René Fasel amorce l'année 2015 avec une menace: retirer à Montréal la présentation du Championnat mondial junior de 2017, en raison des petites foules au Centre Bell lors du tournoi ayant pris fin hier.

Le président de la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG) est un homme influent. J'aime bien lorsqu'il bouscule Gary Bettman à propos de la participation des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques. Il est un des rares décideurs à défier le tout-puissant commissaire.

Hélas, Fasel possède aussi cette arrogance propre aux princes du Comité international olympique (CIO), un conclave dont il fait partie. Je l'entends encore, il y a un an, défendre le budget pharaonique des Jeux de Sotchi et blâmer les gens dénonçant pareils excès.

Ce trait de caractère est remonté à la surface, dimanche, lorsque Fasel a remis en question l'opportunité «de rester à Montréal» en vue du championnat de 2017 qui, comme celui de cette année, sera partagé avec Toronto. Seule différence: Équipe Canada jouera ses matchs préliminaires au Air Canada Centre et la ronde des médailles aura lieu au Centre Bell.

Permettez-moi, M. Fasel, cette suggestion: avant de sermonner les amateurs québécois, sonnez donc les cloches des dirigeants de Hockey Canada.

Ce sont eux, les bonzes de notre auguste fédération nationale, qui sont responsables de la situation. Ce sont eux qui ont voulu essorer les partisans en demandant des prix absurdes pour assister au tournoi.

Hockey Canada a ainsi oublié les familles et les jeunes. On visait la clientèle d'affaires. On voulait empocher du fric, beaucoup de fric, encore plus de fric.

Si des parents n'avaient pas 400 $ à flamber - avant même d'acheter un hot-dog - pour amener leurs deux enfants voir un match - au balcon - entre le Canada et la Finlande, eh bien qu'ils le regardent à la télé! Hockey Canada ne pleurerait pas sur leur sort.

Cette approche a rebondi au visage des organisateurs. Le milieu d'affaires n'a pas fait main basse sur les billets et des milliers d'amateurs sont demeurés à la maison.

René Fasel a reconnu que «beaucoup d'argent» était exigé pour assister aux matchs, mais a néanmoins qualifié les foules au Centre Bell de «décevantes». Moi, je félicite plutôt les gens d'avoir refusé la proposition déraisonnable de Hockey Canada.

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L'affaire a mal commencé dès l'hiver dernier. À la recherche du gros lot, Hockey Canada a annoncé que seuls des forfaits incluant les 13 matchs à Montréal étaient offerts. Leur coût, incluant une rencontre préparatoire, était prohibitif.

Un exemple: pour deux billets dans les rouges au bout de la patinoire, une somme de 2112 $ était exigée, une moyenne de 162 $ par match. Un peu cher pour voir la Slovaquie contre l'Allemagne...

En n'offrant aucun billet pour des matchs individuels, Hockey Canada faisait déjà son nid. Au-delà de la clientèle d'affaires, combien de gens investiraient une si grosse somme pour voir autant de matchs dans un si court laps de temps?

Bien des amateurs auraient aimé assister à une rencontre au Centre Bell durant le temps des Fêtes. Mais 13? Et compte tenu de la période de l'année, pas facile de trouver des amis pour partager le forfait.

Tout cela n'a pas inquiété Hockey Canada. En octobre dernier, Tom Renney avait toujours bon espoir que le succès serait au rendez-vous.

«Nous offrons de la valeur pour le dollar», a dit le président de Hockey Canada, de passage à Montréal. «Combien de fois, dans ta ville ou ta province, peux-tu voir en personne les meilleurs contre les meilleurs?»

Oui, on a vu les meilleurs jeunes Allemands. Mais Tom, on parle de hockey ici, pas de soccer...

Quelques semaines avant le tournoi, les organisateurs ont mis en vente des billets individuels.

Si, d'aventure, vous avez alors exploré l'idée d'assister au duel Canada-États-Unis du 31 décembre, vous avez découvert que la fourchette de prix (78 $ à 343 $) était plus élevée que pour les spectacles de U2 en juin prochain (40 $ à 300 $). La feuille de route de Bono et The Edge n'est pourtant pas mauvaise...

Sur ces entrefaites, j'ai reçu ce courriel de mon ami Marissal: «Je sais bien que le hockey est devenu une grosse business, mais je trouve ironique, au moment où on salue la mémoire de Jean Béliveau, idole d'un peuple accro au hockey, de constater qu'on ne peut même plus aller voir des juniors à Montréal sans se saigner.»

Bien dit, Vincent.

Les amateurs n'ont pas été les seules victimes de la voracité de Hockey Canada. Les joueurs ont sûrement été déçus d'évoluer devant des gradins dégarnis. Le match Allemagne-Finlande a attiré moins de 4000 spectateurs; et il n'y avait pas 9000 personnes pour celui entre les États-Unis et la Finlande. La faute des amateurs montréalais? Non, celle de Hockey Canada.

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Malgré l'avertissement de René Fasel, Hockey Canada a assuré hier que le volet montréalais du tournoi de 2017 aurait bel et bien lieu. On verra si un bras de fer opposera les deux organisations. Le président de la FIHG n'a peut-être pas dit son dernier mot.

Tom Renney, qui n'était pas encore en poste lorsque la grille tarifaire du tournoi a été arrêtée, profite maintenant d'une occasion formidable: rebrancher Hockey Canada à ses racines, en n'oubliant pas que des familles souhaitent assister à des matchs sans plomber la carte de crédit.