C'est bizarre, bien sûr, de parler d'une victoire historique après un match de ronde préliminaire. Mais comment décrire autrement le gain des volleyeurs canadiens, hier, aux dépens de l'Italie ?

Imaginez : l'équipe nationale ne s'était pas qualifiée pour les Jeux olympiques depuis ceux de Barcelone, en 1992. Cette interminable disette est d'ailleurs venue près de se prolonger. Ce n'est qu'au printemps dernier, dans le tournoi de la dernière chance, que les joueurs canadiens ont obtenu leur invitation à Rio. Et voilà qu'ils atteignent les quarts de finale.

« C'est un rêve qui se réalise, a dit l'entraîneur Glenn Hoag. Tout le monde le sait, on était dans le groupe de la mort. En sortir est déjà un exploit majeur. C'était notre objectif, mais on savait que ce serait hyper difficile. »

L'enjeu était clair au début du match : une victoire permettrait à l'équipe canadienne de terminer parmi les quatre premières de son groupe et d'accéder au tour suivant. En cas d'échec, il lui faudrait attendre le résultat du duel entre la France et le Brésil en fin de soirée.

Les joueurs de Hoag, peu désireux de vivre ce suspense, ont fourni un splendide effort contre des Italiens qui, de l'avis même du clan canadien, n'ont pas offert leur meilleur jeu. Déjà assurés de la première place, l'affrontement était pour eux sans signification.

- Votre équipe peut-elle remporter une médaille, Glenn ?

- C'est faisable. Mais faudra éviter les petites baisses d'énergie, comme celle qu'on a connue dans le troisième set [hier] soir. À ce niveau, tu es sanctionné immédiatement. Nous devons rester concentrés en tout temps.

En effet ! Après avoir pris une avance de deux manches à zéro, le Canada a joué mollement au troisième set, remporté facilement par les Italiens. Les joueurs se sont repris en main, mais pas avant d'avoir donné une sueur ou deux à leur entraîneur.

Originaire de La Tuque, Hoag a donné une nouvelle impulsion au volleyball masculin au pays. « Il a mis en place un système de jeu auquel les gars croient à fond », dit Julien Boucher, directeur du programme de haute performance à Volleyball Canada et gérant de l'équipe à Rio. « Son approche est très systématique. »

Nicholas, le fils de Glenn, est un des canons du club. Son sourire était rayonnant après la rencontre.

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Le match a été présenté au Maracanãzinho. Au volley, c'est un endroit mythique. « Comme l'ancien Forum de Montréal l'était pour le hockey », lance Julien Boucher.

Au Brésil, on dit que cet amphithéâtre de 11 500 sièges est le petit frère du Maracanã, l'immense stade de soccer s'élevant à ses côtés. À l'intérieur, la structure s'articule autour de longues arêtes de béton, distantes de quelques mètres et légèrement courbées. Elles rejoignent ce qui, ma foi, ressemble à un anneau technique. On se croirait dans la version miniature de « notre » Stade olympique !

Inauguré en 1954 et endommagé par un incendie en 1970, le Maracanãzinho a été rénové de fond en comble à l'approche des Jeux panaméricains de 2007. Des compétitions sportives et des concerts y sont présentés. Mais aussi des mariages ! En 2014, on y a tenu une cérémonie où près de 2000 couples ont uni leur destinée. Il s'agissait d'une initiative de la ville de Rio afin d'aider les gens moins fortunés à bien célébrer leur union.

Pour se rendre du Parc olympique au Maracanãzinho, il faut compter près d'une heure. Profitant de la voie réservée à la « famille olympique » sur les boulevards de Rio, la navette des médias a traversé la ville à une vitesse folle, pendant que les Cariocas composaient avec les bouchons de circulation. Nous avons sûrement dépassé des milliers de voitures durant le trajet.

Accueillir les Jeux demande beaucoup de tolérance aux citoyens de la ville hôte.

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Le Canada n'est pas un pays de volleyball. Pour beaucoup d'entre nous, il s'agit d'un sport que nous avons joué à l'école, souvent en trouvant que frapper le ballon faisait mal aux doigts, aux mains et aux bras. Même si nos équipes universitaires d'élite, gars et filles, proposent un excellent niveau de jeu, sa visibilité est minuscule dans notre paysage médiatique.

Dans plusieurs pays du monde, l'histoire est différente. Ainsi, les 12 porte-couleurs canadiens à Rio évoluent à l'étranger de l'automne au printemps. La saison dernière, deux d'entre eux, dont le capitaine Fred Winters, ont joué au Brésil. Les autres se sont retrouvés en Allemagne, en Pologne, en Italie, en France, au Portugal, en Turquie et aux Pays-Bas.

Tous ces pays ont des ligues nationales solides, même si le niveau de stabilité des clubs varie souvent d'une année à l'autre. Ils sont tributaires de l'engagement de leurs commanditaires. Mais le sport est assez populaire pour que la majorité des joueurs gagnent correctement leur vie.

Nicholas Hoag, qui a joué à Paris la saison dernière, déménagera à Milan après les Jeux olympiques. « J'adore le volleyball, j'adore voyager, dit-il. Je profite beaucoup de mes séjours en Europe. En Italie, je veux découvrir la langue et la culture. Toutes ces expériences m'enrichissent. Je vois des choses différentes partout dans le monde. »

Pour faire carrière au volleyball et espérer participer un jour aux Jeux olympiques, le goût de l'aventure est donc essentiel. Car une fois la saison terminée, le calendrier de la Ligue mondiale se met en branle. Chapeautée par la Fédération internationale de volleyball (FIVB), la compétition a réuni 36 équipes nationales, divisées en 3 groupes, plus tôt cet été. Les matchs ont été joués en quatre week-ends consécutifs.

Pour vous donner une idée des déplacements exigés, sachez que les Canadiens ont amorcé ce tournoi en République tchèque, l'ont poursuivi à Saskatoon et en Finlande, avant de le compléter au Portugal. Tout cela est commode pour cumuler des milles bonis auprès des compagnies aériennes, mais c'est aussi très exigeant sur le plan physique.

« La compétition est difficile mais prestigieuse, explique Julien Boucher. C'est une bonne manière de promouvoir notre sport. La FIVB exige que tout pays voulant présenter des matchs donne l'assurance qu'ils seront télévisés. »

L'expansion de la Ligue mondiale donne la mesure de la popularité du volleyball aux quatre coins de la planète. À sa première saison en 1990, à peine huit pays étaient inscrits. Les ambitions de la FIVB, exprimées dans son guide de presse, sont élevées : « Nous voulons devenir le sport de divertissement familial numéro un dans le monde. »

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Le Canada n'a jamais connu beaucoup de succès en sports collectifs masculins aux Jeux d'été. Voilà pourquoi le parcours de l'équipe de volleyball prend une dimension si spéciale. Ces gars-là, des géants pour la plupart, jouent avec beaucoup de coeur. Hier, par exemple, Gavin Schmitt a disputé un match remarquable. Sur le plancher, sa présence est très forte.

« Si vous l'aviez vu [hier] matin, vous n'auriez pas cru qu'il serait capable de disputer ce match, a expliqué Glenn Hoag. Il est blessé, il est pété de partout. Je ne m'attendais pas à ce qu'il joue comme ça. On sent la fatigue des gars. »

Sans doute. Mais l'important, c'est que le rêve se poursuit. Cette attachante équipe canadienne disputera au moins un autre match à Rio.