La belle saison régulière du Canadien, marquée par les performances remarquables de Carey Price, ne maquille pas l'essentiel: en séries éliminatoires, lorsque le talent, la fougue et le caractère sont sollicités au maximum, le CH a été moins convaincant.

Marc Bergevin est sûrement déçu de la tournure des événements. Le Canadien n'a pas progressé autant que prévu cette saison. Et il n'est pas plus près d'une Coupe Stanley qu'à la même époque l'an dernier. Oui, P.K. Subban a raison de dire que le véritable reflet d'un club est sa performance au printemps.

La direction doit maintenant évaluer l'équipe en profondeur, en mettant de côté les lunettes roses. L'analyse des statistiques des séries éliminatoires représente un bon point de départ.

Est-ce normal que trois attaquants clés, Tomas Plekanec, David Desharnais et Lars Eller, aient collectivement obtenu à peine deux points de plus que Subban à lui seul? Cette seule donnée traduit les ennuis offensifs du CH.

Ce manque de punch s'est transformé en frein psychologique. On l'a senti durant le match de mardi à Tampa. Le Canadien a montré de l'énergie en lever de rideau, venant près de prendre les devants.

Mais lorsque le Lightning a inscrit le premier but de la rencontre, les hommes de Michel Therrien ont semblé sonnés. Comme si combler un déficit d'un seul but était une tâche trop lourde. Une réaction inquiétante.

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L'attaque massive, banale en saison régulière (taux d'efficacité de 16,5%), a été une blague en séries (5,6%). Et n'essayons pas de dorer la pilule en évoquant les chances manquées ou les rondelles ayant atteint le poteau. En sport professionnel, passer proche n'est pas une consolation. Il faut produire ou on perd.

Subban a été direct après l'élimination des siens, disant ne pas se souvenir de la dernière fois où le succès de l'avantage numérique du Canadien a fait la différence dans un match.

Les unités spéciales sont une composante essentielle de la réussite. Or, toute la saison, le jeu de puissance du Canadien en a arraché. Cela a mis beaucoup de pression sur Price, qui a rarement profité d'un bon coussin devant son filet.

Les joueurs ne sont pas les seuls à avoir manqué de créativité: les entraîneurs aussi. L'incapacité de Michel Therrien et son groupe à trouver des solutions pour augmenter la productivité de l'attaque massive est une déception.

Bergevin aurait avantage à greffer un spécialiste de la question au personnel d'entraîneurs, quelqu'un capable d'apporter des idées nouvelles.

Au cours des 25 dernières années, le nombre d'entraîneurs adjoints a explosé dans la LNH. Si les équipes ont embauché des experts pour encadrer les gardiens de but, décortiquer les vidéos et soigner la préparation physique, le temps est sûrement venu de compter sur un véritable spécialiste des unités spéciales, comme au football.

Bref, Bergevin doit trouver un Stéphane Waite du jeu de puissance pour épauler Therrien.

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L'an dernier, le Canadien a éliminé les Bruins en deuxième ronde. Ceux-ci avaient pourtant dominé le classement de la LNH en saison régulière.

Cet échec a désemparé l'organisation bostonienne. Les Bruins ont donné l'impression de ne pas s'être adaptés à l'évolution du jeu, comme s'ils n'avaient pas plongé dans le hockey moderne, axé sur la vitesse.

On connaît la suite: la dégringolade des Bruins, coincés par leur masse salariale, s'est poursuivie. Ils n'ont pas participé aux séries cette saison.

C'est dire combien, dans la LNH d'aujourd'hui, on peut vite passer d'une position dominante à celle de recalés des séries. Le Canadien, une équipe jeune, devrait éviter ce piège. La prudence est tout de même de mise. Compte tenu du résultat en éliminatoires, les 50 victoires du calendrier régulier perdent de leur poids.

Au cours des deux dernières semaines, le Lightning a montré au Canadien le visage contemporain du hockey, avec ses attaquants explosifs et créatifs. Si le CH ne s'adapte pas, il demeurera à la traîne des nombreux clubs qui le feront.

Mais pour réussir cela, le jeu défensif ne peut être considéré comme la seule facette importante du hockey. Ainsi, comment expliquer que le jeune Alex Galchenyuk ne remplisse toujours pas les espoirs mis en lui? Bien sûr, son expérience professionnelle est limitée à trois saisons et il poursuivra sa progression.

En revanche, on sent que Galchenyuk doit d'abord soigner son jeu défensif pour répondre aux attentes de ses patrons. L'empêche-t-on ainsi d'exprimer son plein potentiel offensif?

La réponse à cette question est complexe. Mais souhaitons que Bergevin et Therrien acceptent de se la poser, qu'ils osent remettre en cause leurs certitudes. Le Canadien ne regorge pas de talent offensif. Permettre à ceux qui en possèdent de déployer plus librement leurs ailes est une idée à examiner.

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Une des expressions à la mode dans la LNH est «la fenêtre d'opportunité», c'est-à-dire la période de quelques années où une équipe peut raisonnablement compter parmi les candidats sérieux à l'obtention de la Coupe Stanley.

Le Canadien a amorcé la sienne cette saison. Les vedettes de l'équipe sont dans la vingtaine, ce qui place l'organisation dans une position enviable. Mais comme l'a rappelé Subban mardi soir, le temps file vite.

«Il ne faut pas se dire qu'on peut attendre une couple d'années avant de menacer pour le titre. Nous devons le faire maintenant. On ne sait jamais ce qui arrivera aux joueurs et à l'équipe au fil des années. Alors, lorsque l'occasion se présente, il faut tout donner pour la saisir.»

Pour réussir ce coup, le Canadien a besoin de renfort. À Bergevin de jouer.