplaçais au pied levé aujourd'hui, qui vous la racontera.

Bonne fin de Tour.

Photo: AFP

Lance Armstrong: «Je n'abandonnerai pas. C'est mon dernier Tour et je vais essayer d'avoir du fun jusqu'à Paris.»