Pour les Brésiliens, qui avaient promis que Rio serait la ville la plus sûre du monde durant la quinzaine olympique, c'était la pire des nouvelles.

Un athlète américain de renom affirme, dans une entrevue télévisée, avoir été victime d'une agression sauvage en compagnie de trois coéquipiers en rentrant au village des athlètes après une fête. Le canon d'une arme à feu, dit-il, a été pointé sur sa tête durant cette opération de braquage. Il se souvient de tous les détails avec précision, soutient même avoir, dans un premier temps, refusé d'obéir aux mécréants parce qu'il n'avait rien fait de mal. Son courage impressionne, la nouvelle fait le tour du monde, le Brésil est touché dans sa fierté.

Le lendemain, en conférence de presse, Mario Andrada, porte-parole de Rio 2016, présente des excuses officielles aux victimes. « Nous regrettons que la violence se soit approchée à ce point des athlètes, nous regrettons qu'elle soit un enjeu durant ces Jeux. Nous voulons que tout le monde se sente en sécurité dans la ville. »

Le désarroi des organisateurs est profond. Depuis le début des Jeux, il ne se passe pas une journée sans qu'un cas augmente la tension. Des balles de fusil ont atterri dans la tente des médias du complexe d'équitation ; des policiers ont été attaqués près du stade Maracanã ; un judoka belge a reçu un coup de poing au visage sur la place de Copacabana en tentant, sans succès, d'empêcher le vol de son cellulaire...

Et il y a aussi cette autre histoire, celle des projectiles lancés sur une navette transportant des journalistes et des volontaires. Des balles de fusil, affirme une des passagères, ex-membre de la US Air Force ; non, plutôt des roches lancées par de jeunes étourdis, assure Rio 2016. Le dossier est vite classé, mais l'inconfort demeure.

Dans ce contexte chaud, les propos de Ryan Lochte font terriblement mal à l'image du Brésil.

Ils touchent la corde la plus sensible, la seule, vraiment, qui puisse ternir de manière durable le bilan de ces Jeux, mieux réussis qu'espéré sur le plan de l'organisation.

Mais voilà qu'au fil des jours, des doutes surgissent. Que s'est-il vraiment passé dimanche matin dernier, à l'aube ? Ryan Lochte et ses trois camarades de l'équipe de natation ont-ils réellement été victimes de cet assaut ? Essaient-ils plutôt de camoufler leur propre insignifiance, celle de jeunes hommes qui, au terme d'une soirée trop bien arrosée, commettent une bêtise ?

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Hier matin, le vent tourne. Cette fois, ce n'est plus la violence au Brésil qui est évoquée, mais une tentative de désinformation d'un médaillé olympique à propos de la ville hôte des Jeux.

Au point de presse quotidien de Rio 2016, Mario Andrada commente les dernières révélations sans esprit revanchard, se montre d'une indulgence presque paternelle.

« Nous devons comprendre que ces kids voulaient avoir du fun, dit-il. Ils sont venus ici, ils ont représenté leur pays au mieux de leur potentiel, ils ont participé à une compétition sous une pression gigantesque. Donnons-leur une chance. Parfois, on commet des gestes qu'on regrette plus tard. Ils sont des athlètes magnifiques, ils ont commis une erreur, la vie continue... »

Plus tard en journée, les autorités brésiliennes convoquent une conférence de presse et livrent les résultats de leur enquête. « Il n'y a pas eu de vol aux dépens de ces athlètes », soutient Fernando Veloso, chef de la police civile, dans des propos retransmis par l'agence Associated Press. « Ils n'ont pas été victimes des crimes qu'ils ont décrits. [...] Les résidants de Rio ont vu le nom de leur ville sali par leurs fabulations. Il serait noble et valable qu'ils s'excusent. »

Selon M. Veloso, les nageurs américains ont commis des actes de vandalisme dans la station-service où leur taxi s'était arrêté. L'affaire a évidemment mal tourné. Un garde de sécurité a alors brandi une arme. Aurait-il voulu extorquer les nageurs ? « Rien ne l'indique », dit-il au New York Times, ajoutant que les quatre athlètes montraient « une attitude inadéquate, cassant des choses et semblant prêts à augmenter le niveau de violence ».

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Comment le comité olympique américain (USOC) réagirait-il à tous ces rebondissements ? La réponse est tombée tard hier soir.

Dans un communiqué, le USOC confirme la version de la police brésilienne. Lors d'un arrêt à la station-service pour utiliser les toilettes, un athlète a commis un acte de vandalisme. Une engueulade a alors éclaté entre les quatre Américains et deux préposés à la sécurité qui, montrant leur arme, ont exigé une réparation monétaire. Après l'avoir versée, les athlètes ont quitté l'endroit.

« Le comportement de ces athlètes est inacceptable et ne représente pas les valeurs de Team USA ni la conduite de la grande majorité de ses membres, a déclaré Scott Blackburn, chef de la direction. Nous offrons nos excuses à nos hôtes de Rio et au peuple du Brésil. »

Des sanctions pourraient être prises contre les athlètes impliqués, a-t-il ajouté. Trois d'entre eux sont de retour aux États-Unis et le quatrième pourrait quitter le Brésil aujourd'hui, avec l'accord des autorités brésiliennes.

L'arrogance de Lochte et son groupe leur a rebondi en plein visage. Au bout du compte, ce sont eux qui sont discrédités. Leur réputation est lézardée et ils donnent un oeil au beurre noir à leur délégation. Les Brésiliens, de leur côté, accueillent la divulgation de la vérité avec soulagement.

Même si les propos initiaux de Lochte se sont avérés une fable, les visiteurs à Rio demeureront sur leurs gardes. Le quotidien The Guardian rapporte que les Britanniques ont déconseillé à leurs athlètes de prendre un taxi le soir tombé ou de porter des vêtements aux couleurs de leur équipe nationale, à la suite d'une inquiétante mésaventure vécue par l'un d'eux.

Aux Jeux de Rio, il reste encore trois jours.