Mercredi après-midi, à Mexico. Richard Legendre entre dans le restaurant de l'hôtel où loge l'Impact. Il a le temps de prendre un café avant de se diriger vers le stade Azteca, où un défi colossal attend l'équipe: tenir son bout contre le puissant et très riche Club América, largement favori pour remporter cette finale de la Ligue des champions.

Soudain, l'attention de Legendre est attirée par un téléviseur branché sur une chaîne sportive dans un coin de la pièce: aperçoit-il vraiment l'ancien maillot de l'Impact, avec le nom «Saputo» inscrit sur le devant? Eh oui! Intrigué, le vice-président de l'équipe s'approche et constate qu'il s'agit d'un reportage sur l'histoire du club montréalais.

«Durant cinq minutes, on a raconté notre parcours, explique Legendre. J'ai vu des extraits de nos matchs au fil des années, des images de la construction du stade Saputo et d'autres montrant Nick De Santis et Mauro Biello. Tout ça sur la chaîne mexicaine de Fox Sports! C'était fascinant d'écouter ça. Et très émouvant...»

Legendre marque une pause, puis ajoute en riant: «Comme si on avait besoin d'encore plus d'émotion quatre heures avant le match!»

Sur la scène internationale du soccer, l'Impact demeure un club modeste. Même en Major League Soccer (MLS), sa renommée n'est pas celle du Galaxy de Los Angeles, popularisé par David Beckham, ou des Red Bulls de New York, longtemps animés par Thierry Henry.

Mais l'extraordinaire parcours du onze montréalais dans la Ligue des champions lui vaut une notoriété inattendue. Aujourd'hui, par exemple, les fans d'un pays fou de soccer comme le Mexique connaissent l'Impact. Et lui vouent sûrement du respect.

Tous les amateurs de ballon rond connaissaient en effet le défi auquel le club faisait face mercredi: quitter ce stade légendaire la tête haute. Lorsqu'on sait que le dernier rival d'América dans cette compétition s'y était fait lessiver 6-0, on comprend mieux l'ampleur de la tâche! Voilà pourquoi ce verdict nul de 1-1, qui annonce un extraordinaire match retour mercredi prochain au Stade olympique, est si méritoire.

«L'autocar de l'équipe a quitté l'hôtel en direction du stade escorté par quatre motocyclistes de la police, ajoute Legendre. Ça nous a permis de faire le trajet en 15 minutes plutôt qu'une heure. À notre arrivée, on a vu environ mille policiers antiémeute...»

Ce contexte très particulier, propre aux grands matchs internationaux, aurait pu intimider l'Impact. Pas du tout! L'équipe a conservé sa concentration, inscrivant même le premier but du duel, calmant ainsi un peu les ardeurs de la foule.

«Mais à la fin, América a attaqué sans arrêt et c'est devenu très intense, raconte Legendre. On a vécu chaque minute de la rencontre à fond. Mais la préparation des joueurs était exceptionnelle. Notre médecin était avec nous, notre cuisinier aussi! On a contrôlé notre environnement le mieux possible. Et tout au long de notre séjour, j'ai senti les gars sereins.»

L'Impact en avait lourd sur les épaules, avant la rencontre. Comme le rappelle Legendre, l'équipe représentait Montréal, le Québec et le Canada. Mais aussi la MLS, ce jeune circuit parfois regardé de haut et souhaitant prouver sa crédibilité à l'échelle de la planète. Si l'Impact s'était fait renverser sans appel par Club América, la réputation de toute la ligue en aurait souffert.

«C'est énorme pour la MLS, ajoute Legendre. Avant nous, une seule autre équipe du circuit avait atteint la finale de cette compétition. La perception de la ligue en cas de match à sens unique constituait un enjeu. Mon espagnol n'est pas très fort, mais je l'ai bien saisi en écoutant les commentateurs mexicains. Ils sentent maintenant que notre circuit s'améliore.»

Compte tenu du retentissement de ce tournoi, la MLS a offert un appui entier à l'Impact au cours des dernières semaines. Mine de rien, trois matchs ont été reportés pour permettre au club de mieux préparer les exigeants rendez-vous de la Ligue des champions. Legendre et toute l'organisation l'apprécient.

«On a senti beaucoup de collaboration, dit-il. Il y avait une mission à accomplir.»

Joey Saputo n'était pas au Mexique, mercredi. Par superstition, surtout. Ses affaires l'avaient empêché d'accompagner l'Impact à ses deux derniers matchs à l'étranger en Ligue des champions. Les résultats ayant été positifs, il n'a pas voulu défier le sort!

Mais le président de l'équipe sera assurément au Stade olympique mercredi prochain. En compagnie de plus de 59 000 partisans. Et peut-être plus, si l'organisation ajoute de 1000 à 3000 places, un projet à l'étude. «On sent qu'il y a encore de la demande», dit Legendre.

Qui aurait imaginé pareil scénario en février dernier, lorsque le duo Saputo-Legendre regrettait le peu de retentissement de l'équipe à Montréal? Le retournement de situation est spectaculaire, même s'il ne garantit pas que le stade Saputo accueillera 20 000 spectateurs à tous les matchs de la saison en MLS.

Mais pour l'instant, savourons plutôt les extraordinaires réussites de l'Impact en Ligue des champions. Avouons qu'il existe quelque chose d'irréel à l'idée que le bleu-blanc-noir pourrait se retrouver dans la même compétition que le FC Barcelone ou le Bayern Munich, au Japon, en décembre prochain.

Mais avant de se qualifier pour la Coupe du monde des clubs, l'équipe devra de nouveau contenir les élans de Club América mercredi. Les rivaux mexicains appuieront sur l'accélérateur. À n'en pas douter, il s'agira du match le plus significatif de l'histoire de l'Impact.