Avez-vous noté qu'il n'y avait pas foule aux Champs-Éylsées hier pour accueilir le Tour? Moins de monde aussi sur les routes en général, sauf lors du passage en Suisse. Je lance l'idée: pourquoi pas un Tour de France rien qu'en Suisse?

Bof, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, si le Tour de France ne s'est pas étouffé dans son propre vomi depuis dix ans, c'est qu'il est increvable. Ce serait bien le diable qu'il ne survive pas un léger désamour de son public. Surtout maintenant qu'il a retrouvé [son] Lance Armstrong. Le Tour et Lance Armstrong sont faits l'un pour l'autre, comme le tenon et la mortaise, comme le lapin et la carotte, comme le morpion et le poil de cul, chacun se nourrissant de la bullshit de l'autre, et envoye donc madame Chose, la légende est en marche.

Je suis en train de lire Le Sale Tour sorti au Seuil en juin, les auteurs sont deux journalistes que j'aime bien, Ballester et Walsh, c'est leur cinquième portrait de Lance, le premier était décapant, celui-ci sent nettement le réchauffé.

Bien sûr chers confrères, bien sûr, Armsgtrong est un grand manipulateur, vous l'aviez déjà dit, et il est presque toujours de mauvaise foi. On avait bien compris aussi que sa fondation contre le cancer est, dans cet ordre: de la grosse business, de l'auto-promotion, et un abri bien pratique: c'est comme si Lance Armstrong ne se déplaçait plus qu'en ambulance, toujours à secourir quelque malheureux, à leur porter des fonds, c'est bien connu on n'arrête pas les ambulances, on tire encore moins dessus.

De là à le rendre responsable d'un Un sale Tour avant même qu'il commence, vous déraillez collègues. J'avance même que sans Lance Armstrong, on se serait drôlement emmerdé dans ce tour 2009.

Sans Armstrong (et Johan Bruyneel) pour retenir Contador dans la montée vers Arcalis, Contador aurait attaqué au pied de la pente, aurait pris trois minutes à tout le monde et le Tour eût été fini. On aurait fait quoi les deux semaines qui restaient? On aurait regardé le golf? J'entends d'ici l'autre perroquet à pois du canal Évasion redonder à tout va: malheureusement, malheureusement, à moins d'une défaillance, à moins d'une défaillance...

La gué-guerre Armstrong-Contador nous a gardé éveillés. Prenez ce Bradley Wiggins, qui est la grande révélation du Tour. On ne peut pas dire qu'il nous a donné des grands frissons. On s'est extasié de le voir suivre les meilleurs en montagne, puis on s'est habitué à ce qu'il les suive, mais en fin de compte c'est tout ce qu'il a fait: suivre. On est loin, ici, du Cirque du Soleil.

Prenez ce Rinaldo Nocentini, qui a passé dix jours en jaune. Un garçon adorable. Mais quelle tisane. Qu'est-ce qu'on a bien dormi avec lui.

Prenez ceux-là qu'on disait les favoris. On n'avait pas fait 15 kilomètres, les 15 de Moncaco, qu'on avait compris pour Menchov, il s'est mis une petite pancarte dans le dos: parti à la pêche, de retour dans un mois.

Cadel Evans, sans équipe, a plongé, cela tombe sous le sens, dans le contre-la-montre par équipe. Sastre ne s'est jamais relevé du coup de bordure de la Grande Motte. Imaginez si Armstrong n'avait pas été là pour foutre une peu le bordel, pour plomber l'atmosphère comme lui seul peut le faire, pour allumer Contador de ses remarques assassines. Et pour le trahir en faisant semblant de le servir. Du grand Armstrong.

Il faut une bonne équipe pour gagner le Tour. Alberto Contador, et c'est là toute l'originalité de sa victoire, a gagné ce tour en dépit de son équipe, en dépit des Armstrong, Klöden et Johyan Bruyneel.

On le félicite.

LA MOUTARDE Rappelez-vous cette fin d'étape juste avant les Alpes. Une échappée qui ne sera pas rejointe, dans cette échappée, l'Américain George Hincapie de la Columbia qui est aussi l'équipe de Cavendish. Hincapie a de bonnes chances d'endosser le maillot jaune ce jour-là.

Le peloton est emmené par les Garmin - une autre équipe américaine. Pourquoi roulent-ils comme des malades? Aucune raison sportive. Pure malveillance. Pour empêcher Hincapie de prendre le maillot jaune. Columbia et Garmin sont en chicane depuis le Tour d'Italie. De fait, Hincapie ratera le maillot jaune par cinq secondes.

Hier, suite et fin de ce petit roman savon cheap. Le sprinter de la Garmin, Tyler Farrar, répète à qui veut l'entendre depuis trois semaines qu'il va battre Cavendish à Paris.

Sur les Champs-Élysées hier, il y a avait de la moutarde dans le sprint de Cavendish, complètement survolté, il a pulvérisé Farrar. Pour ajouter à l'humuliation des Garmin, le poisson pilote de Cavendish, Mark Renshaw, a aussi largement battu Farrar. Yesss.

POUR FINIR Hâte de voir quel genre d'équipe Armstrong va réunir autour de ses petits amis Leipheimer, Klöden, Chris Horner et autres Popovitch. Souhaitons que la rumeur qui annonce les Schleck à RadioShack soit fausse. Ce serait pourtant bien dans le style d'Armstrong de tenter le coup: if you can't beat them, join them. Et pourquoi pas Wiggins un coup parti?

J'avais mis de côté les prédictions des grands experts avant le départ. Tous ou presque avaient Contador. Une bonne moitié plaçaient Armstrong sur le podium. Peu de Schleck par contre. Du Cadel Evans et du Menchov en masse. Deux seulement gagnent le tiercé dans l'ordre, Eddy Merckx et Marinoni.

Notez que je prends des vacances jusqu'à Nouël. Mais non c'est pas vrai, je m'en vais à Berlin pour un truc, y avez-vous des amis, des parents qui me donneraient cinq minutes pour me parler de leur ville? Je paie la bière.