Si Geoff Molson avait voulu redonner espoir aux partisans sur-le-champ après cette saison désastreuse, il aurait congédié Marc Bergevin. Sa décision de lui accorder une ultime chance est un énorme risque. (J'utilise le mot « ultime », car j'ai la conviction, après avoir parlé avec le propriétaire-président cette semaine, que sa patience est à la limite.)

Aucun doute là-dessus : l'enthousiasme serait au rendez-vous si on discutait aujourd'hui de la possibilité que Julien Brisebois, le candidat idéal à mes yeux, devienne DG du CH. Ce serait aussi une excellente nouvelle pour le hockey au Québec, car on connaît tout l'intérêt que le Lightning de Tampa Bay, où il est l'adjoint du DG Steve Yzerman, porte aux joueurs d'ici.

Avec raison, la cote de Bergevin dans l'opinion publique est basse, ce que reconnaît le grand patron de l'organisation. Et le DG n'a pas inversé la direction du vent en dressant le bilan de l'équipe lundi.

Au lendemain du bilan de saison, Geoff Molson a reconnu que Bergevin aurait pu mieux exprimer sa pensée lorsqu'il a évoqué un problème d'« attitude » pour justifier en partie les insuccès du Canadien. Malgré les conseils d'un spécialiste en communications de National, ses explications ont manqué de clarté.

Pour Bergevin, cette conférence de presse était la plus importante depuis celle de mai 2012 où sa nomination a été annoncée. Il avait alors frappé un coup de circuit, charmant tout le monde avec son authenticité et sa passion. Il semblait posséder les atouts pour devenir un communicateur hors pair, une quasi-nécessité quand on occupe un poste aussi en vue dans le sport professionnel.

Cela ne n'est pas produit. Et Bergevin n'a que lui-même à blâmer. Il manque de pratique, tout simplement ! En réduisant au fil des ans ses interventions publiques à un strict minimum, il a raté l'occasion de s'améliorer. Et quand il se retrouve dans une situation délicate comme celle de lundi, où il doit convaincre les fans qu'il demeure l'homme de la situation, la pression devient d'autant plus forte.

On a senti Bergevin nerveux tout au cours de cette longue séance. Et il a sûrement compris que sa position dans l'organisation était plus précaire quand Geoff Molson a répondu à une question à sa place, affirmant que des joueurs quitteraient Montréal s'ils ne modifiaient pas leur attitude. Bergevin reste seul maître à bord des décisions hockey, mais son patron scrutera davantage son travail.

Dans l'entrevue qu'il m'a accordée mardi, Geoff Molson a beaucoup insisté sur la nécessité d'améliorer les communications de l'équipe, qu'il ne juge pas en phase avec l'époque. Il touche ainsi un enjeu crucial et il faut l'en féliciter. Bergevin a érigé en dogme la culture du secret chez le Canadien, une organisation déjà peu transparente.

Renverser cette tendance ne sera pas une mince affaire. On a déjà senti toutes les réserves de Bergevin lorsque Geoff Molson s'est exprimé à ce propos lundi. Celui-ci sait très bien que son DG devra consentir des efforts substantiels pour embrasser cette nouvelle culture. Selon lui, Bergevin aura suffisamment progressé en septembre, à l'ouverture du camp d'entraînement. J'ai mes doutes, mais il faut donner la chance au coureur.

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Si les communications externes sont déficientes, peut-on vraiment croire que Bergevin gère en champion celles avec ses joueurs ?

Chose certaine, pour un DG aussi près de son équipe, le message n'a pas bien passé cette saison. Cela est inquiétant pour la suite des choses. Car si un entraîneur-chef peut « perdre son vestiaire », un DG risque aussi de susciter des doutes auprès de ses troupes. Les lacunes de l'équipe cette saison ont aussi été remarquées par les joueurs.

Bergevin n'a pas le choix : pour convaincre son patron, ses joueurs et les partisans que le statu quo n'est pas une option, il doit effectuer des changements dans sa garde rapprochée.

Joël Bouchard est certainement un candidat de grande valeur pour contribuer à la relance du CH. Son profil est si impressionnant qu'on peut l'imaginer dans plusieurs postes : adjoint au directeur général, recruteur en chef, entraîneur adjoint ou grand manitou du Rocket de Laval.

En plus d'être président, DG et entraîneur-chef de l'Armada de Blainville-Boisbriand de la Ligue junior majeur du Québec, Bouchard était le DG d'Équipe Canada junior au cours des deux derniers championnats mondiaux (médailles d'or et d'argent). Ses succès sur les scènes nationale et internationale font de lui un des acteurs les plus influents dans le hockey canadien.

Bouchard représenterait une prise formidable pour le CH. Mais Bergevin voudra-t-il s'entourer d'une personnalité aussi forte, qui s'imposerait forcément comme candidat potentiel à sa succession si Geoff Molson changeait un jour de DG ?

À l'heure actuelle, aucun des adjoints de Bergevin, qu'il s'agisse de Rick Dudley, Scott Mellanby, Trevor Timmins ou Larry Carrière, n'a ce profil. L'arrivée de Bouchard mettrait fin à cette situation.

En revanche, Bergevin aurait tout à gagner en faisant de Bouchard son principal adjoint. Car comme Geoff Molson me l'a dit mardi, la pression sur lui est « significativement plus élevée ».

Or, si un homme peut aider Bergevin à sortir le CH du gouffre, c'est bien Bouchard.

Il fournirait des idées nouvelles et des conseils éclairés. On peut aussi rêver : peut-être que le CH le laisserait s'exprimer publiquement à l'occasion, ce qui améliorerait de beaucoup les communications du secteur hockey.

Dans l'hypothèse où le CH lui ferait signe, Bouchard devrait cependant s'assurer que Bergevin veut de lui pour les bonnes raisons et qu'il pourrait exercer une influence réelle. Sinon, il aurait avantage à attendre une meilleure occasion.

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On a tous hâte de voir quels changements seront apportés à la formation en vue de la prochaine saison. La loterie pour déterminer le rang de sélection au repêchage, les éventuels échanges et la journée des joueurs autonomes, tout cela suscitera un intérêt immense.

Mais il ne faut pas s'y tromper : les décisions de Bergevin à propos de ses adjoints seront aussi décisives. Sans idées neuves et sans vent de fraîcheur, redonner des ailes à l'organisation sera une tâche encore plus laborieuse.