Marc Bergevin et Michel Therrien relèveront-ils le défi auquel ils font face? De la réponse à cette question dépendent les chances du Canadien de participer aux séries éliminatoires.

Depuis leur arrivée aux commandes, au printemps 2012, les deux hommes ne se sont jamais retrouvés dans une situation aussi délicate. Le Canadien est désorienté, comme si tous ses repères s'étaient envolés. Il est tout à fait anormal qu'une équipe comptant habituellement parmi les plus fiables de la LNH soit incapable de coller deux victoires d'affilée depuis six semaines.

Bien sûr, la blessure de Carey Price a bouleversé les plans du Canadien. On ne perd pas un gardien de cette dimension sans en subir les contrecoups. Le calme de Price dans le vestiaire et son assurance sur la glace se reflètent sur tous ses coéquipiers. Il les rend meilleurs, le propre des joueurs d'exception.

En revanche, il est troublant de voir le Canadien s'effondrer de la sorte en son absence. D'autant plus qu'après une période de flottement, ses remplaçants accomplissent du bon boulot. Cela donne une idée de la fragilité de l'équipe, dont on a déjà eu un aperçu durant les séries du printemps dernier contre le Lightning de Tampa Bay.

Après le match de samedi, Therrien a d'ailleurs fait un commentaire significatif. Invité à expliquer la mauvaise première période du CH, l'entraîneur-chef a lancé: «Certains de nos joueurs ont semblé un peu intimidés par la qualité des Penguins.»

Oui, les Penguins de Pittsburgh alignent quelques joueurs exceptionnels. Mais on ne peut tout de même pas prétendre qu'ils survolent la LNH cette saison! Même s'ils retrouvent leur vitesse de croisière, le Canadien ne peut se permettre d'être «intimidé» de la sorte. Aux joueurs expérimentés de rassurer les plus jeunes. Sinon, ce ne sera pas drôle contre les Blackhawks de Chicago (trois Coupes Stanley en six ans!) jeudi et dimanche...

Mais avant de songer aux Blackhawks, Therrien devra regrouper les siens. L'impatience de P.K. Subban devant les ennuis offensifs de l'équipe, énoncée sans détour après le revers contre les Penguins, a semblé surprendre Max Pacioretty.

Lorsqu'une équipe connaît des ennuis, le flegme s'effrite. Pour un entraîneur, il peut néanmoins être rassurant que ses têtes d'affiche se choquent lorsque les choses vont mal. Cela démontre leur engagement émotif. Il ne faudrait cependant pas que les choses dérapent et que les joueurs se montrent du doigt les uns les autres. Car l'ambiance, déjà lourde en raison de ces insuccès à répétition, deviendrait corrosive.

Therrien rencontrera sûrement tout son monde dès aujourd'hui afin de clarifier l'air. Sinon, les entraînements risquent d'être tendus cette semaine.

***

Pendant que Therrien tentera de rebâtir la confiance des siens, Bergevin cherchera un moyen d'améliorer l'équipe.

Une «grosse» transaction? Ce ne sera pas facile! Le DG du Canadien n'est pas en position de force pour négocier. Tous ses homologues connaissent le pétrin dans lequel son équipe se retrouve. Et ils demanderont sûrement la lune pour conclure une entente avec lui.

Dans les circonstances, on peut même se demander si Bergevin n'a pas trop attendu avant de bouger. Le Canadien ne jouant pas avant jeudi, l'équipe occupera sans doute une place encore moins avantageuse au classement lors de son retour en action. Le DG ne souhaite sûrement pas payer une prime excessive pour obtenir de l'aide. Mais combien de temps peut-il tolérer cette glissade sans agir?

Ces jours-ci, il suffit d'écouter la télé ou la radio pour réaliser la pression pesant sur Marc Bergevin. C'est une première pour lui à Montréal. 

Beaucoup d'analystes espèrent, avec raison, un coup d'éclat de sa part. Et l'affaire Jonathan Drouin, qui souhaite quitter l'organisation du Lightning, ne fait rien pour minimiser les attentes à son endroit.

Voir ce jeune joueur doué atterrir à Montréal serait évidemment agréable. Mais j'imagine mal les dirigeants du Lightning, s'ils décident de s'en départir, le céder à une équipe de leur division. Le risque qu'il revienne les hanter sur une base régulière est trop grand.

Cela dit, il est rare qu'un espoir comme Drouin devienne potentiellement disponible. Si le Lightning joue bien ses cartes, et fait grimper les enchères entre les organisations intéressées à ses services, le DG Steve Yzerman pourrait obtenir une compensation étonnante. Ce serait évidemment un mauvais scénario pour le Canadien, qui lutte avec cette équipe pour une place en séries.

***

Comme tous les bons DG, Bergevin a un plan. Il veut conserver ses choix au repêchage, développer les espoirs de l'organisation et éviter les pièges du marché des joueurs autonomes, où certaines équipes font l'erreur d'accorder de trop riches contrats. C'est ainsi qu'il s'est comporté depuis son entrée en poste.

Au cours des deux dernières années, Bergevin a aussi profité avec succès de l'effervescence de la date limite des transactions pour réussir des échanges profitables. Il doit aujourd'hui se poser la question: peut-il utiliser la même stratégie en 2016? Ou sera-t-il trop tard pour le CH le 29 février? Si l'équipe ne rebondit pas, ça risque d'être le cas.

Bergevin et, dans une moindre mesure, Therrien vivent une lune de miel avec les amateurs depuis leur arrivée aux commandes au printemps 2012.

Pour que celle-ci se poursuive, ils devront vite trouver des solutions aux problèmes de l'équipe. Leur défi est immense, car il y a urgence. Rater les séries éliminatoires, malgré l'absence de Price, serait une tache à leur dossier.