Les problèmes s'accumulent pour le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach. Voici les dossiers chauds sur sa table de travail.

1. Un quotidien britannique a révélé hier que l'attribution à Tokyo des Jeux d'été de 2020 a potentiellement été entachée d'un paiement secret de 1,3 million d'euros (1,9 millions CAN) constituant une irrégularité grave.

2. Toujours hier, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, faisait face à un vote critique au Sénat et était menacée de perdre son poste à moins de 100 jours des Jeux de Rio.

3. Dimanche, le réseau CBS a diffusé un reportage dans lequel un dénonciateur soutient que quatre médaillés d'or des Jeux de Sotchi, tous des Russes, ont utilisé des stéroïdes anabolisants.

4. La semaine dernière, le maire de Québec a dénoncé un accroc aux règles de gouvernance dans l'attribution des Jeux d'hiver de 2026.

Grosse semaine au bureau pour M. Bach, on en conviendra!

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On a déjà beaucoup parlé de la sortie de M. Labeaume. Inutile de revenir sur ce sujet sauf pour dire ceci: ne minimisons pas la portée de ses propos. Les pays démocratiques montrent peu d'intérêt à organiser les Jeux d'hiver et la déclaration du maire renforcera les hésitations des villes tentées par l'aventure. C'est une mauvaise nouvelle pour le CIO.

Quant au reportage de CBS, il concerne d'abord l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui enquêtera sur ces allégations. Mais elles causent du dommage au mouvement olympique. Durant les Jeux de Sotchi, M. Bach a utilisé tout le prestige de son poste en appui aux organisateurs.

L'automne dernier, le rapport d'une commission présidée par l'avocat montréalais Richard Pound dévoilait que des membres du Service de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) étaient présents dans le laboratoire antidopage de Moscou durant les Jeux de Sotchi.

«L'impartialité, le jugement et l'intégrité du Laboratoire ont été compromis par la surveillance du FSB durant les Jeux», a conclu le rapport, parlant même «d'intimidation directe».

Comment réagira M. Bach si les faits allégués se confirment? N'oublions pas qu'il est déjà aux prises avec les cas de dopage des athlètes russes de piste et pelouse, dont la participation aux Jeux de Rio demeure incertaine. Sur le plan diplomatique, l'affaire est délicate. Car la Russie est un acteur majeur dans le sport international.

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Au Brésil, les problèmes sont énormes. La crise politique est source d'instabilité, même si le rôle du gouvernement diminue à l'approche des Jeux. C'est maintenant au Comité organisateur de livrer la marchandise. M. Bach doit espérer que toutes les installations seront prêtes, notamment une ligne de métro essentielle aux déplacements de la «famille olympique» à Rio.

La plus grande inquiétude concerne cependant le virus Zika. Plusieurs athlètes sont nerveux, dont Hope Solo, la célèbre gardienne de but de l'équipe de soccer américaine. Après une longue réflexion, elle a confirmé sa participation aux Jeux, mais quittera son hôtel le moins souvent possible.

Un professeur de l'Université d'Ottawa, Amir Atarran, a suggéré de décaler la présentation des Jeux, ou de les présenter ailleurs, en raison du Zika. Son analyse se situe à l'opposé de celle de M. Bach, qui déclarait récemment avoir été «conforté» par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos du danger réel.

Bref, les avis divergent.

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Ce qui nous amène à l'autre nouvelle importante, celle touchant l'attribution des Jeux d'été de 2020 à Tokyo.

Selon The Guardian, Tokyo 2020 aurait versé 1,3 million d'euros à Black Tidings, une société proche de Papa Massata Diack, le fils de Lamine Diack.

Président de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) pendant plus de 15 ans - un autre de ces trop longs mandats dans le sport international -, Lamine Diack a été arrêté en 2015 par les autorités françaises, qui le soupçonnent de corruption.

Le deuxième volet du rapport de la commission Pound, combiné au travail des médias français, a levé le voile sur les sidérants dérèglements de cette fédération. 

Des athlètes ayant été déclarés positifs ont été victimes d'extorsion afin que leurs résultats demeurent secrets. 

Lamine Diack a instauré une gestion parallèle à celle de la Fédération, permettant à ses proches de tirer les ficelles, notamment dans les dossiers de dopage d'athlètes russes.

Une note de bas de page du rapport Pound a aussi suscité l'intérêt. On écrit que la Turquie, qui souhaitait organiser les Jeux de 2020 à Istanbul, a perdu l'appui de Lamine Diack, également membre du CIO, après avoir refusé de verser une commandite de «4 ou 5 millions» à la Fédération internationale d'athlétisme. Ses rivaux japonais, en revanche, auraient accepté. Cela constituait déjà un cri d'alarme.

Les informations du Guardian rappellent un douloureux souvenir au CIO: l'immense scandale causé par la manière dont Salt Lake City a obtenu les Jeux d'hiver de 2002, lorsque divers avantages ont été offerts en retour de votes. Et quelle ville a souffert de cette situation? Québec, aussi candidate à l'organisation de ces Jeux. Il a fallu des mois avant de comprendre pourquoi elle n'avait obtenu que sept votes lors de l'élection.

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L'automne dernier, les gens de Hambourg ont rejeté par référendum une candidature de leur ville aux Jeux d'été de 2024.

Commentant ce rejet, Thomas Bach a déclaré: «Cette décision a peut-être été influencée par des incidents regrettables en lien avec le dopage et la corruption dans d'autres organisations sportives. C'est dommage, puisque le CIO assure la transparence et la bonne gouvernance avec les réformes de son Agenda 2020, qui sont en phase avec les plus hautes normes internationales.»

Le président du CIO, qui rappelait ainsi les nombreux scandales ayant secoué la FIFA (Fédération internationale de football), s'est sans doute félicité trop vite.