La délicatesse, l'humour, le sens de la répartie, le sourire dans la voix... Oui, c'est bien le Kirk Muller qu'on connaît depuis si longtemps qui, à l'autre bout du fil, répond aux questions des journalistes.

« Bonjour, mes amis, je suis très content de revenir avec le Canadien », lance-t-il dans un français hésitant mais sympathique. Puis, honnête comme à son habitude, il ajoute, cette fois en anglais : « J'ai travaillé là-dessus avec ma fille, qui est bilingue... »

Le Canadien a réussi un bon coup en rapatriant « Capitaine Kirk » à Montréal, cette fois comme entraîneur associé. Ce titre, une coche au-dessus de celui d'adjoint, lui vaut un salaire supérieur. Mais il s'agit aussi, explique Michel Therrien, d'une « marque de respect » en raison de ses réussites en carrière.

Muller, qui a acquis beaucoup d'expérience comme entraîneur, a été un pivot essentiel du Canadien lors de la conquête de la Coupe Stanley de 1993. Il était un des leaders de l'équipe avec Vincent Damphousse, Patrick Roy et Guy Carbonneau. Durant la série finale contre les Kings de Los Angeles, les journalistes l'entouraient à la moindre occasion.

Les collègues américains, notamment, l'avaient bien connu durant ses saisons avec les Devils du New Jersey. Ils savaient que pour remplir un calepin de notes, l'ami Kirk répondait présent. Avec lui, pas de déclarations spectaculaires, mais des analyses justes et aucun risque de se faire rabrouer.

Sur la patinoire, Muller était doué et travailleur. Et il savait répliquer à un rival de toutes les façons. Un jour, dans un match éliminatoire contre les Nordiques, il a reçu un dur coup de bâton aux chevilles, gracieuseté de Craig Wolanin, son ancien coéquipier des Devils. Il s'est tourné vers le défenseur des Bleus et, en le poussant, a lancé : « Toi, si tu avais frappé comme ça au New Jersey, t'aurais jamais été échangé ! »

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Mulller a beaucoup parlé hier. Il a complimenté P.K. Subban, disant qu'il avait tout pour devenir le « quart-arrière » du Canadien en avantage numérique. Disons que ce n'est pas tous les jours qu'un membre de la haute direction vante publiquement le numéro 76 !

Chose certaine, si Marc Bergevin échange son dynamique défenseur avant le 1er juillet, il aurait avantage à bien en expliquer les raisons à son nouvel employé. Car à titre de nouveau responsable du jeu de puissance, Muller compte sur Subban pour relancer cette facette du jeu.

Therrien a aussi dit des choses intéressantes. Il a raconté avoir fait la première approche auprès de Muller, ce qui en dit long sur sa confiance en soi. Car depuis l'annonce du retour de « Capitaine Kirk », bien des fans voient en lui le prochain entraîneur-chef du Canadien si l'équipe ne rebondit pas cet automne.

- Michel, c'est un secret de polichinelle : il y aura de la pression sur toi en début de saison. Le fait que tu ailles chercher un gars comme Muller, ça signifie que tu te sens bien en selle...

- On se sent toujours bien en selle, réplique Therrien. On se doit d'apprendre de la dernière saison. Mais n'oublions pas qu'il y a deux ans, on a fini deuxièmes au classement général. Ça nous dit qu'on a une bonne équipe. Il est arrivé un accident de parcours, c'est comme ça que je vois les choses. On prend des notes, on évalue, et on va s'assurer d'avoir une bonne prochaine saison.

Therrien a manifestement refait le plein d'énergie ! Mais il va trop vite en affaires en suggérant que la descente aux enfers de 2015-2016 est une simple anomalie. Car si Marc Bergevin n'améliore pas son club cet été, le Canadien connaîtra encore des ennuis.

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Kirk Muller regrette-t-il de ne pas s'être inspiré de Bob Gainey, qui a appris le français durant son séjour chez le Canadien ? Cela lui a ouvert de grandes portes au Centre Bell après sa carrière.

Muller a passé neuf saisons à Montréal comme joueur et entraîneur adjoint. Mais il ne parle pas la langue nationale des Québécois.

« À l'époque où j'étais capitaine du Canadien, j'ai eu des leçons de français, dit-il. J'avais un tuteur, je m'exerçais à la maison. C'était mon but d'apprendre. Mais le problème, c'est que j'ai été échangé ! Puis, quand je suis revenu comme entraîneur adjoint, c'était plus difficile en raison des longues heures. »

Muller entend poursuivre ses efforts pour apprivoiser le français. Tant mieux. Car peu importe sa feuille de route et son amour pour Montréal, il devra maîtriser notre langue s'il souhaite un jour diriger le Canadien.

Mon idée à ce sujet n'a pas changé depuis le jour où Randy Cunneyworth a succédé à Jacques Martin en décembre 2011 : l'entraîneur-chef du Canadien, une institution de premier plan dans notre société, doit savoir parler français avec toutes les nuances voulues. Dire quelques phrases amicales ne suffit pas.

Jusqu'à preuve du contraire, c'est aussi la politique du Canadien. Dans la foulée de l'affaire Cunneyworth, nommé par intérim en cours de saison, Geoff Molson avait déclaré que « la capacité de l'entraîneur-chef à s'exprimer en français de même qu'en anglais sera un facteur très important dans le choix d'un candidat sur une base permanente ».

Puis, lors de sa nomination comme DG en mai 2012, Bergevin avait affirmé que l'entraîneur du Canadien devait parler français.

Cela dit, l'heure n'est pas au changement. Therrien, plein d'enthousiasme, demeure en poste. Muller lui sera d'une aide inestimable comme « associé ». Ce rôle convient d'ailleurs sans doute mieux à sa sympathique personnalité que celui d'entraîneur-chef.