Cameron Porter, la nouvelle jeune vedette de l'Impact, s'approche des journalistes après l'entraînement d'hier, au Stade olympique. «Hé, tu veux nous dire une phrase en français?», lance un collègue.

Porter baisse les yeux un moment. Il se concentre à fond, respire et, d'un accent sympathique, commente ainsi la belle victoire des siens, mercredi, au Stade olympique: «Je pense que le match est très bien pour l'équipe. Dans le futur, nous voulons faire le même chose.»

Wow, l'attaquant américain de 21 ans n'est pas qu'une perle rare sur le terrain! En voilà un dont le désir de s'intégrer à sa société d'accueil est bien réel.

Mercredi, avant ce premier duel de demi-finale en Ligue des champions de la CONCACAF, Porter a été le joueur le plus applaudi à la présentation du onze partant. Son but magique du 3 mars dernier a permis à l'équipe de poursuivre son parcours dans ce tournoi. Et les amateurs n'ont pas oublié.

- Où as-tu appris le français, Cameron?

Cette fois, Porter répond en anglais: «En grandissant, j'ai suivi des cours chaque année. Mais je n'ai pas eu l'occasion de le parler durant mes quatre années à l'Université Princeton. Avec un peu de chance, j'aurai bientôt un accent québécois!»

Porter, un pilier de l'Impact, ce mois-ci, a grandi en Ohio. Il a appris à dribler le ballon dans l'entrée de garage de la maison familiale. «Dans ma ville, le soccer n'était pas un sport très pratiqué. Alors je m'exerçais en contournant des cônes...»

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Les chances de l'Impact de remporter la Ligue des champions sont aussi bonnes que celles des trois autres clubs toujours en lice. Ce titre, rappelons-le, vaut un laissez-passer pour la Coupe du monde des clubs, au Japon, en décembre prochain.

Oui, l'Impact se retrouverait alors dans la même compétition que le champion européen, assurément une puissance du foot: Bayern Munich, FC Barcelone, Real Madrid... Et l'Amérique du Sud sera aussi représentée par un club avec du panache, qu'il soit brésilien ou argentin.

D'où cette question pertinente d'un lecteur: «Comment expliquez-vous que l'Impact [le club le plus faible de la MLS] se retrouve en demi-finale de la CONCACAF? Est-ce parce que les autres clubs de la MLS ne prennent pas au sérieux cette compétition? Pourrait-on imaginer les Sabres de Buffalo représenter la LNH dans un championnat mondial? Quelque chose m'échappe...»

La réponse comporte plusieurs volets. D'abord, l'Impact participe à cette compétition grâce à son titre de champion canadien, et non pas en raison de son appartenance à la MLS. Le club s'est qualifié au printemps dernier, après de difficiles victoires contre le FC Edmonton et le Toronto FC. Une seule formation canadienne est invitée en Ligue des champions.

Comme les 23 autres clubs inscrits, l'Impact a ensuite participé à un mini-tournoi à la ronde de trois équipes. Les matchs ont eu lieu d'août à octobre derniers. Les joueurs de Frank Klopas ont terminé au premier rang du Groupe C devant un club salvadorien et les Red Bulls de New York, de la MLS, obtenant ainsi une place en quarts de finale.

Comment l'Impact a-t-il pu vaincre les Red Bulls, une équipe largement supérieure? Engagés à fond dans la course au championnat de la MLS, les Red Bulls ont utilisé plusieurs réservistes en Ligue des champions. Thierry Henry, par exemple, n'a participé à aucun des deux affrontements contre l'Impact. La priorité des New-Yorkais était ailleurs.

À l'opposé, déjà virtuellement exclu des séries éliminatoires de la MLS, l'Impact a joué à fond la carte CONCACAF. C'était sa seule façon de donner un objectif aux joueurs et de soutenir l'intérêt des partisans. La combinaison de ces deux facteurs explique en partie le succès montréalais.

La Ligue des champions a alors pris sa pause annuelle de quatre mois avant la ronde des quarts de finale. Durant ce temps, l'Impact s'est transformé.

Une douzaine de nouveaux joueurs se sont joints à l'équipe. Parmi eux, Laurent Ciman, Marco Donadel, Nigel Reo-Coker, Bakary Soumare, Dominic Oduro, Cameron Porter... Les trois premiers ont été capitaines de leur équipe en première ligue belge, italienne et anglaise. Au chapitre de l'expérience et du leadership, ces ajouts ont été significatifs.

Une chose est sûre: l'Impact de 2014 n'aurait pas remporté la ronde de quarts de finale, il y a deux semaines. Et n'aurait pas dominé Alajuelense mercredi, au Stade olympique.

Alors, pour reprendre l'exemple de notre lecteur, les Sabres de Buffalo pourraient-ils réussir un coup pareil au hockey?

Les comparaisons sont souvent boiteuses. Et le hockey n'est pas le soccer, où des équipes moins reconnues se retrouvent parfois dans la cour des grands le temps d'une compétition.

Mais juste pour le plaisir, voici une théorie: si les équipes de la LNH participaient aussi à un championnat parallèle s'étendant sur deux saisons, que les Sabres prenaient ce rendez-vous très au sérieux parce qu'ils sont déjà exclus des séries et qu'ils disputaient un quart de finale la saison prochaine avec Connor McDavid dans leurs rangs, pourquoi pas?

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La Ligue des champions a un côté conte de fées. Un tournoi à première vue anodin se transforme soudainement en occasion spectaculaire pour les équipes en demi-finales. Les joueurs de l'Impact l'avouent: atteindre la Coupe du monde des clubs et disputer un match contre une grande équipe de calibre mondial constituerait un moment formidable.

Il fallait voir le sourire illuminer le visage d'Ignacio Piatti, hier, en commentant ce scénario. «Je rêve d'aider mon équipe à atteindre ce but», a dit le meilleur joueur de l'Impact, auteur d'une performance sensationnelle, mercredi.

Mais il faudra d'abord gérer le match retour contre Alajuelense, au Costa Rica, le 7 avril. Et gagner ensuite la finale. Gros défi. Et grosse récompense en cas de succès.