Marcel Aubut voulait profiter de son mandat à la présidence du Comité olympique canadien (COC) pour parrainer la candidature de Québec ou de Toronto à l'obtention des Jeux d'hiver ou d'été. Cela ne se fera pas, ce qui l'attriste sûrement. Mais Régis Labeaume et John Tory ont eu raison de tourner le dos à l'aventure.

Il y a trois ans, Québec a dit non aux Jeux d'hiver de 2022, la Ville préférant se consacrer à la construction du nouvel amphithéâtre et au retour des Nordiques. Depuis ce temps, la méfiance du maire Labeaume envers le mouvement olympique ne s'est pas dissipée, bien au contraire. Les excès des Jeux de Sotchi en 2014 l'ont choqué. «L'ère de la démesure n'est pas terminée», disait-il avec raison, en mars dernier.

Mardi, Toronto a écarté l'idée d'entrer dans la course aux Jeux d'été de 2024. «La vérité, c'est que je ne peux regarder les gens dans les yeux et leur dire qu'à l'heure actuelle, une candidature olympique est la meilleure utilisation de notre temps, de nos énergies et de nos investissements», a expliqué le maire Tory.

Même si on est passionné de Jeux olympiques, comment ne pas donner raison aux deux élus? La Norvège, la Suède, l'Allemagne et la Pologne ont toutes abandonné leur désir d'organiser les Jeux d'hiver de 2022 en raison de l'inflation délirante des coûts. Seuls le Kazakhstan et la Chine sont demeurés en lice. Sans surprise, le Comité international olympique (CIO) a choisi Pékin en juillet dernier.

Quelle sera la facture réelle de ces Jeux? Compte tenu de l'opacité du gouvernement, nous n'obtiendrons jamais de réponse à cette question. Mais croire que la Chine organisera des Jeux modestes relève de la fiction. Ainsi, un train à grande vitesse sera mis en service entre la capitale et les deux stations de sports d'hiver où les épreuves de glisse seront présentées. D'autres sites devront être bâtis.

Le CIO convaincra-t-il le gouvernement chinois de contrôler ses dépenses afin de ne pas effrayer d'autres villes intéressées par l'aventure olympique?

Si le passé est garant de l'avenir, on peut plutôt croire que Thomas Bach, le président du CIO fait citoyen d'honneur de Montréal durant l'été, appuiera le pouvoir en place avec la même énergie que lorsqu'il a défendu Vladimir Poutine, durant les Jeux de Sotchi.

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Cet été, les déboires de Rio et de Tokyo, qui accueilleront respectivement les Jeux d'été de 2016 et 2020, ont alimenté la chronique.

Au Brésil, la pollution des eaux où auront lieu des épreuves de voile et de triathlon suscite des craintes pour la santé des athlètes. Et à Tokyo, le coût du nouveau Stade olympique a bondi de manière fulgurante. Avant que le gouvernement central n'intervienne, le projet atteignait 2,1 milliards US!

Les plans ont été revus, réduisant la note à 1,3 milliard US. Mais le retard ainsi causé fera en sorte que le stade ne sera pas prêt pour la Coupe du monde de rugby en 2019. Et les organisateurs des Jeux n'en prendront possession que quelques mois avant la cérémonie d'ouverture, un court délai pour roder une installation de cette ampleur.

Aujourd'hui, le CIO est coincé entre son goût avéré pour les installations princières et les louables intentions de l'Agenda 2020, adopté en décembre dernier. Ces 40 recommandations visent notamment à réduire les coûts des villes candidates et organisatrices. Peut-être le plan portera-t-il un jour ses fruits, comme le croit Marcel Aubut. Mais la démonstration reste à faire.

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Toronto aurait dépensé près de 75 millions en pure perte s'il avait été candidat aux Jeux de 2024. Face à des concurrents comme Paris, Rome, Hambourg et Los Angeles, la métropole canadienne n'avait aucune chance d'être élue.

Si le choix des villes hôtesses est parfois surprenant, Los Angeles occupe aujourd'hui la position de tête. La ville est devenue la candidate des États-Unis après le désistement de Boston en juillet dernier. Nos voisins du Massachusetts n'ont pas cru à cette fable des Jeux sans déficit.

Les Jeux d'été n'ont pas été présentés chez l'Oncle Sam depuis 1996. Un conflit entre le CIO et le Comité olympique américain, à propos du partage des droits de télé, explique cette situation. L'imbroglio étant maintenant réglé, le CIO ne pourra lever le nez encore longtemps sur ce colossal marché.

Le choix de la ville organisatrice des Jeux de 2024 aura lieu en 2017, au Pérou. Quatre des cinq candidates (Budapest est aussi dans la course) dépenseront en vain des dizaines de millions pour séduire le CIO, qui se frotte déjà les mains - et ce n'est pas une blague - en pensant au suspense du jour de l'élection.

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Alors, faut-il exclure à jamais la candidature d'une ville canadienne à l'obtention des Jeux? Non, puisqu'ils demeurent un événement exceptionnel et souvent inspirant.

Mais dans le contexte actuel, la prudence est de mise. Si quelques initiatives ont été prises pour réduire la facture des Jeux de Tokyo, il serait ridicule de prétendre que le contrôle rigoureux des coûts est désormais inscrit dans les gènes du CIO.

Pour le Canada, la meilleure stratégie est de surveiller l'évolution des événements. Si le CIO démontre une réelle volonté de changement, une ville pourrait foncer.

Mais il vaudrait mieux oublier les Jeux d'été, aux coûts stratosphériques, et se concentrer sur ceux d'hiver. Pour peu que le CIO ne vive pas dans la nostalgie de Sotchi et de ses dépenses démesurées. Pour l'instant, l'organisme souffre toujours d'un déficit de crédibilité.