Claude Julien est arrivé tôt à son bureau de Brossard hier matin. Il a préparé avec soin sa journée de travail, sa plus significative depuis son retour à Montréal. Car au-delà des paroles confiantes entendues dans le vestiaire de l'équipe après l'entraînement - « Pas de panique ici ! » -, une vérité demeure incontournable : le Canadien peut difficilement se permettre une deuxième défaite d'affilée devant ses partisans ce soir.

En s'imposant 2-0 dans le premier match de la série, les Rangers de New York n'ont pas seulement envoyé un message percutant sur la solidité de leur propre formation. Ils ont aussi mis en lumière les ennuis offensifs du Tricolore.

Ce score est en effet lourd de signification, comme une plaie en attente de traitement. Le Canadien a beau répéter que peu de buts sont marqués en séries, qu'on y joue du hockey très serré, cela ne change rien au fond de l'affaire. Pour gagner, il faut expédier la rondelle au fond du filet ennemi. Et le Canadien ne l'a pas fait mercredi. Passer près, créer des chances ou frapper à la porte, ce sont des expressions commodes, susceptibles de fournir du réconfort psychologique, mais elles ne maquillent pas l'essentiel : si l'attaque demeure en panne, cela fera aussi mal qu'au printemps 2015.

Quand j'ai demandé à Julien si cette incapacité à marquer pouvait finir par jouer dans la tête de ses joueurs, il a dit espérer que ce ne soit pas le cas après un seul match éliminatoire.

L'entraîneur du CH a poursuivi : « On essaie de trouver les moyens pour marquer des buts. On en a parlé hier matin, on a montré des choses qui vont peut-être nous aider à le faire. En même temps, il faut donner à leur gardien ce qu'il mérite. Il a réussi des arrêts où, si le bond avait été de notre côté, on aurait eu des buts. C'est pour ça qu'il ne faut pas paniquer non plus. Ils en ont seulement inscrit un contre notre gardien. Je ne vois pas pourquoi ce n'est pas un problème de leur côté et que ça en serait un du nôtre. »

Julien a aussi évoqué les aléas du jeu. « Ils ont eu un break [mercredi] qui leur a permis de marquer. Nous, on ne l'a pas eu. Il faut travailler pour faire nos propres chances. »

Dans les circonstances, le CH est chanceux de compter sur un nouvel entraîneur. Il n'a pas vécu la sécheresse de 2015 et peut jeter un regard frais sur la situation. Son calme - il en a fait une autre belle démonstration hier - représente un atout pour le CH.

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En Alain Vigneault, les Rangers comptent aussi sur un coach avec du coffre. Et il l'a bien prouvé lors du match initial. Le Canadien manquant d'armes en attaque, on devinait facilement que Max Pacioretty serait surveillé de très près. Et c'est en plein ce qui s'est produit. Il a reçu des coups solides, notamment de Dan Girardi.

Faut-il le rappeler ? Pour que le CH obtienne du succès au cours des prochains jours, Pacioretty doit absolument faire pencher la balance sur la patinoire. Les grands capitaines se distinguent de cette manière, même si le parcours de leur équipe n'est pas couronné d'une Coupe Stanley. Dans l'histoire du Canadien, des joueurs comme Bob Gainey et Guy Carbonneau ont inspiré leurs coéquipiers avec un échec avant et un jeu défensif exceptionnels. Le numéro 67, lui, doit compter des buts.

Après l'entraînement d'hier, les journalistes ont entouré Alexander Radulov pour connaître ses impressions. On aurait dit le point de presse d'un ministre. Avec l'aisance d'un politicien, il a livré des propos sans surprise. Lui aussi doit faire sa part en territoire adverse et il le sait très bien.

Mais la clé demeure Pacioretty. Quand il roule à plein régime, il entraîne les autres dans son sillage. 

Les Rangers ne lui feront pas de cadeaux, il en est le premier conscient. Ce sera à lui de trouver des solutions et de donner le ton. Le « C » sur son chandail est un immense honneur auquel se greffent d'immenses responsabilités. Elles sont encore plus lourdes au printemps.

Alex Galchenyuk, lui, a de nouveau été confiné au quatrième trio à l'entraînement d'hier. Claude Julien a rappelé qu'il était un jeune joueur, envers qui il devait se montrer patient. Je comprends ce désir de le défier, de lui faire retrouver à la dure sa place sur le premier ou le deuxième trio. Mais cette stratégie demeure-t-elle appropriée après le revers de mercredi ? Le Canadien, qu'on le veuille ou non, se retrouve déjà en situation d'urgence. Trois défaites de plus, et ce sont les vacances, ne l'oublions pas.

Remarquez qu'on pourrait avoir des surprises, ce soir. Hier, Julien a déclaré que non seulement l'équipe ne devait pas paniquer, mais qu'elle devait aussi éviter de donner aux Rangers l'impression de le faire. Bref, la bataille psychologique entre Vigneault et lui, deux vieux rivaux connaissant tous les trucs du métier, est solidement engagée. Alors ne soyons pas étonnés si Galchenyuk reçoit une promotion peu après le début de la rencontre.

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Dans la LNH, ouvrir le pointage est toujours un atout. C'est vrai en saison, mais encore plus en séries. Julien l'a reconnu à sa façon en parlant de l'affrontement de mercredi. « Si on marque le premier but, c'est un match complètement différent. »

Ce qui était vrai mercredi le sera de nouveau ce soir. Les joueurs du Canadien le savent, ceux des Rangers aussi. Attendons-nous à un début de rencontre survolté. Comme l'impression que Carey Price et Henrik Lundqvist auront de petits miracles à accomplir.