En avril 2011, Gary Bettman a réussi un coup fumant. Après des années de vaches maigres, la LNH obtenait enfin un contrat de télévision décent aux États-Unis: 200 millions par saison pendant 10 ans.

Ce n'était pas le Klondike par rapport aux sommes touchées par les autres sports professionnels nord-américains, mais le commissaire pouvait déboucher le champagne. Car son circuit revenait de très loin: l'entente précédente avec un modeste réseau câblé (Versus) lui valait 77,5 millions par saison et celle avec NBC à peu près rien.

Bettman, hélas pour la LNH, n'avait pas prévu la suite des choses. On ne peut l'en blâmer. Le bond gigantesque des droits versés aux ligues depuis ce temps a causé une immense surprise.

Ainsi, les nouveaux accords de la NFL lui vaudront 7 milliards par saison dès l'an prochain. Et le baseball a doublé ses revenus, qui ont atteint 1,5 milliard cette année.

La plus grande surprise est néanmoins survenue cette semaine. L'Association nationale de basketball (NBA) recevra 24 milliards de 2016 à 2025, une moyenne de 2,6 milliards par saison! Pour mettre ce chiffre en perspective, sachez que le circuit touche actuellement 930 millions.

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Plusieurs raisons expliquent ces hausses stupéfiantes.

La plus importante: les matchs sont regardés en direct. C'est un attrait majeur pour les annonceurs, puisque les enregistreurs numériques permettent aux téléspectateurs d'éviter la pub durant leurs émissions préférées. Ce phénomène touche peu la diffusion des rencontres. Autre facteur: la concurrence très vive entre les réseaux.

La LNH a profité de cette double évolution pour arracher 5,2 milliards en 12 ans à Rogers en retour des droits nationaux au Canada. Comme le Canadien l'a fait en obtenant plus d'un million par match de RDS pour ses rencontres «régionales» jusqu'en 2026.

Avec le recul, il est évident que la LNH a cédé ses droits nationaux américains à rabais en 2011. Cette décision prive le circuit de millions de dollars supplémentaires. Mais Bettman dit ne rien regretter.

«Il faut se rappeler le marché à l'époque», a-t-il déclaré, mercredi, à l'occasion du match d'ouverture des Kings de Los Angeles. «Tout le monde disait que c'était une entente formidable. Nous avons plus que doublé nos revenus à ce chapitre. Et cet accord a été transformateur.»

S'il exagère un peu, Bettman n'a pas complètement tort. Le partenariat avec NBC a haussé la visibilité de la LNH, notamment en séries éliminatoires. Cela explique en partie l'augmentation de la popularité du hockey au sud de la frontière.

Le problème pour la LNH, c'est que son entente avec NBC est encore valide pour sept saisons. Les longs contrats sont source de stabilité, mais font aussi rater de belles occasions. Aux États-Unis, la LNH devra s'armer de patience avant de profiter de la manne qui tombe sur les autres ligues.

Dans ce contexte, j'ai demandé à Bettman, le mois dernier, si la signature d'un si long contrat avec Rogers ne constituait pas un risque.

«Si le risque est de constater en cours de route que nous sommes sous-payés, alors ce sera un très beau problème pour nous. Ça signifiera que nos droits médias sont extraordinairement précieux», m'a-t-il répondu, conscient que la LNH en récolterait les fruits à la prochaine ronde de négociations.

Dans l'esprit de Bettman, les accords à long terme ont un atout majeur: ils créent des alliances fortes entre le circuit et les diffuseurs. Le contrat de la LNH avec Rogers et TVA Sports lui sert d'exemple.

«Ils investissent des sommes considérables pour bâtir des studios, engager du personnel, produire des émissions d'appoint et animer différentes plateformes technologiques. Tout cela pour améliorer l'expérience des fans. Ils diffuseront nos matchs et feront notre promotion aussi bien, sinon mieux, que cela n'a jamais été fait. Voilà ce qu'on obtient avec un accord de longue durée.»

John Collins, chef des opérations de la LNH, a ajouté: «Depuis quatre ans, les longues ententes sont fréquentes dans le sport professionnel. Compte tenu du prix versé, les réseaux ont besoin de cet engagement.

«Rogers, par exemple, met le hockey de la LNH au centre de la compagnie: mobilité, câble... Tu n'agis pas ainsi avec un contrat de quatre ans, qui ressemble plus à une location des droits de diffusion qu'à un véritable partenariat».

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Aux États-Unis, la LNH ne touchera jamais les montants du basketball ou du baseball en échange de ses droits télé. Et si son entente avec NBC demeure inférieure aux nouvelles normes du marché, elle la sert bien au plan marketing. Le commissaire aborde donc la nouvelle saison avec enthousiasme. Ses propos de mercredi, avant le match des Kings, le démontrent.

Il est vrai que le succès du hockey en Californie conforte en partie sa stratégie d'expansion dans le sud des États-Unis. La solidité des Kings, des Sharks et des Ducks jette un baume sur les ennuis des Panthers, des Coyotes et des Hurricanes.

En fait, en Californie, la confiance de la LNH est si élevée que Luc Robitaille n'a pas eu peur des mots, mercredi, en s'adressant aux partisans des Kings lors du dévoilement de la bannière saluant la dernière conquête de la Coupe Stanley. «Nous avons montré que Los Angeles est la meilleure ville de hockey au monde!» a lancé le vice-président des Kings.

Mettons l'hyperbole sur le compte de l'excitation. Après tout, les Kings ont mérité le droit de célébrer. En plus de Robitaille, Rogatien Vachon et Marcel Dionne ont participé à la fête, soudainement colorée d'un sympathique p'tit côté québécois.

La saison de la LNH est lancée. Les contrats de télé réglés à long terme, Gary Bettman et John Collins veulent maintenant, avec leurs partenaires médias, développer au maximum la marque LNH. On surveillera avec attention leur travail.