Au parc Hébert de Saint-Léonard, où les Alouettes viennent de terminer leur entraînement, Jim Popp répond aux questions avec assurance. Rien ne semble ébranler son optimisme. Ni la fiche désastreuse des siens, encore moins le sérieux accrochage survenu quelques minutes plus tôt entre deux joueurs clés, le quart Rakeem Cato et le receveur Duron Carter, autre signe que cette équipe se décompose chaque jour davantage.

À vrai dire, le moral du DG et entraîneur-chef des Alouettes semble en phase avec cette merveilleuse journée de septembre. Il rappelle que la saison est loin d'être terminée et affirme que son équipe est bien meilleure que sa fiche ne l'indique. «Nos standards sont très élevés et j'ai contribué à les établir», dit-il avec conviction. «Et crois-moi, même si nous n'en sommes pas là actuellement, nous atteindrons de nouveau ces standards.» 

- Penses-tu toujours être l'homme de la situation en vue de la prochaine saison?

- J'ai confiance en moi. Je sais ce que j'ai accompli dans le passé et ce que je suis encore capable de faire. Alors absolument. Je crois que j'apporte beaucoup et que je peux aider cette organisation aujourd'hui et dans l'avenir.

Depuis plus de 20 ans, Popp consacre sa carrière aux Alouettes. Dans un contexte souvent difficile, son flair et son leadership ont mené l'équipe aux plus grands honneurs. Son nom mérite d'être gravé en lettres d'or dans la grande histoire de l'organisation.

Mais ces réussites passées, si admirables soient-elles, ne devraient pas valoir à Popp un chèque en blanc pour l'avenir. Bien sûr, on peut comprendre qu'une période de turbulence ait suivi les départs successifs de l'entraîneur-chef Marc Trestman et du quart-arrière Anthony Calvillo en 2013.

Mais dans le sport professionnel, la roue tourne vite. Le mandat d'un DG est d'identifier des solutions afin de relancer son équipe. Ses actions doivent fournir de l'espoir aux joueurs et aux partisans.

Popp, malgré cette foi profonde en ses propres moyens, n'incarne plus cet espoir. S'il ne redresse pas la barre dans la dernière ligne droite du calendrier, et si les Alouettes ratent les séries éliminatoires pour une deuxième saison consécutive, le propriétaire Robert Wetenhall devrait le remercier de sa contribution exceptionnelle et confier les guides de l'équipe à un nouveau groupe de direction.

Le fera-t-il? Compte tenu des liens puissants unissant les deux hommes, on peut en douter. Mais Wetenhall devrait comprendre que les Alouettes sont à la croisée des chemins. Pas seulement sur le plan sportif, où leurs déboires des dernières saisons semblent sans fin. Leur poids dans notre paysage sportif, où la concurrence est féroce, est aussi en jeu.

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Si les Alouettes ne donnent pas un coup de barre, ils courent un réel danger: susciter plus d'indifférence que de passion auprès des amateurs de sport. Cela entraînerait de graves conséquences: réduction des recettes aux guichets, partenariats avec les entreprises moins nombreux, baisse des cotes d'écoute des matchs à la télé... Déjà, le stade Percival-Molson, agrandi à grands frais, affiche rarement complet.

Dans ce contexte, Robert Wetenhall et son entourage doivent se poser cette question essentielle: Jim Popp peut-il stopper cette glissade?

La semaine dernière, mon collègue Miguel Bujold nous apprenait que Popp abandonnerait son poste d'entraîneur-chef en vue de la prochaine saison. Sage décision, même s'il n'a pas vraiment le choix. En adressant des propos méprisants à certains de ses joueurs plus tôt cet été, Popp a perdu beaucoup de crédibilité dans le vestiaire des Alouettes. «On ne s'occupe plus vraiment de lui et on écoute ce que nos entraîneurs de position et nos coordonnateurs nous disent», a d'ailleurs confié un vétéran de l'équipe à notre journaliste.

Popp est aussi incapable de faire régner la discipline au sein du groupe. Le désolant épisode impliquant Cato et Carter lors de l'entraînement d'hier - leur deuxième altercation en quelques jours! - l'a démontré.

Comme DG, le recrutement de Popp au cours des dernières années n'a pas été exceptionnel. Et, surtout, l'organisation a besoin d'une approche différente. Ce n'est pas manquer de respect envers ses accomplissements que de l'affirmer. Peu importe son champ d'activités, une entreprise qui fait du surplace, qui éprouve des ennuis récurrents à se démarquer de la concurrence, a besoin de se renouveler.

Dès la fin de la dernière saison, on a senti que les Alouettes avaient besoin d'un virage décisif. L'organisation a opté pour la continuité, un pari qu'elle est en train de perdre. Commettra-t-elle la même erreur une deuxième fois en deux ans?

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Plus que jamais, les Alouettes ont besoin d'un nouveau visage pour convaincre les amateurs que l'équipe s'en va dans la bonne direction. Le candidat idéal est déjà à Montréal. Il s'appelle Danny Maciocia et a déjà conduit les Eskimos d'Edmonton à la Coupe Grey.

Bien appuyé, l'actuel dirigeant des Carabins de l'Université de Montréal pourrait très bien être entraîneur-chef des Alouettes et avoir le dernier mot sur le personnel des joueurs. Des équipes de la NFL utilisent cette structure.

Mais si, comme je le pense, les Alouettes maintiennent Popp dans son poste de DG, peut-on imaginer Maciocia travailler sous ses ordres? Chose certaine, il devrait se montrer indulgent pour accepter ce défi, qui l'a cependant toujours intéressé. Car comment oublier les commentaires bêtes de Popp à son endroit l'automne dernier, lorsque l'idée a été évoquée dans les médias? Même si les deux hommes se sont ensuite expliqués, l'affaire a laissé des traces.

Confier les grands pouvoirs à Maciocia donnerait une crédibilité instantanée aux Alouettes. Jim Popp, à moins de présider à un improbable miracle automnal, n'est plus la solution. Ni comme entraîneur, ni comme DG. Les Alouettes ont besoin d'un regard frais.

PHOTO PATRICK SANFACON, LA PRESSE

Danny Maciocia