Le week-end dernier devait être celui de la relance pour Eugenie Bouchard. Ce retour en Coupe Fed, devant ses fans montréalais, représentait une formidable occasion de rebâtir sa confiance après un passage à vide. Il s'est plutôt transformé en déconfiture. Sur le plan du tennis comme sur celui des relations publiques, la jeune Montréalaise a connu des moments pénibles.

Sur le court, Bouchard a perdu ses repères. Elle a maintenant subi huit revers cette saison contre des joueuses n'étant pas classées parmi les 35 premières au monde. Pour une membre du top 10, c'est franchement embêtant.

Du coup, dans l'esprit des plus cyniques, des doutes surgissent à propos de sa valeur réelle. L'association avec son nouvel entraîneur Sam Sumyk ne donne jusqu'ici aucun résultat positif. Difficile de bâtir une complicité dans ces circonstances.

En décembre dernier, disant être à la recherche d'une «nouvelle voix», Bouchard s'est séparée de Nick Saviano, son vétéran entraîneur qui connaissait mieux que quiconque ses forces et ses faiblesses. Un changement pareil, alors qu'elle venait d'émerger sur la scène mondiale, était un pari risqué.

Sumyk est un entraîneur renommé, qui a aidé Victoria Azarenka à remporter deux titres majeurs et à atteindre le premier rang mondial. Mais lui aussi doit composer avec un nouvel environnement. Et la route est plus rocailleuse que prévu.

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Lors du tirage au sort précédant cette manche de la Coupe Fed, Eugenie Bouchard a refusé de serrer la main d'Alexandra Dulgheru, sa rivale roumaine.

Cette histoire risque de la hanter un bon moment. Car elle a ainsi transgressé une valeur essentielle du sport: le respect de l'adversaire. Il y avait une dose d'arrogance dans son geste, elle qui est un modèle pour des milliers de jeunes.

Les motifs invoqués par Bouchard ne tiennent pas la route. Le fait que cette pratique n'existe pas avant un tournoi de la WTA est hors de propos. La Coupe Fed est une rencontre internationale. Or, dans tous les sports, ces rivalités sont traitées différemment des matchs habituels.

Tenez, le capitaine d'une équipe junior de hockey ne serre pas la main de son homologue avant un match du calendrier. Mais au championnat mondial, oui. C'est la coutume, comme on l'a vu l'hiver dernier à Montréal et Toronto.

Même chose dans la LNH. Après une mise en jeu officielle, les deux capitaines serrent la main de l'invité d'honneur et font ensuite de même entre eux.

Le sport n'est pas la guerre. Souhaiter bonne chance à son rival ne signifie pas qu'on espère que l'officiel le favorisera, après tout! C'est simplement une marque de courtoisie.

Ce n'est pas la première fois que Bouchard agit ainsi en Coupe Fed. Mais puisqu'elle fait maintenant partie de l'élite, l'histoire connaît un fort retentissement.

Des médias européens ont jugé sévèrement l'attitude de la Montréalaise. En Suisse, le quotidien Le Matin a posé cette question simple: «Et la politesse dans tout ça?»

Quant aux commanditaires de Bouchard, la société Coca-Cola par exemple, il serait étonnant que cette controverse les ait ravis.

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Eugenie Bouchard est encore jeune et a certainement le droit à l'erreur. Elle devra apprendre que le désir absolu de vaincre, cette farouche volonté de s'imposer au sommet de son sport, n'est pas incompatible avec une poignée de main d'avant-match, signe de respect envers ses adversaires.

Cela dit, il serait étonnant de revoir Bouchard en Coupe Fed avant un bon moment. D'abord, l'ambiance a semblé très froide au sein de l'équipe canadienne; ensuite, sa présence à l'aréna Maurice-Richard lui a permis de remplir un des critères imposés par la Fédération internationale de tennis afin de pouvoir participer aux Jeux olympiques de Rio.

À quoi rassemblera la suite pour Bouchard? Elle demeure une joueuse douée, capable de menacer pour les plus grands titres... si elle améliore son service.

Cela dit, les saisons de tennis sont longues et elle a encore assez de temps pour insuffler un nouvel élan à son année 2015. Mais beaucoup de travail l'attend. Elle devra y consacrer toutes ses énergies.

Le message de Therrien

Les entraînements «punitifs» ont longtemps été une réalité de la LNH. Le légendaire Phil Watson, un ancien joueur du Canadien qui a connu une longue carrière derrière le banc, a poussé la malveillance à un niveau inégalé en 1959.

Après un revers de 5-1 de ses Rangers de New York aux dépens du Canadien au Madison Square Garden, il a ordonné à ses joueurs de retourner sur la patinoire sur le coup de 23h pour une éprouvante séance de patinage.

Bernard Geoffrion, quittant sur ces entrefaites le vestiaire du Canadien pour retourner à l'hôtel, encouragea dérisoirement ses rivaux, comme le raconte Jean Béliveau dans ses mémoires: «Allez, patinez! Allez, plus fort, plus vite, et un peu de coeur au ventre, s'il vous plaît!» leur cria «Boum Boum».

À une époque plus récente, Jacques Demers a aussi imposé sa loi. En octobre 1992, il a convoqué ses joueurs au Forum à 6h du matin afin qu'ils sautent sur la glace une heure plus tard. Mécontent de l'effort des siens au cours des matchs précédents, il déclara: «Ils vont voir ce que c'est que de gagner sa vie comme des cols bleus!»

Aujourd'hui, de telles initiatives seraient impossibles. Un entraîneur qui s'y risquerait se retrouverait avec l'Association des joueurs sur le dos et perdrait le respect de sa troupe. Mais ça n'empêche pas les meilleurs d'entre eux de sonner le rappel au besoin.

Michel Therrien a agi ainsi le 31 mars dernier. Rappelez-vous: la veille, le Lightning de Tampa Bay avait battu le CH 5-3 au Centre Bell.

Vingt minutes après le match, l'entraîneur n'avait pas décoléré. Son point de presse a duré exactement 2 minutes 25 secondes, questions en français et en anglais combinées! Il a déploré l'indiscipline des siens et ajouté: «On n'était vraiment pas alertes ce soir. On leur a donné pratiquement quatre buts. Si tu ne joues pas bien défensivement, tu n'as aucune chance de gagner.»

Therrien aurait pu accorder un congé à ses hommes le lendemain, puisque le calendrier s'y prêtait. Il a plutôt dirigé un entraînement au rythme rapide, précédé d'une longue rencontre avec ses joueurs. Rien de «punitif», mais une mise au point nécessaire.

Le succès n'a pas été instantané. Mais un fait demeure: à partir de ce jour-là, le Canadien n'a pas perdu un seul match en temps réglementaire ou en prolongation jusqu'à la fin du calendrier. Ses deux seuls revers sont survenus en tirs de barrage. Et il a amorcé les séries avec trois victoires consécutives.

L'entraîneur du Canadien a passé son message, de la manière moderne, au bon moment.