Le 2 mai 2012, dans une salle du Complexe Bell de Brossard, Geoff Molson a confirmé la nomination de Marc Bergevin au poste de directeur général du Canadien. D'entrée de jeu, il a annoncé les objectifs fixés à son nouvel homme de confiance.

«Nos priorités sont d'améliorer l'équipe à court terme, de réinstaurer une culture d'équipe gagnante à long terme, de donner aux partisans ce qu'ils méritent, le meilleur produit possible sur la glace, et d'établir une stabilité dans tous les secteurs de notre organisation», a déclaré le président du Canadien.

Pour un gestionnaire de haut niveau, impossible d'obtenir un plan de match plus clair. Pas question pour le Canadien d'amorcer une interminable entreprise de reconstruction. Le grand patron souhaitait un rebond rapide après la désastreuse saison 2011-2012, marquée par de nombreux ratés et une pitoyable dernière place dans l'Association de l'Est.

Trois saisons complètes plus tard, Bergevin peut dire mission accomplie. Comme le voulait Geoff Molson, l'équipe a vite progressé, participant aux séries éliminatoires dès ses débuts aux commandes. La saison 2 a été marquée d'une participation à la demi-finale de la Coupe Stanley. Et si les séries éliminatoires de la saison 3 ont pris fin trop vite au goût des partisans, le CH a tout de même terminé au deuxième rang du classement général.

À n'en pas douter, une «culture d'équipe gagnante» imprègne de nouveau le Tricolore. Les succès des deux premiers mois de la saison confirment la solidité de cette tendance. Avec ses jeunes vétérans doués, le Canadien semble en selle pour participer aux séries éliminatoires au cours des prochaines saisons, le premier objectif de toutes les équipes.

Bergevin a aussi apporté la stabilité souhaitée par Geoff Molson. Il a accordé une prolongation de contrat à Michel Therrien, montrant ainsi sa confiance en lui. Il a aussi conservé les services du directeur du recrutement amateur, Trevor Timmins.

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Le rendement du Canadien sur la glace a une incidence directe sur ses résultats financiers. Et à ce chapitre, la plus-value apportée par Bergevin est significative.

En bâtissant une équipe qui dispute plusieurs matchs éliminatoires chaque saison, le DG a un impact concret sur la popularité de l'organisation. Cela se traduit par d'énormes revenus supplémentaires. Billetterie, produits dérivés et partenariats corporatifs, tous ces secteurs sont plus lucratifs lorsque le Canadien gagne.

Quant aux diffuseurs, qui allongent des dizaines de millions pour retransmettre les matchs à la télé, leur rendement sur l'investissement est aussi lié - en partie - à la performance du club.

Ainsi, RDS attire plus d'auditeurs si les joueurs de Michel Therrien se battent pour le championnat de la saison. Et TVA Sports espère de tout coeur que le parcours du CH en séries éliminatoires sera long et fructueux. De fortes cotes d'écoute augmentent les revenus de publicité.

Ce n'est pas tout: cette semaine, les spécialistes de Forbes nous ont appris que le Canadien a engrangé des profits de 91 millions en 2014-2015! Et sur le plan émotif, la cote d'amour de l'organisation dans l'ensemble du Québec est très élevée.

Ainsi, en janvier dernier, un panel d'experts réuni par La Presse a estimé que le Canadien possédait la meilleure image de marque de toutes les entreprises du Québec. Un analyste a souligné l'impact positif de Bergevin à ce chapitre, évoquant sa «belle présence».

Bref, lorsqu'on additionne ces trois facteurs (rendement sportif, profits et image), on constate que Bergevin ne pouvait rêver d'un meilleur moment pour prolonger son entente.

Les termes financiers du nouveau contrat n'ont pas été dévoilés. Mais on peut être sûr que l'avenir du «p'tit gars de Pointe-Saint-Charles» est maintenant assuré. Et dans le contexte du sport-spectacle nord-américain, où le rendement se mesure selon des critères objectifs, cette marque de confiance de Geoff Molson est pleinement méritée.

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Si Bergevin mène les siens à la conquête de la Coupe Stanley, le rêve de tous les partisans, il inscrira son nom dans la liste des grands directeurs généraux du Canadien. Dans cette ligue à 30 équipes, où la concurrence est féroce, pareille victoire lui permettrait de marquer sa place dans l'histoire de l'organisation.

En revanche, s'il échoue, Bergevin ajoutera son nom à tous ceux ayant été incapables de relever ce défi depuis 1993. Pour lui, l'enjeu est immense. Gagner la Coupe est son «but ultime», ce pour quoi il travaille chaque jour, me disait-il, il y a un an.

À la même occasion, Bergevin m'avait expliqué sa fierté de faire du hockey en français: «On va sur la route et les gens disent: "Hé, les Canadiens, ça parle français. Ce sont de bonnes personnes de hockey, c'est une bonne équipe et ce sont des francophones." Il y a de quoi être fier!»

En ce qui concerne les entraîneurs et ses propres adjoints, Bergevin a rempli son contrat sur ce plan. Mais il devra être vigilant au chapitre des joueurs. Car si la tendance actuelle se poursuit, le Canadien pourrait bientôt ne plus aligner un seul joueur francophone.

Plus de trois ans après sa nomination, Bergevin profite avec raison de l'estime et de l'appui du public. Il est sûrement le DG le plus populaire du Canadien depuis Serge Savard. On verra s'il réussira le même exploit: brandir la coupe Stanley au bout de ses bras. Ce serait la meilleure façon de consacrer la «culture d'équipe gagnante» évoquée par Geoff Molson en 2012.