Imaginez un stade si bruyant que vous croyez que vos oreilles sont sur le point d'éclater. Et multipliez ça par dix ! Voilà la meilleure façon de commencer à saisir le tohu-bohu qui a submergé le Maracaña, en début de soirée samedi, lorsque Neymar, le fabuleux Neymar, a achevé l'équipe allemande.

Nous étions en tirs de barrage lorsque cet instant magique est survenu. Qui allait briser l'égalité de 1-1 après 120 minutes de jeu ? Les quatre premiers joueurs de chaque équipe, montrant un sang-froid exceptionnel, avaient tous trouvé le fond du filet.

Pour leur cinquième tir, les Allemands choisissent Nils Peterson, un vétéran au sein de cette équipe de jeunes. Son tir prudent est stoppé par Weverton, le gardien brésilien. C'est l'euphorie dans le Maracaña, l'un des stades les plus célèbres du monde. Les Brésiliens ne sont qu'à un tir de la médaille d'or olympique, seule décoration qui manque à leur palmarès.

Voici Neymar qui s'approche. Il place le ballon au point d'engagement. Malgré le vacarme, la tension est à trancher au couteau.

Le capitaine porte les espoirs de 200 millions de compatriotes sur ses épaules. S'il rate, on en parlera jusqu'à la fin des temps dans ce pays fou de football. Impossible de songer à plus grande pression pour un athlète.

Neymar amorce sa course, puis s'arrête une fraction de seconde avant de tirer, petite parade qui déconcentre peut-être le gardien allemand Timo Horn. Sa frappe puissante explose au fond des cordages. Le Brésil a gagné !

Dans les gradins, les gens sont en liesse. Ils crient, pleurent, s'embrassent, se sautent dans les bras, agitent des drapeaux... Au bout d'un moment, comme par magie, cette cacophonie se transforme en un tout cohérent. « Les champions sont de retour ! », scandent 80 000 personnes qui, ce soir, composent la chorale la plus heureuse du monde, la chorale du Maracaña.

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Non, ce n'était pas le match de la revanche, avait juré Rogério Micale, l'entraîneur brésilien, deux jours plus tôt. La question était évidemment sur toutes les lèvres. Au Brésil, la raclée de 7-1 infligée à l'équipe nationale par les Allemands, en demi-finale de la Coupe du monde de 2014, est un des moments les plus sombres de l'histoire sportive. Personne n'aurait imaginé pareille correction possible, surtout dans un tournoi présenté... au Brésil !

À la fin de cet affrontement cauchemardesque, même les Allemands semblaient gênés d'avoir inscrit autant de buts. Blessé, Neymar n'avait pas participé à cette rencontre. Peu importe, au Brésil, beaucoup se demandaient s'il était vraiment dans la catégorie des plus grands, si son nom s'inscrirait un jour dans la légende.

« C'était la Coupe du monde et nous sommes aux Jeux olympiques, avait tempéré Micale. Et Neymar n'était même pas en uniforme en 2014. Je ne vois pas comment on pourrait aborder ce match avec un sentiment de revanche. Je suis sûr que ce sera une excellente rencontre, mais elle n'a rien à voir avec le passé. »

Micale avait raison. La Coupe du monde regroupe les meilleurs joueurs de chaque pays. Les Jeux olympiques, c'est d'abord une histoire de jeunes. Les équipes ne peuvent aligner que trois joueurs de 23 ans et plus. Neymar, qui en a 24, était donc un des vétérans des siens.

Il n'empêche que si les Brésiliens s'étaient de nouveau inclinés face aux Allemands dans un match décisif, cela aurait heurté la fierté des citoyens. Neymar le savait mieux que quiconque. Son droit à l'échec était inexistant.

« C'est difficile d'expliquer mes émotions, a-t-il dit, après le match. J'ai accompli mon rêve. Et le faire dans mon propre pays me rend très fier. C'est une des plus belles choses qui me soient arrivées dans la vie. »

Puis, questionné sur son état d'esprit avant d'inscrire le but gagnant, Neymar a dit : « Tout ce que j'avais en tête, c'était de réussir mon tir. »

Il y a quatre ans, à Londres, les Brésiliens - et Neymar - s'étaient inclinés en finale olympique devant le Mexique.

« Neymar a maintenant une médaille d'or et une médaille d'argent aux Jeux olympiques, a ajouté son entraîneur. La prochaine étape pour lui est de remporter la Coupe du monde. Cette victoire démontre que le football brésilien n'est pas mort. Nous avons beaucoup de potentiel et nos objectifs pour l'avenir sont élevés. »

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Au-delà du résultat, le match a été spectaculaire du début à la fin. Neymar - qui d'autre - a ouvert le pointage d'un redoutable coup franc de 28 mètres en première demie. Puis, à la 59minute, l'Allemagne a créé l'égalité sur un beau but du capitaine Max Meyer.

Le tempo de la rencontre a été soutenu et personne ne s'est ennuyé. Remarquez qu'avec une foule si dynamique, le contraire aurait été étonnant. Les Brésiliens chantent souvent durant un match, ce qui crée une ambiance hors du commun.

Parmi les refrains qui ont résonné aux quatre coins du Maracaña, on a retrouvé quelques classiques. L'un d'eux commence en saluant les prouesses de Pelé : « Mille buts, mille buts, mille buts, y a juste Pelé... » et se conclut par une attaque contre Diego Maradona ! Même dans un match face à l'Allemagne, l'adversaire argentin n'est jamais loin des pensées des amateurs brésiliens.

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Les Allemands ont accepté leur défaite avec, ma foi, une attitude tout olympique. « Me voyez-vous pleurer ? a demandé l'entraîneur Horst Hrubesh. Je souris parce que nous pouvons être fiers de notre prestation. Ce fut un match très intense, les deux équipes auraient pu gagner. C'est OK de perdre en tirs de barrage après 120 minutes de jeu. Alors félicitations aux Brésiliens ! »

Puis l'entraîneur allemand a ajouté une remarque qui décrit parfaitement cette soirée unique : « Je suis content parce que le football a gagné. »