Aux quatre coins du Québec, les amateurs de hockey posent une question: les succès du Canadien sont-ils un mirage ou l'équipe est-elle réellement une des meilleures de la LNH, capable de remporter la Coupe Stanley cette saison?

Le Canadien a si souvent déçu ses partisans depuis 22 ans qu'on sent les gens hésitants à s'emballer trop vite. Le fait qu'aucune formation canadienne n'ait coiffé le championnat de la LNH depuis la victoire des hommes de Jacques Demers en 1993 ajoute aussi à ces doutes. Comme si l'idée que la Coupe revienne à la maison, au nord du 49e parallèle, était à la limite du saugrenu.

D'entrée de jeu, il faut rappeler cette incontournable vérité: au hockey, les championnats ne se gagnent pas à l'automne. Briller durant les deux premiers mois est un signe encourageant, même si cela ne garantit pas des lendemains victorieux.

Un exemple: à la même époque l'an dernier, le Canadien se comportait tout aussi bien. L'équipe a poursuivi sur cette lancée, terminant au deuxième rang du classement général. Au deuxième tour éliminatoire, le Lightning de Tampa Bay a cependant imposé sa loi et la saison s'est terminée plus vite que prévu.

Les performances du Canadien depuis l'ouverture du calendrier sont néanmoins plus convaincantes que celles de l'an dernier. D'abord, l'équipe n'a pas souffert démesurément de l'absence de Carey Price, qui a raté plusieurs matchs.

Si une blessure à un joueur est toujours regrettable, celle de Price a cependant démontré que le Canadien n'est pas le club d'un seul homme. Cela est excellent pour la confiance de ses coéquipiers et envoie un message clair aux adversaires.

Ensuite, le jeu du Canadien est plus solide. À l'évidence, le système autorise plus d'initiatives en attaque. Ainsi, à une époque où le petit nombre de buts marqués dans la LNH inquiète les dirigeants et les amateurs, le CH en a inscrit une vingtaine de plus que l'an dernier après 22 matchs. Et cela n'a pas nui à la qualité de sa défense.

Il est donc réconfortant de constater que le Canadien s'est ajusté après l'échec du printemps dernier. Rappelez-vous à quel point un seul but du Lightning fragilisait la formation. Comme si le défi d'en marquer deux pour reprendre l'avance était écrasant. Avec raison, P.K. Subban avait alors déclaré que l'équipe en demandait trop à Carey Price.

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On le sait tous, le hockey des séries est bien différent de celui du calendrier régulier. Mais le Canadien prépare déjà efficacement cette portion déterminante de la saison.

À moins d'un effondrement imprévisible, les joueurs de Michel Therrien se qualifieront aisément pour le tournoi de la Coupe Stanley. Les points engrangés fournissent un coussin très utile.

Résultat, contrairement à plusieurs autres équipes qui seront sur la brèche au moment où la dernière ligne droite du calendrier s'amorcera, le CH n'aura pas à jouer son va-tout en mars.

Therrien, qui abat un boulot impressionnant, pourra donc utiliser quatre trios et six défenseurs, en plus d'accorder un repos occasionnel à Carey Price. Il aura aussi la possibilité de moduler l'utilisation d'Andrei Markov afin qu'il soit en pleine forme au printemps. Tous ces facteurs représentent des atouts importants. Le Canadien évoluera dans une certaine sérénité tout au long de la saison.

Bien sûr, un élément impondérable demeure: les blessures. Le Canadien a bien composé avec l'absence de Price, on verra comment il se débrouillera durant celle de Brendan Gallagher, qui ratera au moins six semaines de jeu.

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Alors, le Canadien remportera-t-il la Coupe Stanley en juin prochain, 100 ans après sa première conquête? Il s'agirait, avouons-le, d'un joli clin d'oeil à l'histoire!

Sans hésitation, on peut affirmer que le Canadien compte parmi la poignée d'équipes capables de relever ce défi. Les leaders sont en pleine possession de leurs moyens, comme en fait foi le rendement de Subban, Markov et Jeff Petry à la ligne bleue.

D'autres équipes de l'Association de l'Est ont aussi des ambitions légitimes. Le Lightning demeure à surveiller. Bête noire du Canadien la saison dernière, ce club talentueux retrouvera son élan. Les Rangers de New York, les hôtes du Canadien ce soir, composent aussi un groupe solide et bien mené par Alain Vigneault.

Il est d'ailleurs extraordinaire pour le hockey québécois de voir deux puissances de la LNH, le Canadien et les Rangers, dirigées par des entraîneurs d'ici. Cela rappelle l'expertise du Québec, même si ni Therrien ni Vigneault n'ont été invités à la Coupe du monde de 2016. Il leur faudra sans doute épingler une Coupe Stanley à leur palmarès pour convaincre les sceptiques...

L'écart entre les meilleures formations est minuscule. Dans ce contexte, on verra comment Marc Bergevin manoeuvrera le 29 février prochain, date limite des transactions dans la LNH.

Les joueurs du Canadien, comme ceux de tous les clubs menaçants, espéreront que leur DG passe à l'action pour obtenir du renfort. Surtout que l'équipe est dans sa «fenêtre d'opportunité», c'est-à-dire cette période de deux ou trois ans où les chances de remporter la Coupe sont réalistes.

Alors, oui, le Canadien est pour «vrai» cette saison. Ses succès ne sont pas un mirage. Mais la concurrence est vive, et attendons avant de réserver une place pour le défilé dans les rues de Montréal. Cela dit, les amateurs ont le droit d'espérer.