De tous les athlètes du Québec, elles comptent sûrement parmi les plus populaires. Parce qu'elles sont douées, travaillantes et sympathiques. Parce qu'elles ont accompli des exploits aux Jeux olympiques de Sotchi. Parce que leur histoire est unique et inspirante.

Justine, Chloé et Maxime Dufour-Lapointe sont aujourd'hui des personnalités dont le rayonnement s'étend au-delà de la scène sportive. Tenez, au dernier Bye bye, l'émission la plus regardée de l'année, elles ont accompagné d'autres visages connus dans une pub originale de l'épicier Metro.

Trois semaines plus tard, dans les Laurentides, elles sont montées ensemble sur le podium à l'occasion d'une manche de la Coupe du monde. Trois soeurs qui balaient une compétition internationale, avouez que ce n'est pas banal! La nouvelle a retenti fort: manchettes dans les quotidiens, entrevues à la radio et à la télé, personnalités de la semaine de La Presse+...

Dans deux ans, en Corée du Sud, nos yeux seront de nouveau tournés vers ces téméraires skieuses. Elles porteront l'espoir d'une médaille olympique pour le Québec et le Canada. Et nous serons des milliers à retenir notre souffle lorsqu'elles s'élanceront sur la piste.

En pareilles circonstances, faut-il s'étonner que leur agenda soit bien rempli? On les sollicite de toutes parts pour appuyer des oeuvres caritatives. Leur présence insuffle une dose de magie à un événement.

À l'évidence, les soeurs Dufour-Lapointe ont une vie de rêve. Elles sont d'ailleurs les premières à le reconnaître. Elles se consacrent à leur passion, le ski de bosses. Elles voyagent aux quatre coins du monde: le Japon cette semaine, la Russie ensuite...

Alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes? Oui, bien sûr. Mais il faut ajouter un détail. C'est aussi une vie sans commanditaire principal. Une vie où elles assument encore une partie de leurs dépenses pour poursuivre leur rêve olympique. Ces chaussures de sport pour l'entraînement en gymnase, par exemple, il faut bien les acheter...

C'est fou, non? Pendant que les athlètes professionnels les plus en vue, qui touchent déjà des bourses ou des salaires importants, sont pressentis par des entreprises voulant s'associer à eux, les vedettes du sport amateur vivent une réalité complètement différente.

Même quand elles sont aussi connues que Justine, Chloé et Maxime, même quand leur palmarès est si riche, même quand leur personnalité est si attachante. Alors imaginez la situation de tous les autres n'ayant pas atteint ce niveau...

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La photo a fait le tour du monde. Se tenant par la main, souriantes et émues, Justine et Chloé savourent leur conquête des médailles d'or et d'argent à Sotchi. Des instants de bonheur intense, partagés par Maxime, l'aînée de la famille, dont l'exemple a inspiré ses soeurs.

Quelques jours plus tard, la réalité les a rattrapées. Elles profitaient en spectatrices des Jeux lorsqu'un entraîneur a largué la nouvelle: «On n'a plus d'argent pour le reste de la saison...»

Trois manches de la Coupe du monde étaient encore au calendrier. Mais les coffres de l'Association canadienne de ski acrobatique étant presque vides, les disputeraient-elles sans la présence des entraîneurs et du personnel d'encadrement? On parle ici, ne l'oublions pas, de médaillées olympiques, célébrées partout au pays. Heureusement, une compagnie est venue à la rescousse financière de l'équipe nationale.

«Les dessous du sport amateur, c'est fou, il n'y a rien de comparable avec le sport professionnel», lance Justine, en décrivant bien les énormes écarts entre ces deux mondes.

C'est en novembre dernier que les trois soeurs, accompagnées de leur mère et agente Johanne, m'ont raconté cette histoire. De là, la conversation a tout naturellement glissé sur le sujet des commandites.

J'étais curieux de savoir si le succès sportif leur avait donné un coup de pouce financier. Elles m'ont alors expliqué ne pas avoir de commanditaire principal cette saison. Une telle association leur permettrait de se constituer un bas de laine en vue de la transition vers l'après-carrière, une étape sensible pour les athlètes de haut niveau.

J'ai dû insister pour qu'elles me dressent le portrait de la situation. La dernière chose qu'elles souhaitent, c'est de paraître insatisfaites de leur sort, ce qui est l'opposé de la réalité. «On est plus populaires, mais on n'est pas plus en moyens!», lance Chloé en riant.

Maxime ajoute: «On ne s'attendait pas à devenir riches, mais peut-être à avoir un peu plus de "facilitant" en tant qu'athlète. Quand un partenariat s'achève, tu penses qu'il y en aura un autre. Mais ce n'est pas vraiment le cas.»

Ainsi, les trois soeurs ont déjà été commanditées par Saputo, une entente aujourd'hui terminée. Elles n'ont que des compliments à adresser à l'entreprise, qui leur a fourni un appui extraordinaire. Elles croyaient cependant qu'il serait plus facile de trouver une autre compagnie prête à prendre la relève.

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Les soeurs Dufour-Lapointe ont une entente avec les pharmacies Jean Coutu, un partenariat qui les rend «super fières», pour reprendre leur expression. D'autant plus que cette collaboration s'inscrit dans un secteur les passionnant.

Cela dit, il ne s'agit pas d'une commandite principale où, par exemple, le logo d'une entreprise apparaît sur leur casque protecteur.

La semaine dernière, j'ai reparlé à Johanne Dufour. Non, m'a-t-elle expliqué, pas de nouveau à ce chapitre. Et même si elle est d'abord une mère qui adore ses filles, l'agente en elle a raison d'affirmer: «Il me semble qu'elles ont beaucoup à offrir à un commanditaire principal. Elles ont du charisme, elles sont simples et ont les pieds bien sur terre. Elles envoient aussi un message aux jeunes: on peut aller au bout de ses rêves.»

Le cas des Dufour-Lapointe est intéressant, puisqu'il met en lumière la réalité de nombreux champions amateurs. Ils consacrent toutes leurs énergies à leur sport et font notre fierté sur la scène internationale. Nos attentes envers eux sont grandes. Mais ils en retirent rarement les avantages financiers qui leur permettraient d'atterrir en douceur après leur carrière d'athlète.

En raison de leur notoriété et de leurs excellents résultats, les trois soeurs sont dans une meilleure situation que beaucoup d'autres. Et, oui, le soutien à nos athlètes olympiques est plus généreux qu'autrefois. Mais des étapes restent à franchir.

Photo Dylan Martinez, archives Reuters

Chloé et Justine Dufour-Lapointe sur le podium aux Jeux olympiques de Sotchi

Le rêve de Justine

L'héritage de Jean-Luc Brassard est indiscutable: le Québec est une puissance en ski de bosses. Mais comment augmenter chez nous la popularité de ce sport qui fournit des émotions fortes et propose des images extraordinaires?

Les soeurs Dufour-Lapointe suggèrent deux pistes de solution: la télédiffusion des épreuves de la Coupe du monde le jour même des compétitions et la tenue d'une épreuve à Montréal. Justine a même un endroit en tête.

«Je rêve d'une Coupe du monde sur le mont Royal, dit-elle. Il y a déjà eu une piste de ski dans le boisé derrière le stade de football de l'Université de Montréal. Imagine une arrivée sur le terrain, devant les spectateurs... Les gens viendraient à la compétition en métro, ce serait un événement extraordinaire.»

L'idée, déjà évoquée par Alexandre Bilodeau, s'inscrit dans une tendance émergente: organiser en ville des compétitions extérieures de sports d'hiver.

Le maire Coderre s'intéressera-t-il au concept?



Un espoir de médaille

Connaissez-vous Alex Boisvert-Lacroix? Voilà un autre espoir de médaille pour le Québec aux Jeux d'hiver de 2018.

Plus tôt ce mois-ci, en Russie, Alex a remporté le bronze sur 500 m à ses premiers Championnats mondiaux. Le classement était établi au cumul de deux courses et il a réalisé une performance exceptionnelle pour conclure sa journée.

Gaillard de 28 ans, Alex a d'abord fait carrière sur courte piste. Mais pour des motifs bien expliqués par mon collègue Simon Drouin en décembre dernier, il a fait le saut en longue piste avant la saison 2011-2012. Saprée bonne décision! Sa carrière est en plein essor.

«Je n'avais jamais vécu une expérience comme celle-là», dit Alex, à propos de son séjour à Kolomna, une ville située au sud-est de Moscou. «Dans les gradins, il y avait 5000 personnes en délire. Tout était bien organisé et la bouffe était fort correcte!»

Ce succès permet à Alex, que j'ai récemment croisé à RDS, d'améliorer son statut face à Sport Canada. Le nouveau médaillé recevra un meilleur soutien financier. Mais lui aussi devra se battre pour trouver des commanditaires.

D'ici là, il participera ce week-end aux Championnats mondiaux de sprint, à Séoul. Rude défi, puisque cette compétition combine les résultats du 500 m et du 1000 m, distance où il n'est pas aussi performant.

Photo Ivan Sekretarev, Associated Press

Alex Boisvert-Lacroix