Ça sent encore le neuf quand on s'engage dans le court couloir menant au vestiaire du Canadien. Cette odeur particulière - vous savez, celle qui subsiste quelque temps après des rénovations -, est le premier signe des transformations apportées au quartier des joueurs durant l'été.

Sur le mur de droite, juste avant d'entrer dans la pièce, on aperçoit une immense photo de l'équipe célébrant une victoire. Celui de gauche est entièrement recouvert du logo du Canadien, légèrement orienté vers le haut, comme s'il prenait son envol. Tous les espoirs de la direction sont regroupés dans ce symbole. Manifestement, le projet a été pensé jusque dans les détails.

Le vestiaire lui-même a été refait. Les joueurs ne sont plus regroupés dans un espace rectangulaire rappelant celui de l'ancien Forum, mais dans une vaste salle ovale. Les éléments les plus significatifs du patrimoine du Canadien ont été préservés. L'extrait du poème de John McCrae In Flanders Field apparaît toujours: «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous de le porter bien haut.»

- Tu connaissais toute cette histoire mythique autour de l'héritage du Canadien?

C'était jeudi soir, après la belle victoire contre les Bruins. Jiri Sekac, le nouvel attaquant du Canadien, était toujours sur un nuage après avoir inscrit son premier but dans la LNH.

«Il y a deux semaines, j'ai demandé aux gars de m'expliquer. Je ne comprenais pas la signification de tout ça. Et aujourd'hui, j'étais plus nerveux pour la cérémonie d'avant-match que pour la rencontre elle-même! Tenir le flambeau, réaliser qu'il est passé par les mains de tant de joueurs... Je suis heureux d'avoir pu le faire à mon tour.»

Sekac n'oubliera jamais cette journée. Ses parents, sa soeur et sa blonde, arrivés de la République tchèque la veille, étaient dans les gradins. Et son but a été salué par une ovation renversante. Le jeune homme en a été secoué. «Sans doute la plus belle sensation de ma vie...»

Le hockey à Montréal réserve parfois de bien belles surprises à un jeune joueur.

Le Canadien n'a pas raté sa rentrée devant ses partisans. Le coup d'envoi a été donné avec la transmission symbolique du flambeau de Ken Dryden à Carey Price.

Dryden a peut-être été le président des Maple Leafs de Toronto, mais c'est avec le Canadien qu'il a bâti sa légende. L'organisation a eu raison de souligner ainsi sa place dans l'histoire de l'équipe.

Au cours des dernières années, Dryden a signé des textes percutants pour dénoncer la violence dans le hockey et réclamer l'interdiction des bagarres. Se tenir ainsi debout face à l'establishment du hockey a montré la force de ses convictions.

Les sorties de Dryden ont déplu à Gary Bettman. Et si l'ancien numéro 29 n'a pas encore gagné son combat, il a éveillé les consciences. Aujourd'hui, les bagarreurs sont moins nombreux dans la LNH. Et personne ne peut ignorer les dangers des commotions cérébrales.

Après ce moment fort, la foule a chaleureusement accueilli les vedettes de l'équipe: Price, bien sûr, mais aussi Subban, Markov, Plekanec... Michel Therrien a aussi été parmi les plus applaudis. Il fallait voir sa fierté lorsqu'il a brandi le flambeau à son tour.

Durant ce bref, mais beau moment, Therrien s'est peut-être rappelé son improbable parcours: congédiement du Canadien en 2003, retour dans la Ligue américaine dans une ville appelée Wilkes-Barre, entraîneur des Penguins de Pittsburgh, congédiement peu avant que l'équipe ne remporte la Coupe Stanley, analyste à la télé... Et puis, un jour du printemps 2012, cet appel de Marc Bergevin qui allait transformer sa vie.

- Michel, comment t'es-tu senti, lorsque la foule t'a accueilli de cette façon?

Therrien est taillé dans un seul bloc. Il semble souvent imperturbable. Mais en répondant à ma question, l'armure s'est lézardée. «Ça me touche. J'apprécie beaucoup la réaction de la foule. J'ai de la misère à m'exprimer là-dessus, mais je suis très touché...»

Puis, Therrien a ajouté: «Nous sommes tous conscients, moi, mes adjoints et les joueurs, de notre rôle afin de continuer la tradition du Canadien de Montréal».

Le hockey à Montréal réserve parfois de bien belles surprises à un vétéran entraîneur.

La victoire concrétisée, Brendan Gallagher a été choisi comme joueur du match. Son entrevue avec Marc Denis, réalisée sur la patinoire, a été présentée aux spectateurs sur écran géant. Les fans encore présents ont applaudi les réponses du petit et coriace attaquant.

Cette pratique, en place depuis plusieurs années à la Coupe Rogers de tennis, est une première bienvenue pour le Canadien. Un joueur de l'équipe, habituellement la première étoile, sera ainsi interviewé devant public après chaque victoire.

L'organisation a aussi lancé une application mobile permettant aux fans dans les gradins de profiter de contenus additionnels, comme des reprises. Cette nouveauté rapproche le Canadien de son objectif: devenir une organisation de pointe de tout le sport professionnel dans l'utilisation des nouvelles technologies.

Tous ces projets, des rénovations du quartier des joueurs (le vestiaire, mais aussi le gymnase, les salles de réunion et les aires de repos) aux initiatives technologiques, montrent le désir du Canadien d'évoluer avec son époque.

Le Centre Bell subira d'autres transformations au cours des prochaines années, tout en continuant de présenter des événements. Au bout du compte, cette cure de rajeunissement nécessitera des investissements de millions de dollars.

Les spectateurs en profiteront, certes, mais aussi l'organisation. Dans une ligue où plusieurs équipes, dont le Canadien, dépensent près du maximum autorisé en salaires, la qualité des installations peut faire une différence pour convaincre un joueur autonome de s'établir à Montréal. Et ceux qui portent déjà le maillot tricolore savent qu'ils profitent maintenant d'équipements de haute qualité.

Le hockey à Montréal réserve parfois de bien belles surprises à des joueurs professionnels.