Est-ce la confiance absolue d'une championne? L'absence de doute d'une jeune athlète à qui tout sourit depuis un an? Ou simplement une preuve de patience d'une joueuse voulant bien mesurer ses choix?

L'avenir nous le dira bientôt. Mais reconnaissons l'audace d'Eugenie Bouchard. Pour la première fois de sa carrière, elle amorce une saison comme membre du top 10. Et elle le fait sans entraîneur en titre, un choix risqué.

L'automne dernier, Bouchard a mis fin à son association avec Nick Saviano. Il a lui-même annoncé la nouvelle par communiqué pendant que Bouchard gardait le silence.

Plus tôt ce mois-ci, l'athlète de Westmount est sortie de sa réserve dans une entrevue au quotidien australien Sidney Morning Herald: «Je ressentais le besoin d'aller dans une autre direction. J'ai besoin d'une nouvelle voix pour atteindre un plus haut niveau. Mon but ultime est de gagner un Grand Chelem et être numéro un au monde. Et j'avais besoin d'un changement.»

Qui sera cette «nouvelle voix»? Pour l'instant, Bouchard compte sur Diego Ayala. Elle connaît bien cet ancien joueur de 35 ans, longtemps collaborateur de Saviano. D'abord embauché pour ses qualités de partenaire d'entraînement, ses responsabilités sont manifestement devenues plus importantes.

Le week-end dernier, à Melbourne, un journaliste lui a demandé si Ayala était son «entraîneur temporaire». Réponse de Bouchard: «Décrivez-le comme vous voulez. On a décidé de venir en Australie ensemble. J'ignore où tout cela mènera, mais c'est le plan pour l'instant.»

Cette réponse est intrigante. Bouchard, qui apprécie travailler avec Ayala, ne semble pas avoir de plan précis pour la suite des choses. Si elle obtient du succès aux Internationaux d'Australie, cet enjeu ne rebondira pas à court terme. Et Ayala, qui a déjà dirigé Jelena Jankovic, prendra du galon. Mais si elle subit l'élimination avant les quarts de finale, le sujet provoquera un débat dans le monde du tennis.

Bouchard est volontaire et talentueuse. Mais comme tous les athlètes, elle a besoin d'un entraîneur capable de maximiser ses atouts, de corriger ses faiblesses et de soigner sa préparation mentale. C'est encore plus vrai pour une joueuse qui, comme elle, est peu expérimentée.

En Australie, Ayala remplit sûrement en partie ce rôle. Mais son profil n'est pas celui d'un ancien champion ou d'un entraîneur établi. À première vue, il ne semble pas celui qui, pour reprendre les mots de Bouchard, lui permettra d'atteindre un plus haut niveau.

Eugenie Bouchard a clairement des idées précises sur son tennis. On l'a bien vu lors de sa prise de bec avec Nick Saviano à Roland-Garros l'été dernier. Choisir le bon entraîneur, avec qui elle établira une relation de confiance, n'est pas simple. La personne retenue devra aussi s'intégrer à l'entourage de la jeune joueuse.

Dans les circonstances, souhaitons que Bouchard connaisse un solide début de saison. Cela lui permettra d'arrêter son choix, lorsqu'elle sera prête, dans le calme plutôt que la tempête. La patience vaut mieux qu'une décision précipitée.

***

Sur le plan affaires, Eugenie Bouchard compte sur une nouvelle maison de représentation, WME-IMG. Jill Smoller, qui veille aux intérêts de Serena Williams, est sa conseillère.

Au printemps 2013, l'hebdomadaire Sports Business Journal (SBJ) a tracé un portrait de Smoller, une ancienne joueuse de double qui a raccroché sa raquette en 1996. Elle a entamé sa nouvelle carrière au bas de l'échelle, empochant 200 $ par semaine au service du courrier d'une firme de gestion d'artistes.

En 2002, Jill Smoller a atterri chez William Morris Endeavor (WME), où elle s'est occupée de plusieurs gros noms, comme Pete Sampras, Dennis Rodman (basketball) et Florence Griffith Joyner (athlétisme). En mai dernier, dans une transaction de 2,4 milliards, WME est officiellement devenue propriétaire d'IMG, ce géant de l'industrie qui représente des athlètes et organise des événements.

«La caractéristique d'un grand agent est d'aider les gens à naviguer à travers les périodes sombres», a expliqué Jill Smoller à SBJ, ajoutant qu'il fallait alors être «la même personne qu'au moment où ils gagnaient tout le temps».

À l'annonce de cette association, Eugenie Bouchard a affirmé que WME-IMG l'aiderait à maximiser le potentiel de sa «marque».

Cela ne fait aucun doute! Si son succès sur le terrain se poursuit, la jeune femme deviendra bientôt une des dix sportives les mieux payées du monde. Selon le plus récent classement du magazine Forbes, il fallait toucher 5,5 millions entre les mois de juin 2013 et 2014 pour faire partie du groupe. Sept de ces dix athlètes sont des joueuses de tennis.

Les commandites demeurent la principale source de revenus des joueuses les mieux payées du monde. Mais les bourses de plus en plus alléchantes ont aussi un énorme impact. Ainsi, la gagnante des Internationaux d'Australie touchera 3,1 millions CAN.

***

La ronde initiale du premier tournoi du Grand Chelem représente souvent un piège. Ce fut le cas lundi à Melbourne. À preuve, les cinquième et neuvième favorites, Ana Ivanovic et Angelique Kerber, ont été éliminées. Tout comme la prometteuse Belinda Bencic.

Eugenie Bouchard a évité ce faux pas. Sans disputer un match électrisant, elle a saisi les occasions pour vaincre Anna-Lesa Friedsam, une Allemande de son âge. Mais elle a reconnu qu'il y avait place à amélioration en vue de la deuxième ronde.

Le tableau s'ouvrant devant elle, les chances d'Eugenie Bouchard d'atteindre les quarts de finale semblent excellentes. Et si elle réussit un aussi bon parcours que l'an dernier - participation à la demi-finale -, sa renommée ira en s'accentuant. Tout comme celle de Diego Ayala.