Si Québec fonce dans l'aventure des Jeux d'hiver de 2026, le pari sera audacieux. Car la nouvelle feuille de route du Comité international olympique (CIO), qui promet un rendez-vous moins coûteux, n'a pas fait ses preuves.

Ces bonnes intentions sont écrites noir sur blanc dans l'Agenda 2020. Mais résisteront-elles à l'historique folie des grandeurs du CIO ? Toute la question est là.

Mais d'abord, un peu d'histoire. Il faut en effet tenir compte des changements majeurs ayant secoué le CIO depuis le 10 septembre 2013, jour où Thomas Bach en est devenu le président, pour bien saisir le dossier. Analyser une éventuelle candidature de Québec en passant ces événements sous silence et en se fiant uniquement aux dérives passées du mouvement olympique serait un exercice incomplet.

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Thomas Bach n'a guère eu de temps pour célébrer son élection. Deux mois plus tard, ses compatriotes de Munich ont refusé que leur ville soit candidate aux Jeux d'hiver de 2022.

Quelques semaines plus tard, nouvel électrochoc : on apprenait que le coût des Jeux de Sotchi, en février 2014, atteindrait 50 milliards US ! Cette dépense sidérale a incité Cracovie et Oslo à abandonner leur rêve olympique de 2022.

Afin de stopper cette hémorragie, Bach a persuadé les membres du CIO d'adopter l'Agenda 2020 en décembre 2014. Ce document comporte 40 résolutions, dont les plus marquantes visent à réduire les coûts de candidature et d'organisation.

L'initiative n'a pas connu un succès spontané. Quelques mois plus tard, Boston et Hambourg ont fait une croix sur leur désir d'accueillir les Jeux d'été de 2024. En revanche, Paris, Rome, Budapest et Los Angeles sont demeurés dans la course.

Du coup, Bach a compris que les Jeux d'hiver posaient un problème particulier au CIO. Et qu'il devait prendre le bâton du pèlerin pour convaincre des villes de soumettre leur candidature. D'autant plus qu'en désespoir de cause, ceux de 2022 ont été accordés à Pékin alors que le CIO rêvait de les présenter en Norvège.

C'est à la suite de tous ces événements que Régis Labeaume s'est retrouvé au siège social du CIO le 11 avril dernier. Après sa rencontre avec des dirigeants de l'organisme, il a déclaré au quotidien Le Soleil : « J'ai l'impression que le président Bach est en train de donner un virage majeur à cette organisation. On l'entendait de loin, mais notre expérience d'aujourd'hui nous dit que c'est très sérieux. »

Ce « virage majeur » est évidemment l'Agenda 2020. Trois de ses éléments suggèrent une rupture avec le passé : 

- Le CIO fera activement la promotion de l'usage maximum d'équipements existants et d'installations temporaires et démontables.

- Le CIO autorisera l'organisation de sports entiers ou de disciplines hors de la ville hôte ou, dans des cas exceptionnels, hors du pays hôte, notamment pour des raisons géographiques et de durabilité.

- Le CIO aidera davantage les villes candidates et réduira les coûts de candidature (notamment avec la prise en charge de nombreux frais de déplacement).

De plus, au lieu de demander aux villes candidates d'adapter leur projet aux besoins du CIO, on les invitera à présenter un plan correspondant à leurs propres priorités économiques, sociales et environnementales. Le CIO, conscient d'avoir trop longtemps affiché une attitude princière, affirme qu'il s'agit d'une « nouvelle philosophie ».

Voilà, à l'évidence, ce qui a intrigué le maire Labeaume à Lausanne.

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Pour l'instant, aucun cas d'espèce ne démontre le succès de l'Agenda 2020.

Il est vrai que le Japon a réduit ses ambitions en vue des Jeux d'été de Tokyo en 2020. Des compétitions ont été déplacées loin de la zone centrale afin d'en réduire les coûts. Et l'architecture du Stade olympique a été revue pour alléger la note de plusieurs centaines de millions de dollars.

À première vue, tout cela est encourageant. Mais la facture initiale était si pharaonique, spécialement concernant le Stade, qu'un recentrage était nécessaire. Bref, Tokyo 2020 ne constitue pas un exemple convaincant.

De leur côté, les Jeux d'hiver de 2018, attribués à Pyeongchang avant l'implantation de l'Agenda 2020, démontrent que les dépenses imprévues existent encore. Le CIO a récemment exigé la construction de cinq hôtels supplémentaires.

Les coûts liés à la sécurité représentent aussi un dossier clé. La facture atteint de nouveaux sommets à chaque cycle olympique. Avant d'investir autant d'argent à ce seul poste budgétaire, une réflexion en profondeur s'imposera.

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Mon collègue Jean-François Bégin nous apprenait mardi que le Comité olympique américain rejetait l'idée que Lake Placid puisse accompagner Québec, si la capitale nationale se lançait dans la course aux Jeux.

Prenant avantage de l'Agenda 2020, Régis Labeaume tient avec raison à ce que les compétitions de bobsleigh, luge, skeleton et saut à ski aient lieu dans une ville possédant déjà les installations nécessaires.

Sur le plan géographique, Lake Placid est un meilleur choix que Calgary ou Whistler, deux autres villes dotées de ces équipements. Mais sur le plan organisationnel, il serait préférable d'organiser les Jeux dans un seul pays. Le CIO n'aurait qu'un seul intervenant au niveau fédéral, et les relations entre les parties prenantes en seraient facilitées.

Mais nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant, c'est à Thomas Bach et au CIO de démontrer que les intentions derrière l'adoption de l'Agenda 2020 se transformeront en réalité.

Je ne suis pas dans le camp des cyniques, qui associent cette réforme à une opération maquillage. Ni dans celui des trop optimistes, pour qui elle représente l'assurance d'un changement de culture au sein du mouvement olympique. Mais compte tenu des récents ennuis du CIO, cette volonté de renouveau me semble logique. Encore faudra-t-il en voir les résultats.

Les Jeux olympiques d'hiver, malgré leurs défauts, demeurent un événement prestigieux, emballant et rassembleur. Régis Labeaume a raison d'étudier le dossier. Et il est dans une position de force pour négocier avec le CIO.