Lorsque Michel Therrien s'est lancé dans une défense tous azimuts de ses joueurs, mardi soir, on aurait presque dit un signe de détresse. Ses propos émotifs ont tranché avec sa prudence habituelle.

De tous les pilotes de la LNH, Therrien compte parmi ceux livrant les commentaires d'après-match les moins jazzés. Rien à voir avec un Jon Cooper (Lightning de Tampa Bay), pour qui les mots sont un outil aussi utile que le tableau où il trace des jeux.

Devant les journalistes, Therrien est plus dégagé les jours d'entraînement. Et il est à son mieux en entrevue individuelle. Mais immédiatement après une rencontre, surtout si le Canadien a perdu, ses propos sont minimalistes.

Ses yeux, miroir de sa déception, de son agacement ou de sa colère, traduisent alors mieux sa perception des choses. Voilà pourquoi sa sortie, après cet autre triste échec contre les Bruins de Boston, a été si particulière. Parce qu'elle brisait la norme.

L'entendre défendre avec fougue et passion ses joueurs, spécialement Andrei Markov, était rafraîchissant. Sa tirade venait du coeur. Mais elle illustrait aussi son immense désarroi.

Le Canadien ne marque pas assez de buts. Et chaque défaite additionnelle diminue le maigre pouvoir de négociation de Marc Bergevin dans ses discussions avec ses homologues du circuit. Le DG a déjà trop tardé. Et sans renfort immédiat, l'équipe est à bout de solutions.

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J'ignore si Therrien se souvient de certaines dates précises de sa carrière, rappelées par Paul Houde à son émission du 98,5 FM cette semaine.

Il y a eu 13 ans mercredi, dans un restaurant de Laval, Therrien a commenté son congédiement comme entraîneur du Canadien. Le DG André Savard l'avait remplacé par Claude Julien, qui devenait ainsi le cinquième entraîneur-chef de l'équipe entre 1995 et 2003!

À l'époque, les changements derrière le banc du Canadien étaient si fréquents que La Presse avait coiffé la nouvelle d'un titre dévastateur pour une organisation si fière de son passé: «La tradition continue»...

Comme aujourd'hui, le Canadien luttait pour une place en séries éliminatoires. Et la direction espérait que l'arrivée d'un nouvel entraîneur insufflerait du dynamisme aux troupes. Ça n'a pas été le cas et l'équipe est tombée en vacances avant le tournoi de la Coupe Stanley.

Le départ de Therrien ne relancerait pas davantage le Canadien aujourd'hui. Cela dit, au-delà de l'extraordinaire soutien qu'il a manifesté à ses joueurs mardi, l'entraîneur croit-il vraiment que tout son groupe, sans exception, s'est défoncé du début à la fin de ce match contre les Bruins?

Le Canadien a montré de très beaux flashes, spécialement en deuxième période, avec un pointage de 1-1. Mais ça s'est gâté lorsque les Bruins ont marqué leur deuxième but. La tranquillité de la foule durant de longues minutes l'a bien illustré. On n'a guère senti d'énergie sur la patinoire, ce qui s'est reflété dans les gradins.

Pourtant, les spectateurs ont tenté de pousser le Canadien. Il faut des partisans convaincus pour scander «Go Habs Go» avec entrain durant une séquence de matchs si difficile. C'est pourtant ce que des milliers d'entre eux ont fait. Therrien aurait dû le signaler et les remercier plutôt que de simplement blâmer ceux qui ont hué Markov.

Les fans ont le droit d'être émotifs et de montrer leur insatisfaction envers le club ou un joueur en particulier. L'ennui, c'est que l'organisation du Canadien accepte difficilement la critique, qu'elle a tendance à trouver systématiquement injuste. Il est vrai qu'en contrôlant toujours mieux sa propre communication (24/CH, Habs TV, site web, comptes Twitter et Facebook), l'équipe est constamment en processus de promotion et compose moins bien avec les opinions qui lui déplaisent.

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Avec son discours bien senti, Therrien a retenu l'attention, mardi soir. Du coup, les propos de Max Pacioretty ont obtenu moins de résonance. Son énergique plaidoyer en soutien à son pilote a pourtant ajouté une pièce intéressante au dossier.

Debout dans le vestiaire, les patins toujours aux pieds, le capitaine du Canadien a rendu hommage à l'attitude de Therrien durant cette période sombre. «Je ne peux lui donner assez de mérite pour sa façon de gérer ça. Si j'étais dans cette situation, je ne le prendrais pas aussi bien.»

Il fallait voir son visage tourmenté pour comprendre à quel point la situation actuelle mine Pacioretty. Rappelez-vous sa joie et sa fierté lors de sa nomination comme capitaine. «C'est ce que j'ai toujours voulu...» avait-il dit, ému. Ce jour-là, comment aurait-il pu croire que la saison tournerait ainsi? Que le Canadien connaîtrait la pire séquence de 20 matchs de son histoire contemporaine?

Pacioretty n'a eu que quelques semaines pour savourer le «C» sur son chandail, avant que ne s'amorce cette interminable glissade. Après chaque revers, il est là, répondant aux questions avec une patience exemplaire. Mais tout cela exige beaucoup de lui. L'organisation ne lui a même pas accordé d'aide le jour où tous les médias voulaient des réactions à l'affaire Galchenyuk.

La pression est forte sur Pacioretty, qui est aussi le seul véritable marqueur de l'équipe. Il se sent en partie responsable des ennuis de l'attaque, ce qui l'empêche sûrement de jouer de manière aussi détendue qu'on le souhaiterait.

C'est à la dure que le numéro 67 découvre le rôle de capitaine.

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Le Canadien dispute son prochain match samedi à Toronto. Devant un auditoire national, Mike Babcock et ses joueurs ne seront pas une proie facile. Si la chute du CH se poursuit au cours des prochaines rencontres, il sera sans doute trop tard pour rêver aux séries, même si Carey Price revient au jeu.

Le temps file dangereusement. Et l'organisation semble déstabilisée.