Les athlètes plongés dans une controverse et qui doivent s'expliquer devant une meute de journalistes sont souvent mal à l'aise. Leurs yeux nous disent à quel point ils ont hâte d'en finir avec cette corvée, où chaque question cache un piège potentiel.

P.K. Subban, sachez-le, n'est pas coulé dans ce moule. Jeudi midi, l'assurance et l'habileté avec lesquelles il a commenté son expulsion du premier match de la série entre le Canadien et les Sénateurs d'Ottawa ont représenté un spectacle en soi. On aurait dit un spécialiste de la gestion de crise.

Coiffé d'une casquette bleue du CH, l'allure détendue et pleinement maître de son discours, Subban a utilisé toutes les cordes à sa disposition pour s'expliquer.

Sa recette? Rien de compliqué. Il suffit de bien choisir les ingrédients et de suivre les étapes, une affaire de dix minutes tout au plus.

1. Une touche de regret sur l'ampleur prise par l'affaire, qui a relégué dans l'ombre l'effort de ses coéquipiers.

2. Un brin de mea culpa à propos de son indiscipline.

3. Des mots de sympathie à l'intention de son «bon ami» Dave Cameron, l'entraîneur des Sénateurs.

4. Une pincée de respect pour les officiels qui ont pris «la bonne décision» en le pénalisant.

5. Une cuillerée à thé d'autojustification - il voulait éviter que Mark Stone s'approche trop de Carey Price.

6. Quelques gouttes de bonnes résolutions - «Je veux montrer l'exemple»...

Et voilà, il suffit de mettre au four, et le plat est prêt!

Au-delà de cette image, il faut reconnaître que Subban est un communicateur hors pair. S'il met parfois son équipe dans l'embarras sur la patinoire - et ce fut à n'en pas douter le cas dans ce premier match -, son sang-froid devant un micro est exceptionnel. Dans une situation corsée, j'ai rarement vu un athlète afficher une telle maîtrise.

***

La rencontre de mercredi était à peine terminée que le comité de discipline de la LNH avait pratiquement déjà arrêté sa décision: Subban ne serait pas suspendu pour son violent cinglage à l'endroit de Stone.

Dans les circonstances, cette promptitude à rendre justice est inutile. Et on peut comprendre Bryan Murray, le DG des Sénateurs, d'être déçu que Stéphane Quintal ne se soit pas accordé quelques heures supplémentaires avant de trancher. Mais au bout du compte, cela n'aurait sans doute rien changé.

Subban méritait-il une sanction additionnelle? Dans l'absolu, oui. Un coup de hache semblable n'a pas sa place dans le hockey, séries éliminatoires ou non. Si la LNH était sérieuse dans son intention de contrer cette violence absurde, elle n'hésiterait pas à le suspendre pour un match, ce qui enverrait un signal clair sur les limites à respecter.

Le problème, ce n'est pas que la LNH ferme les yeux. Au contraire, elle les garde habituellement grands ouverts. Il suffit de regarder les vidéos explicatives lorsqu'une suspension est annoncée: l'analyse est solide et convaincante. Aucun fait n'est ignoré et les mots utilisés pour décrire le geste répréhensible vont droit au but. Quintal et son groupe ne versent pas dans la complaisance.

Non, ce qui est en cause, c'est la mollesse des sanctions. Si des coups dangereux à la tête, à une époque où tous connaissent l'impact des blessures au cerveau, entraînent rarement des suspensions supérieures à cinq matchs, un cinglage à un bras ne vaut forcément pas plus qu'une demi-rencontre d'absence. Ce qui, en plus d'une majeure de cinq minutes, fut essentiellement la punition de Subban.

Cette jurisprudence existait bien avant l'entrée en poste de Quintal. Le préfet de discipline n'est pas à blâmer. Seule la très haute direction de la LNH pourrait durcir les sentences, ce à quoi les équipes s'opposent.

Cela dit, le Canadien devra aussi vivre avec ses commentaires dans cette affaire. Michel Therrien a soutenu qu'une punition mineure à Subban aurait été suffisante. Il faudra s'en souvenir lorsque, inévitablement, l'organisation se plaindra du traitement qu'un adversaire réservera à un de ses joueurs.

***

L'élan imprimé à cette série vient de changer. Dans le premier match, toute la pression était sur le Canadien. L'équipe devait absolument amorcer avec succès cette série afin de conjurer le mauvais sort de 2013 - victoire des Sénateurs en cinq matchs - et chasser la nervosité. Une victoire des visiteurs dans cette rencontre initiale aurait créé un immense doute sur la valeur du CH en l'absence de Max Pacioretty.

Forte de ce gain, l'équipe peut envisager la suite avec optimisme. D'autant que Pacioretty prend du mieux, au point que son retour au jeu est envisageable. Ses coéquipiers ont bien compensé son absence, mercredi, mais un attaquant de son envergure ne peut être remplacé durant une longue période.

Ensuite, les joueurs de soutien comme Torrey Mitchell et Brian Flynn ont prouvé leur valeur mercredi. Non seulement ce déblocage offensif est bon pour leur propre confiance, mais encore il insuffle une solide dose d'énergie à toute l'équipe.

Dans le camp des Sénateurs, le portrait est moins emballant. Mark Stone est un de leurs meilleurs joueurs et, si son absence se confirme, sa perte sera durement ressentie. Quant au gardien Andrew Hammond, il a raté son occasion de semer un doute dans l'esprit des joueurs du Canadien.

Les Sénateurs ont joué avec beaucoup d'émotion au cours des six dernières semaines de la saison. Cela leur a demandé des efforts considérables. On verra ce soir s'ils ont l'énergie pour arracher un gain sur la glace du Centre Bell, avant de retrouver leurs partisans dimanche soir.

À quel genre de match aurons-nous droit? Comme l'impression que, malgré l'incident de mercredi et la frustration des Sénateurs, la rencontre sera dure, mais se jouera dans les règles. L'indiscipline finit toujours par coûter cher et les deux entraîneurs le rappelleront à leurs troupes. Et attendons-nous à un grand match de Subban.