De la droite en plein visage encaissée par Nathan Beaulieu au point de presse d'après-match de Michel Therrien, la LNH nous a proposé, mardi, un condensé de ses lacunes dans la manière de prévenir et de traiter les chocs au cerveau.

Ironiquement, l'affaire est survenue au lendemain de la publication de courriels explosifs expédiés par de hauts dirigeants du circuit, où leur acceptation tacite de la violence sur la glace, leur manque de courage pour stopper cette dérive et leur incompréhension face au changement d'attitude envers les commotions cérébrales éclataient au grand jour.

Mais commençons par cet affrontement entre le Canadien et les Blue Jackets de Columbus, au Centre Bell. Cinq erreurs ont été commises.

Première erreur

En deuxième période, les arbitres ne sanctionnent pas un coup sournois et dangereux de Nick Foligno à l'endroit de Tomas Fleischmann. Ce laxisme provoque la suite des événements.

Deuxième erreur

Nathan Beaulieu laisse tomber les gants devant Foligno. Les deux hommes s'observent cinq secondes avant d'engager le combat. Ce délai était suffisant pour que les officiels s'interposent et empêchent le début des hostilités. En octobre 2013, dans un match entre le Canadien et les Oilers d'Edmonton, ils avaient agi ainsi avec succès.

Troisième erreur

En voulant venger son coéquipier de cette façon, Beaulieu s'est placé dans une position vulnérable. Foligno lui a vite administré un coup violent à la tête. Ses genoux ont plié et le combat a pris fin.

Un direct au visage est une source potentielle de commotion cérébrale. Voilà la principale raison justifiant l'interdiction des combats, comme Serge Savard et Ken Dryden l'ont si souvent rappelé.

Bien sûr, les bagarres sont moins nombreuses qu'il y a cinq ans. Le triste sort d'anciens durs à cuire a fait réfléchir le monde du hockey. Des patineurs rapides les ont remplacés sur les quatrièmes trios. Et on n'entend plus Gary Bettman énoncer sa fumeuse théorie du «thermostat», selon laquelle les échanges de coups de poing permettent de réduire la température d'un match.

Le problème, hélas, n'est pas entièrement réglé. Mardi, cela a conduit à ce spectacle désolant où un jeune joueur doué comme Beaulieu a couru un risque inutile en se battant.

Quatrième erreur

Le fait que les genoux de Beaulieu aient vacillé sous l'impact était suffisant pour qu'il retourne sur-le-champ au vestiaire afin de déterminer s'il souffrait ou non d'une commotion cérébrale. Il s'est plutôt dirigé vers le banc des punitions. Cela a surpris de nombreux journalistes qui avaient si souvent entendu la direction de la LNH répéter à quel point elle est consciente des dangers des chocs au cerveau.

Mercredi, le Canadien a voulu se dédouaner en expliquant que l'observateur de la LNH, en poste durant le match, n'avait pas recommandé le retour immédiat de Beaulieu au vestiaire. Au-delà de la confusion sur le rôle, la formation, les responsabilités et l'indépendance de cet observateur, une question demeure: qu'est-ce qui empêchait l'organisation d'aller elle-même de l'avant?

Après tout, ce n'est pas dans les habitudes de la maison de sous-contracter les décisions la concernant! Et la rencontre de mardi n'était pas le septième match de la finale de la Coupe Stanley.

La prudence aurait voulu que Beaulieu subisse les examens d'usage dès la fin du combat. D'autant que le Canadien entretenait manifestement un doute sur son état, puisqu'il a été soumis à ces tests entre les deuxième et troisième périodes.

Mercredi, le neuropsychologue Dave Ellemberg, de l'Université de Montréal, a été clair lorsque je me suis entretenu avec lui. Dès qu'un soupçon de commotion cérébrale existe, il faut un examen. Et le cas de Beaulieu répondait à ce critère. «Il n'y a jamais de risque à prendre», a-t-il ajouté.

Cinquième erreur

En point de presse après le match, Therrien a commenté les événements. Une de ses déclarations a démontré que beaucoup de pédagogie restait à faire au chapitre des commotions cérébrales appréhendées ou confirmées. «Être assis au banc des punitions ou être assis dans la chaise berçante dans la chambre noire, il n'y a pas grand-chose de différent», a-t-il dit.

En une toute petite phrase, l'entraîneur du Canadien a banalisé de manière inquiétante le concept même de «chambre noire», ce lieu où un joueur victime d'un coup à la tête reçoit l'attention médicale nécessaire.

Évidemment, comme me l'a expliqué le professeur Ellemberg, les deux situations n'ont rien en commun. Au banc des punitions, un joueur potentiellement victime d'un choc au cerveau est soumis à des stimulants contre-indiqués comme le bruit et la lumière.

Bien sûr, Therrien s'est retrouvé sur la sellette après le match de mardi. Peut-être ne s'attendait-il pas à autant de questions sur ce sujet difficile.

Mais tous les gens associés à la LNH devront se faire à l'idée que cet enjeu ne disparaîtra pas. Le recours juridique intenté par d'anciens joueurs contre le circuit contribuera à le maintenir au coeur de l'actualité.

Cette semaine, Rick Westhead, journaliste d'enquête à TSN, a divulgué plusieurs courriels écrits par des dirigeants du circuit à ce propos. Voici ce qu'écrivait Mike Murphy, ancien joueur devenu membre de la direction de la ligue, à son collègue Colin Campbell en 2006: «Je me rappelle quand on jouait... Des coups à la tête? C'était la vie dans la ligue... Tu te défendais et ton coach et ton DG te disaient d'avoir des couilles ou de retourner à la maison!... Je dois devenir trop vieux...»

La LNH a progressé depuis cette époque. Il faut saluer cette évolution. Mais les événements de mardi rappellent que d'autres étapes restent à franchir.