Zinédine Zidane a démissionné jeudi de son poste d'entraîneur-chef du Real Madrid. Peu importe votre intérêt pour les rebondissements du soccer européen, la nouvelle est immense.

Pourquoi ? Parce que les motifs invoqués par Zizou pour justifier sa décision résonnent dans tous les sports professionnels, dont le hockey, et mènent à une question fondamentale : combien de temps le message d'un entraîneur porte-t-il auprès de ses joueurs ? Ce que Zidane nous dit, c'est que cette période est très courte.

Avec Zidane à sa tête, le Real Madrid a remporté les trois derniers titres de la Ligue des champions, un exploit unique dans cette compétition prestigieuse.

En théorie, ce palmarès aurait dû lui donner une confiance absolue pour la suite des choses. Presque tous les autres entraîneurs auraient saisi l'occasion pour exiger un renouvellement de contrat, avec une substantielle augmentation de salaire à la clé.

Mais Zidane n'est pas Zidane pour rien. Lorsqu'il était joueur, il était toujours un pas devant les autres. Ce sens de l'anticipation demeure un de ses atouts. « Tu dois savoir partir, a-t-il dit. Après trois ans, le club a besoin d'un nouveau discours, d'une nouvelle méthode de travail. »

La philosophie derrière cette déclaration est à l'opposé de celle de Geoff Molson et d'autres gestionnaires sportifs, pour qui la « stabilité » est l'atout essentiel d'une organisation. Zidane croit plutôt qu'il faut renouveler le discours, même quand une équipe connaît autant de succès que le Real Madrid. Voilà l'originalité de son propos. La règle Zizou est simple : agir avant l'inévitable retour des choses.

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Zidane n'est pas le premier entraîneur-chef à quitter son poste au sommet de sa gloire. À Montréal, par exemple, deux figures légendaires du Canadien, Toe Blake et Scotty Bowman, ont agi ainsi.

En 1968, après avoir bu du champagne dans la Coupe Stanley, Blake a annoncé qu'il passait le flambeau. C'était son huitième titre derrière le banc. Puis, en 1979, Bowman a tiré sa révérence après une quatrième Coupe Stanley d'affilée. Les deux hommes ont pris cette décision pour des raisons très différentes de celles de Zidane.

Blake n'était plus capable de soutenir la pression, à tel point qu'il tremblait avant les matchs. « À quoi bon demeurer à ce poste si mes nerfs ne peuvent tenir le coup ? », dit-il aux journalistes.

Bowman, lui, n'avait pas digéré sa défaite dans la lutte de pouvoir après le départ de Sam Pollock en 1978. Il souhaitait le remplacer comme directeur général, mais la direction avait opté pour Irving Grundman. Les relations entre les deux hommes étaient mauvaises. Un an plus tard, Bowman s'est joint aux Sabres après un feuilleton de trois semaines où son avenir a alimenté la chronique.

Blake n'a plus jamais dirigé d'équipe, alors que Bowman a poursuivi sa fulgurante carrière. On peut croire que Zidane, encore tout jeune à 45 ans, retournera dans le feu de l'action même si ce n'est pas dans l'immédiat. En France, on suppute déjà sur la possibilité qu'il remplace Didier Deschamps à la tête de l'équipe nationale si celle-ci ne connaît pas le succès espéré durant la prochaine Coupe du monde.

La théorie de Zidane, axée sur la nécessité d'un « nouveau discours », cadre bien avec notre époque, où la qualité et la fraîcheur de la communication sont intimement liées aux succès des entreprises. Le message doit être constamment revu, afin de maximiser son impact. C'est aussi vrai dans un vestiaire professionnel.

Pensons, par exemple, à la dernière Coupe Stanley du Canadien en 1993. Jacques Demers en était à sa première saison derrière le banc et son attitude positive a constitué une bouffée d'air frais après le régime étouffant de Pat Burns. Sans surprise, celui-ci a aussi connu ses meilleurs moments à la barre du CH à sa saison initiale, conduisant l'équipe à la finale de 1989.

Impossible d'imaginer deux hommes à la personnalité plus différente que Demers et Burns. Mais ils ont en commun d'avoir porté un nouveau discours, tranchant avec celui de leur prédécesseur. Cela leur a valu un succès immédiat. Ils ont ensuite connu des moments plus difficiles avant d'être remplacés derrière le banc du Canadien.

Cela n'a pas empêché Burns d'incarner par la suite le « renouveau » à Toronto, à Boston et au New Jersey. Lui-même n'avait guère changé, mais il a profité de la chance de s'adresser à un autre auditoire, qui avait soif d'entendre une voix différente.

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À n'en pas douter, Gerard Gallant est l'entraîneur par excellence de la saison dans la LNH. Il a réussi un miracle en conduisant les Golden Knights de Vegas en finale de la Coupe Stanley. Son approche humaine inspirera sans doute d'autres organisations, qui se tourneront vers ce modèle moderne d'entraîneur.

Quand on analyse le rendement des Golden Knights à la lumière des propos de Zidane, on réalise à quel point Vegas a profité d'une combinaison parfaite. D'un côté, un entraîneur qui est un excellent communicateur ; de l'autre, des joueurs qui, en manque d'appréciation au sein de leur ancienne organisation, avaient tous besoin d'entendre une nouvelle voix.

La règle Zizou ne signifie pas qu'une équipe doive, comme l'Impact en MLS, être dirigée par cinq entraîneurs en moins de sept saisons. On peut certainement se demander aujourd'hui si Jesse Marsch et Mauro Biello n'ont pas été congédiés trop vite. Mais il est tout aussi vrai que maintenir en poste un entraîneur dont le message ne passe plus, comme le Canadien l'a fait une année de trop avec Michel Therrien, n'est pas une meilleure solution.

Gagne ou perd, Zidane semble croire que trois ans, et même un peu moins dans son cas, constituent un mandat d'une durée acceptable. Et qu'au-delà de cette échéance, notamment en raison des inévitables difficultés rencontrées en cours de route (ce fut son cas, malgré les titres), un changement peut être bienvenu même au sein d'une équipe gagnante.

Il y a là matière à réflexion pour toutes les organisations.