Vos récents courriels à propos du Canadien, jumelés aux commentaires de nombreux analystes et à mes conversations avec plusieurs amateurs, pointent dans la même direction: le message du CH passe mal.

Le bilan de fin de saison de Geoff Molson, Marc Bergevin et Michel Therrien l'a indiqué. En se présentant ensemble sur la tribune, ils ont voulu donner une image de force, d'unité et d'espoir. Mais l'initiative n'a pas produit les résultats espérés. Pourquoi?

Avant de suggérer des pistes de réponse, il faut identifier les éléments nécessaires à un message réussi après une saison si désastreuse. À l'évidence, l'exercice est difficile. Les partisans sont déçus et souhaitent un rebond rapide, ce qui n'est pas toujours possible.

Néanmoins, en respectant trois principes, une organisation peut mener le bateau vers des eaux plus tranquilles: 

1. La direction doit parler avec son coeur et comprendre la peine des partisans.

2. L'analyse de la dégringolade doit être crédible et sans faux-fuyant.

3. Les solutions de relance envisagées doivent être suffisamment concrètes pour générer de l'espoir.

En utilisant cette grille d'analyse, examinons comment les trois dirigeants du Canadien se sont débrouillés la semaine dernière.

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Geoff Molson, Marc Bergevin et Michel Therrien ont démontré avec éloquence que leurs sentiments collaient à ceux des fans. Le visage grave du président était révélateur lorsqu'il a lancé: «Nous sommes aussi déçus que nos partisans.»

Marc Bergevin a aussi mis ses tripes sur la table en jurant de tout faire pour corriger la situation. Et si Michel Therrien ne s'est guère exprimé sur la tribune, j'ai constaté en l'interviewant plus tard dans la journée qu'il demeurait sous le choc de cette descente aux enfers.

Cette journée n'a donc laissé aucun doute sur l'engagement émotif des dirigeants du Canadien et sur leur capacité à comprendre et partager le désarroi des fans. En revanche, ils n'ont pas connu le même succès avec les deux autres défis.

Il est en effet vite devenu clair que la direction du Canadien attribuait les insuccès de l'équipe à un mauvais coup du sort.

«Avec un Carey Price en santé, nous ne sommes pas assis ici aujourd'hui», a lancé Bergevin. Tout le monde a alors compris que la remise en question serait minimaliste.

Cette impression a été renforcée par une déclaration de Geoff Molson. Son directeur général, a-t-il dit, compte «parmi les meilleurs de la LNH». S'il tire cette conclusion malgré la renversante dégringolade de l'équipe, c'est qu'il croit aussi que la seule absence de Price explique les déboires du CH.

Du coup, le président du Canadien n'incitera pas Bergevin à se livrer à une analyse critique de sa propre gestion. Les leaders d'une entreprise doivent pourtant accepter de le faire, même quand cela heurte l'ego. C'est la seule façon de progresser.

S'il est vrai que Price est le moteur du Canadien, d'autres lacunes sont évidentes: manque de punch au sein des six meilleurs attaquants, ennuis récurrents de l'avantage numérique, grand nombre de joueurs de petit gabarit, relève suspecte... Bergevin ne les a guère évoquées.

En fait, c'est Therrien qui a été le plus concret à propos des ajustements à apporter lorsque je lui ai parlé dans son bureau. Selon lui, l'absence de vétérans capables d'apaiser le vestiaire durant l'embardée hivernale a été durement ressentie.

L'entraîneur a été déçu de la réaction de ses jeunes leaders dans l'adversité. Il demandera sûrement à Bergevin de corriger cette lacune. Le Canadien a besoin de «grands frères», c'est-à-dire d'un ou deux vétérans s'étant déjà signalés en séries éliminatoires.

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Là où Geoff Molson et Marc Bergevin ont éprouvé le plus d'ennuis, c'est en expliquant leur stratégie pour relancer le Canadien.

Le président de l'équipe n'a évidemment pas eu la tâche facile puisque son message revient toujours à la nécessité de maintenir la «stabilité» au sein de l'organisation.

Lorsque les partisans sentent que leur équipe progresse, comme ce fut le cas lors des trois premières années du duo Bergevin-Therrien, ce concept se défend facilement. Mais après le plongeon de cette saison, il se heurte au désarroi des amateurs. Si le Canadien ne rebondit pas en 2016-2017, Geoff Molson aura moins d'arguments pour défendre ce principe.

Quant à Bergevin, il semble avoir érigé en dogme sa théorie «PlayStation», selon laquelle réaliser un échange d'envergure est un défi quasi insurmontable... sauf dans les jeux vidéo. Et on connaît ses réserves envers le marché des joueurs autonomes.

Dans ce contexte, quel est exactement son plan? La réponse n'est pas claire et la qualité de son message s'en ressent.

Bien sûr, il existe un écart entre les déclarations publiques et les intentions de l'organisation. Les plus optimistes croient même que le DG sera très actif au cours des prochaines semaines. Souhaitons que ce soit le cas. Mais l'exemple de l'été dernier laisse plutôt entrevoir le contraire.

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Le Canadien devra aussi travailler sur la manière dont il livre son message durant la saison.

À son retour à Montréal en mai 2012, Bergevin a apporté un vent de fraîcheur. Au fil des années, il est cependant devenu difficile d'accès. Ses sorties publiques sont rares. Il met ainsi une pression énorme sur Michel Therrien, qui, lui, répond aux questions jour après jour.

Cette absence de répit, jumelée aux ennuis de l'équipe, a rendu l'entraîneur maussade cette saison. Il a raison d'affirmer qu'un oui et un non sont aussi des réponses en communication. Mais ses brefs points de presse ont parfois donné l'impression qu'il était dépassé par les événements.

En janvier 2015, alors que tout était beau chez le CH, Therrien m'avait expliqué que ses entretiens avec les journalistes étaient une manière de rejoindre les partisans, de répondre à leurs inquiétudes. Il devrait revenir à cette attitude plutôt que de voir chaque question comme un combat, le piège dans lequel il est tombé - de son propre aveu - lors de son premier passage derrière le banc.

Cela dit, la meilleure façon pour le CH de faire passer son message avec succès est simple: participer aux prochaines séries éliminatoires.