Un éclair d'impatience au fond des yeux, Gary Bettman lance: «Ne te concentre pas sur les Panthers, ils ne s'en vont nulle part!»

C'était le mois dernier, lors du passage du commissaire à Montréal. Je venais de lui demander sa réaction aux propos de Douglas Cifu, copropriétaire des Panthers de la Floride qui, plus tôt durant l'été, avait qualifié «d'insoutenable» le modèle d'affaires de l'organisation.

Bettman n'a sûrement pas apprécié que Cifu se montre aussi transparent. Cette déclaration entre en collision avec sa ligne de presse de la rentrée voulant que les 30 concessions de la LNH n'aient jamais été «en meilleure santé».

Avec son habileté coutumière, Bettman m'a expliqué que les Panthers comptaient sur des propriétaires financièrement solides. Et que son circuit avait historiquement montré sa volonté d'éviter les transferts de concession. Bref, l'équipe ne prendrait pas la route de Las Vegas, Seattle ou Québec.

Peut-être. Il n'empêche que le manque de résonance de l'équipe dans son marché n'a jamais paru si évident.

Samedi, à peine 11 500 personnes ont assisté à l'ouverture locale. Le chroniqueur Greg Cote, du Miami Herald, a écrit que les milliers de sièges vides pour ce match inaugural étaient une des images «les plus déprimantes» de ses 40 ans de couverture sportive dans le sud de la Floride.

Quarante-huit heures plus tard, à peine 7311 amateurs étaient présents lors de la visite des Sénateurs d'Ottawa. Les Panthers ont déjà établi deux marques d'équipe cette saison: la plus petite foule pour un premier match samedi et la plus petite foule de leur histoire lundi. Vive les organisations en santé!

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Les propriétaires des Panthers savaient que le public ne serait guère nombreux. Tout simplement parce qu'ils ont mis fin à la vente au rabais de milliers de billets.

Cette pratique, ont-ils expliqué, était inéquitable pour leurs loyaux partisans, qui versaient une somme plus élevée. Les prix courants sont pourtant très bas. Un siège bien placé au balcon ne coûte que 23,50$, frais compris, et des forfaits de six matchs sont offerts pour 114$.

Malgré cette grille tarifaire, les Panthers attirent peu de spectateurs. Douglas Cifu a raison: le modèle d'affaires ne fonctionne pas. D'autant plus que leur masse salariale (62,7 millions) s'approche de celle d'une équipe riche comme le Canadien (65,5 millions).

Sans le partage des revenus, qui permet aux équipes en difficulté de profiter des succès financiers des mieux nanties, les Panthers auraient déjà quitté la Floride. Le nouveau contrat de télé de la LNH avec Rogers contribue aussi à les maintenir à flot.

Conscients du manque de popularité du hockey dans leur marché, les Panthers demandent - évidemment! - une aide publique. Ils souhaitent renégocier le bail de leur amphithéâtre, afin d'économiser 78,4 millions au cours des 14 prochaines années.

Les médias de la Floride témoignent des réticences de nombreux élus et citoyens devant cette demande. Pour renverser la vapeur, les Panthers auront besoin de bons résultats sur la glace, seule manière de hausser la fierté du public envers l'équipe. Des gradins mieux remplis aideraient aussi la cause. Dans les deux cas, l'affaire est mal partie.

Dans ce contexte chaud, la diminution des rabais sur les billets risque d'entraîner un effet indésirable. Les Panthers font actuellement la preuve qu'avec des prix plus réalistes, le hockey ne se vend pas dans la région. Pas la meilleure façon de convaincre les autorités publiques de donner un coup de main.

Sur le plan de l'image, ces petites foules sont catastrophiques. Les articles sur les ennuis des Panthers se multiplient, donnant ainsi l'impression que l'équipe agonise.

Pour l'instant, les élus locaux veulent savoir si la renégociation du bail est économiquement justifiable, et si l'amphithéâtre serait rentable sans les Panthers. Une étude a été commandée. Les résultats seront connus au printemps.

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Gary Bettman a raison sur un point: les propriétaires des Panthers sont riches. Vincent Viola, l'actionnaire majoritaire, est parmi les 400 Américains les plus fortunés, selon le magazine Forbes. Mais en Floride, la question est souvent posée: pourquoi aider un milliardaire?

Viola détient une firme du secteur financier, Virtu Financial, qui envisageait une émission publique d'actions plus tôt cette année. Mais des complications sont survenues et le projet a été remis.

Pour les Panthers, une mesure incitative pour demeurer en Floride réside dans la mise en valeur de terrains aux abords de l'amphithéâtre. Un projet de casino a été évoqué.

Cela dit, si les autorités publiques et les Panthers ne s'entendent pas, on voit mal comment l'équipe s'en sortira. Oui, je sais, un amphithéâtre est en construction à Québec. Mais à Las Vegas aussi. Et, à l'heure actuelle, il y a deux équipes de moins dans l'Association de l'Ouest.

Soyons néanmoins prudents avant d'imaginer des camions de déménagement aux portes de l'amphithéâtre des Panthers. Bettman s'est battu pour garder les Coyotes en Arizona. Et cela tout en étant à la recherche d'un propriétaire pour l'équipe.

De ce côté, les Panthers sont plus solides que ne l'étaient les Coyotes. Et Bettman sait appliquer la pression sur les politiciens locaux lorsque la survie d'une équipe est en jeu. Sa réussite en Arizona, où il a arraché des concessions spectaculaires à la Ville de Glendale, le démontre bien.

Les Panthers vont mal, c'est vrai. Un signe ne trompe pas: leurs malheurs semblent susciter plus d'intérêt au Québec que dans leur propre communauté! Mais attention: ils ne sont pas condamnés. Le vrai match se jouera au printemps. Selon le quotidien Sun-Sentinel, c'est à ce moment que les élus du comté de Broward, où est situé l'amphithéâtre des Panthers, décideront d'aider ou non l'équipe.

Sources: Miami Herald, Sun-Sentinel, Bloomberg