À première vue, pour un entraîneur de tennis, c'est l'emploi rêvé: conseiller une jeune joueuse en pleine ascension, déjà membre de l'élite internationale, et voulant devenir la meilleure au monde.

Plusieurs coachs rêvent sûrement de succéder à Nick Saviano, dont l'association avec Eugenie Bouchard est terminée. L'entraîneur l'a annoncé sur son site web, lundi, mais la Québécoise, pourtant très active sur Twitter, n'a toujours pas commenté.

À la même époque l'an dernier, Bouchard avait aussi remplacé son entraîneuse, rompant son association avec Nathalie Tauziat. Mais cette fois, le changement est plus lourd de conséquences.

À un titre ou à un autre, Saviano a contribué à son développement au cours des huit dernières années. Il connaît ses forces et ses faiblesses mieux que quiconque. «Aider Genie à passer d'ambitieuse joueuse de 12 ans à cinquième meilleure au monde a été un parcours excitant», a-t-il dit.

À Roland-Garros au printemps dernier, Bouchard s'était fâchée contre Saviano durant un entraînement, expédiant d'un geste rageur une balle hors du court. Il serait étonnant que cet incident ait laissé des traces profondes, même si Bouchard avait alors reproché à Saviano de ne pas respecter son opinion.

Les courtes tempêtes font partie de la relation entre les entraîneurs et les joueurs. Et les athlètes, des êtres entiers, ont avantage à exprimer leur frustration plutôt qu'à emmagasiner la colère. Bouchard a continué d'obtenir du succès, atteignant la finale de Wimbledon.

Alors pourquoi cette rupture? Saviano dirige une académie de tennis florissante en Floride et a peu de temps pour voyager. Bouchard, comme les autres championnes du circuit, veut sûrement un encadrement à plein temps. Saviano l'a accompagnée dans les tournois du Grand Chelem, où elle a obtenu beaucoup de succès, mais il était moins présent dans les autres compétitions, où elle a souvent éprouvé des ennuis.

S'agit-il d'une coïncidence? De la réponse à cette question dépend en bonne partie la saison 2015 de Bouchard. Si oui, elle ne devrait pas trop souffrir de l'absence de Saviano. Dans le cas contraire, les choses s'annoncent plus difficiles.

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Avec Saviano dans son coin, Bouchard a été choisie joueuse de la WTA qui s'est le plus améliorée en 2014. Peu importe qui succédera au vétéran entraîneur américain, son défi sera rude.

Le premier test surviendra dès le premier tournoi majeur de la saison, les Internationaux d'Australie. Contre toute attente, Bouchard a atteint la demi-finale en janvier dernier. Elle a ainsi gravi de nombreux échelons au classement. Elle fera face à beaucoup de pression pour faire aussi bien, surtout en raison de sa fin de saison difficile.

Au tennis, la relation entre un joueur et son entraîneur n'est pas la même que dans un sport d'équipe. D'abord, c'est l'athlète qui est le patron. Entraîner son employeur est par définition une tâche délicate.

Ensuite, ils passent énormément de temps ensemble. «Il faut de la compatibilité, les choses doivent cliquer entre les deux», rappelle Sylvain Bruneau, qui dirige l'équipe canadienne en Coupe Fed. «Mais je ne m'inquiète pas pour Eugenie, car elle sait s'adapter.»

Il n'empêche que si Bouchard connaît un lent départ en 2015, son nouvel entraîneur se retrouvera vite sur la sellette. C'est la dure loi du tennis.

L'arrivée d'un nouvel entraîneur ne sera pas le seul changement majeur dans l'entourage de Bouchard en vue du prochain calendrier. Elle sera aussi représentée par une nouvelle agence. Elle n'a pas renouvelé son contrat avec la firme Lagardère.

Selon le Sports Business Journal, le géant IMG a une longueur d'avance pour gérer la carrière de Bouchard. L'hebdomadaire, spécialisé dans les questions d'affaires touchant le sport, a dévoilé durant l'Omnium américain deux éléments de sa proposition: des commissions inférieures à 10% et l'embauche de sa mère, qui accompagne déjà sa fille aux quatre coins du monde.

Le magazine ajoute que si le dossier se concrétise, Jill Smoller, l'agente de Serena Williams, s'occuperait aussi de Bouchard.

Peu importe si IMG l'emporte, le dossier devrait être finalisé sous peu. L'agence qui conseillera Bouchard devra notamment renégocier son contrat avec Nike, qui s'annonce très lucratif. Un de ses rôles sera aussi d'éviter les faux pas. Ainsi, Bouchard a été sévèrement critiquée à Hong Kong, en septembre dernier, en ne participant pas à un tournoi dont elle était la tête d'affiche.

Après un Omnium américain où elle a semblé épuisée, une impression confirmée par ses performances subséquentes, Bouchard avait pourtant besoin d'un repos. Sa décision de faire l'impasse sur le tournoi de Hong Kong était justifiée. Mais les retombées ne lui ont pas été favorables.

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Les attentes envers Eugenie Bouchard seront considérables en 2015. Elle a habitué ses fans à des performances extraordinaires dans les tournois du Grand Chelem. Pourra-t-elle de nouveau participer à deux demi-finales (Australie et Roland-Garros) et une finale (Wimbledon)?

Bouchard en sera à sa deuxième saison complète comme tête d'affiche du circuit. C'est souvent la plus exigeante. Elle ne peut plus surprendre ses adversaires, qui connaissent maintenant bien son style. Et les joueuses moins bien classées rêveront de la battre pour étoffer leur palmarès.

Bouchard devra aussi se concentrer à fond sur le tennis, une tâche exigeante compte tenu des multiples occasions d'affaires s'offrant à elle. D'autres championnes, comme Ana Ivanovic, ont commis l'erreur de se laisser emporter par ce tourbillon, et leurs performances en ont souffert.

Avec un nouvel entraîneur, qui voudra sans doute retoucher des éléments de son jeu, et une nouvelle agence de représentation, qui aura sa propre vision des partenariats commerciaux, la saison 2015 d'Eugenie Bouchard ne s'annonce pas banale.