On est peut-être aux Jeux olympiques, mais le terrain sur lequel Eugenie Bouchard a amorcé son tournoi, samedi, ne payait pas de mine : un court d'appoint dans l'ombre du principal stade de tennis, avec des sièges pour accueillir environ 250 personnes. La jeune femme a cependant illuminé ce décor sobre en disputant un match impeccable. Elle s'est qualifiée pour le deuxième tour en défaisant l'Américaine Sloane Stephens 6-3 et 6-3.

Après avoir hésité à prendre la route de Rio, Eugenie ne regrette manifestement pas sa décision. Au cours des dernières heures, elle a vécu des moments spéciaux qui, de son propre aveu, resteront gravés pour toujours dans sa mémoire. La magie de la cérémonie d'ouverture l'a touchée droit au coeur.

Cela dit, il faut poser la question : pourquoi est-elle allée au stade Maracana vendredi soir ? Habituellement, les sportifs qui amorcent leur parcours olympique dès le lendemain de cette célébration choisissent de la regarder à la télé. La soirée exige en effet beaucoup d'eux. Ils doivent se rendre tôt sur les lieux. L'attente avant le défilé est interminable. Ensuite, le retour au Village des athlètes n'est pas instantané. Bref, malgré le plaisir et la fierté de marcher en compagnie de ses compatriotes sous les regards du monde entier, ce n'est pas la manière idéale de se préparer à une compétition.

- Tu n'as jamais hésité, Eugenie ?

- Si j'avais perdu aujourd'hui, j'aurais peut-être regretté ! répond-elle en souriant. Mais en étant à Rio, je savais que je devais aller à la cérémonie d'ouverture. J'ai dit à mon coach : « Si je n'y vais pas, je serai triste et je ne dormirai pas. Et je jouerai pire demain. » Alors, pour moi, c'était une décision simple. Je vais me souvenir de ce moment pour le reste de ma vie.

Eugenie dit avoir apprécié l'ensemble de la cérémonie. 

« On était réunis, toute l'équipe, avant le défilé. J'ai rencontré d'autres athlètes, on est devenus amis un peu. Mais le moment le plus incroyable a été d'entrer dans le stade avec tous mes coéquipiers... »

- Eugenie Bouchard

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Au lieu de l'épuiser, l'énergie de la cérémonie d'ouverture semble avoir porté Eugenie Bouchard dans ce baptême de feu olympique. Elle a montré une assurance rappelant ses meilleurs moments sur le circuit de la WTA.

Son adversaire, Sloane Stephens, connaît une séquence difficile, mais demeure une joueuse efficace. Dans les gradins, sa compatriote Madison Keys, elle-même victorieuse au premier tour plus tôt en journée, l'encourageait de son mieux. Mais les occasions de réjouissances ont été rares pour le clan américain. Eugenie a été en plein contrôle de l'affrontement du début à la fin. Elle a brisé le service de son adversaire à trois reprises et n'a jamais perdu le sien. Pourtant, il ne s'agit pas du principal atout de son jeu.

« J'ai tenté d'être solide et je pense avoir réussi, a-t-elle estimé. Je ne lui ai pas donné beaucoup de chances. J'étais très concentrée. »

Sylvain Bruneau, l'entraîneur d'Eugenie à Rio, était bien d'accord. « Elle est restée dans le moment présent, elle ne pensait qu'au point à jouer maintenant, a-t-il dit. Elle a montré beaucoup de force en étant agressive sur chaque balle. Et elle a attendu les bonnes occasions pour mettre de la pression. C'est ainsi qu'elle est à son meilleur. »

La recette, évidente, n'est pas toujours facile à appliquer, comme l'a ensuite rappelé Eugenie. « Tous les athlètes essaient de relever ce défi, mais il faut toujours travailler là-dessus. Certains jours, je suis meilleure que d'autres à ce niveau. Aujourd'hui, je l'ai bien fait. Je veux être constante match après match après match. C'est ce que les meilleures joueuses font. »

Bon, voilà pour les bonnes nouvelles ! Mais la suite du tournoi ne s'annonce pas facile pour Eugenie. À moins d'une immense surprise, elle affrontera l'Allemande Angelique Kerber au deuxième tour. Celle-ci, deuxième favorite du tournoi après Serena Williams, disputera son premier match aujourd'hui contre la 82e joueuse mondiale, la Colombienne Mariana Duque-Marino.

Cela dit, si Eugenie montre le même panache que samedi, l'affrontement pourrait être intéressant. La confiance en soi joue un rôle important dans la préparation des athlètes. Et à ce niveau, la Montréalaise semble être dans un bon moment.

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Alors, quel est le premier défi d'un journaliste au début des Jeux olympiques ? Très simple : trouver les sites de compétition ! Plusieurs heures avant le match d'Eugenie Bouchard, je me suis dirigé vers le complexe de tennis des Jeux de Rio, situé au Parc olympique de Barra.

Après une promenade en compagnie de collègues suisses et torontois sous un soleil brûlant (oui, on a parlé un peu de hockey et de l'échange de P.K. Subban), le stade abritant le court central est finalement apparu dans toutes ses couleurs. Un bel édifice, dont le toit ne recouvre cependant qu'une partie des 9100 sièges. Mais comme Québécois, on se garde une petite gêne avant de critiquer le manque de finition d'installations olympiques.

Quelques minutes tard, je me suis assis dans la tribune de presse quasi-déserte. Ana Ivanovic affrontait Carla Suarez Navarro devant une foule rappelant celles aux matchs des Expos avant leur déménagement. Les amateurs étaient cependant bruyants, encourageant avec fougue l'élégante Ana. Mais la pugnace Carla ne s'en est pas formalisée. Après avoir échappé la première manche, elle a remporté les deux suivantes de manière convaincante.

Le duel terminé, j'ai voulu acheter un sandwich au « Media Lounge ». L'endroit n'était pas en activité. « Désolé, il y a eu un problème technique ce matin et on n'a pas été capables d'ouvrir », m'a expliqué un préposé. Qu'à cela ne tienne, je me suis ensuite dirigé vers les stands alimentaires réservés aux spectateurs. Pour constater que le système met la patience à l'épreuve.

Il faut d'abord faire la file pour payer l'achat et obtenir un reçu, puis se mettre de nouveau en ligne devant un autre comptoir pour récupérer aliments et boissons. Tout cela avance lentement. Très, très, très lentement... Et parfois, comme je l'ai expérimenté, il ne reste plus de bouffe, seulement des boissons. Ce système et la gestion des inventaires sont manifestement à perfectionner.

Le match Ivanovic-Suarez Navarro terminé, le Français Jo-Wilfried Tsonga et l'étonnant Tunisien Malek Jaziri se sont présentés sur le central. La foule était un peu plus nombreuse, surtout du côté ombragé des gradins, mais on était loin des amphithéâtres pleins d'un tournoi du Grand Chelem. C'est un peu décevant pour les joueurs. Le match a toutefois été fabuleux. Tsonga a montré du cran pour remonter la pente et s'imposer en trois manches. Après sa victoire, il a entraîné la foule dans des cris de ralliement de manière très sympathique, créant ainsi une super ambiance dans le stade.

En plus du court central, le complexe de tennis des Jeux de Rio compte deux autres terrains principaux, dotés de 4300 et 2600 sièges. Sept courts d'appoint, dont celui où Eugenie Bouchard a gagné samedi, complètent l'affaire.

À Rio, cette semaine de tennis s'annonce formidable.