Plus tôt cet été, sans en préciser le montant, P.K. Subban a confié à Geoff Molson qu'il effectuerait un don important à la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Le président du Canadien est néanmoins demeuré surpris, mercredi, en apprenant que cet engagement atteignait 10 millions en sept ans. «Wow!», s'est-il exclamé, fier du geste du plus haut salarié de son équipe.

Bien avant les membres de son état-major, Geoff Molson a compris l'importance de Subban pour l'organisation. Rappelez-vous les négociations de son contrat l'été dernier. Il a fallu l'intervention du grand patron pour éviter qu'un arbitre n'établisse son salaire pour une seule année, ce qui aurait à coup sûr miné la relation entre les deux parties.

Marc Bergevin hésitait à lui verser les 72 millions US réclamés. Mais Geoff Molson lui a indiqué que le risque n'était pas démesuré pour un athlète de sa dimension, doté d'une forte présence sur la patinoire et dans la communauté. Ce n'est pas un hasard si Subban a souligné «l'impact monumental» du président après la conclusion de l'accord.

Aujourd'hui, le flair de Geoff Molson ne fait aucun doute. Subban, le joueur le plus électrisant du Canadien depuis Guy Lafleur, a été finaliste au trophée Norris la saison dernière. En compagnie de Carey Price, il composera de nouveau le duo de choc du Canadien en 2015-2016.

Au-delà de son talent, la générosité de Subban s'inscrit dans la tradition de la famille Molson, dont l'apport à la société montréalaise est solidement documenté. Ses dons majeurs à la Fondation du CHUM en 2013 ou à l'Université de Montréal en mars dernier le rappellent bien.

Hier matin, prenant la parole lors du lancement de la phase 2 de la Tour des Canadiens, Geoff Molson a commencé par souligner l'initiative de Subban. Plus tard, il a ajouté: «C'est du jamais vu. Beaucoup de familles et d'entreprises donnent beaucoup d'argent. Mais voir un athlète professionnel en faire autant, c'est spécial.»

Commentant ensuite l'allocution de Subban mercredi, le président du CH a dit: «P.K. a parlé du coeur. C'était impressionnant. Plus longtemps un joueur reste avec nous, mieux on le connaît. Et on a appris beaucoup de P.K. hier [mercredi].»

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En se portant au soutien des enfants malades, Subban s'est réclamé de l'héritage de Jean Béliveau. Il en avait le droit.

En 1971, la direction du Canadien annonça à Béliveau son intention de célébrer son 500e but dans la LNH. Celui-ci accepta, mais à la condition de ne pas être couvert de cadeaux, comme c'était la tradition à l'époque. Il demanda plutôt des dons qui permettraient d'aider les enfants handicapés. Plus de 155 000 $ furent réunis, le double des attentes.

Des années plus tard, un expert expliqua combien cette forme de philanthropie était rare chez les francophones de l'époque. «Jean Béliveau a été un pionnier», ajouta-t-il.

Aujourd'hui, les montants ne sont plus les mêmes. Mais comme Béliveau, Subban agit en pionnier. Son geste extraordinaire interpellera des dizaines d'athlètes multimillionnaires aux quatre coins de l'Amérique du Nord.

Pourquoi? Parce que le défenseur du Canadien est un des joueurs les plus connus de la LNH. Au cours des derniers mois, plusieurs grands médias nord-américains lui ont consacré reportages et articles. Son engagement de mercredi retentit donc très fort.

Dans ce contexte, les prochains sportifs à toucher le gros lot seront plus sensibles à l'idée de poser un geste significatif envers leur communauté.

L'exemple de Subban plane désormais au-dessus de leur tête. Si lui l'a fait, pourquoi pas eux? Le public s'attendra aussi à ce qu'ils entreprennent une action concrète de partage. Surtout à notre époque, où les iniquités sociales provoquent une vaste réflexion.

Au printemps dernier, dans un portrait que j'ai consacré à Subban, j'ai raconté une anecdote que les événements de cette semaine rendent encore plus significative. Elle illustre combien son désir d'aider les enfants malades compte parmi ses préoccupations depuis son arrivée à Montréal.

C'était en décembre 2010, à sa première saison avec le Canadien. Subban donne un coup de fil à Ray Lalonde, alors vice-président de l'équipe: «Je suis seul à Montréal le jour de Noël, lui dit-il. Et j'aimerais faire quelque chose pour la communauté. Tu peux m'aider?»

C'est ainsi qu'en ce 25 décembre, Subban a débarqué à l'Hôpital de Montréal pour enfants, où il a rencontré plusieurs petits patients. «Il a ému les jeunes et leurs parents, m'avait expliqué Lalonde. C'était beau de voir ça.»

Oui, Subban était le même homme avant d'avoir signé son contrat de 72 millions.

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Subban sera-t-il le prochain capitaine du Canadien? J'ai toujours pensé qu'il était le candidat idéal. Il est un joueur dominant, qui possède aussi cette qualité rare: être au meilleur de sa forme en séries éliminatoires, lorsque l'enjeu est élevé.

À l'extérieur de la patinoire, Subban représente magnifiquement le Canadien. Il apprécie Montréal et ne s'en cache pas. «J'aime ça ici! C'est chez moi», me disait-il en mars dernier.

Son association avec la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants, qui va au-delà de l'aspect financier, en constitue une autre preuve. Il en sera le porte-parole et siégera au conseil d'administration.

Mais Subban ne sera sans doute pas choisi. Les directions d'équipe préfèrent des capitaines plus discrets.

C'est dommage, certes, mais si peu important dans le grand ordre des choses. Car comme Béliveau avant lui, Subban est un joueur transformationnel. Ses actes parlent plus fort que ses mots. Ses choix ouvrent de nouvelles avenues, interpellent ses pairs et suscitent le respect de ses concitoyens. C'est cela, le véritable leadership. Qu'on ait ou non un «C» sur son chandail.