Il n'y aura pas de capitaine chez le Canadien cette saison. Mais en décodant l'annonce d'hier, on réalise à quel point Marc Bergevin et Michel Therrien comptent sur Carey Price pour rassembler ses coéquipiers autour d'une cause commune.

Price aurait sûrement succédé à Brian Gionta si des gardiens portaient le «C» dans la LNH. Hier encore, il a suffi d'entendre Bergevin souligner les mérites du numéro 31 pour comprendre le respect et la confiance qu'il lui voue.

À juste titre, le DG a évoqué les paroles inspirantes de Price à ses coéquipiers durant le septième match à Boston, au printemps dernier. Et rappelé à quel point son absence a gonflé le moral des Rangers en demi-finale de la Coupe Stanley. «Carey ne parle pas beaucoup, a ajouté Bergevin. Mais lorsqu'il le fait, il est écouté.»

Bergevin a rencontré Price, samedi, pour l'informer de sa décision de ne pas nommer de capitaine. Et d'inclure son nom dans le groupe des leaders, complété par les quatre adjoints.

Price n'est âgé que de 27 ans. Mais il en est déjà à sa huitième saison avec le Canadien. Ses états de service et son statut de gardien élite en font le candidat idéal pour unir les vétérans et les jeunes de l'équipe.

Lorsque Michel Therrien réunira sa bande des cinq afin de discuter d'un enjeu important cette saison, Price sera assurément son interlocuteur- clé.

Aussi longtemps que le numéro 31 l'appuiera, Therrien pourra dormir sur ses deux oreilles: l'équipe demeurera unie malgré les frustrations qui jaillissent inévitablement au fil d'une longue saison.

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Compte tenu de leurs attentes, P.K. Subban et Max Pacioretty sortent perdants de l'annonce d'hier. Pour eux, il s'agit d'un brutal rappel à l'ordre: la direction estime qu'ils ont encore des croûtes à manger sur le plan du leadership.

Au cours des derniers jours, les deux ont semblé en campagne électorale pour le titre de capitaine. Dans diverses entrevues, ils n'ont pas caché leur intérêt pour le poste. Malgré leur enthousiasme, ils auraient dû montrer plus de retenue. Je doute que ces initiatives aient enchanté leurs patrons.

En tranchant la question du capitaine dès maintenant, Bergevin et Therrien ont montré du flair. Cet enjeu aurait en effet éclipsé tous les autres au cours des prochains jours, une distraction inutile au moment d'amorcer le camp d'entraînement.

Il n'en reste pas moins que le DG et l'entraîneur jouent une carte délicate en créant ainsi deux classes d'adjoints. Parce qu'au-delà des beaux discours, c'est bien de cela qu'il s'agit.

D'une part, les deux vétérans (Andrei Markov et Tomas Plekanec) sont des adjoints à part entière, reconnus comme tels. Ils porteront le «A» sur leur chandail à tous les matchs.

Ce n'est pas le cas de Subban et Pacioretty, traités comme des adjoints à temps partiel. Ils se partageront la responsabilité au fil de la saison.

Au hockey, le symbole lié au port d'une lettre sur un chandail est puissant. «C'est un honneur», a dit Marc Bergevin. Or, dans un match sur deux, cet honneur sera retiré à Subban et à Pacioretty. Il ne s'agit pas d'une grande marque de confiance. Sur la glace, la décision risque aussi de soulever quelques railleries des opposants du Canadien.

Le choix de Bergevin est d'autant plus étonnant qu'il se situe en porte-à-faux de ses déclarations des dernières semaines. S'il estime vraiment que le rendement de l'équipe est désormais lié aux performances et au leadership des jeunes, pourquoi ne pas leur faire pleinement confiance?

Markov et Plekanec sont d'excellents joueurs. Mais Pacioretty et Subban sont plus susceptibles qu'eux de donner à l'équipe une forte impulsion. Refuser de greffer de manière permanente un «A» à leur chandail est regrettable.

Si l'organisation voulait absolument nommer quatre adjoints, le mieux aurait été de créer une alternance équitable entre tous les joueurs retenus, et non pas de privilégier deux d'entre eux.

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Une équipe peut connaître du succès sans aligner de capitaine. À preuve, le Canadien de 2009-2010, qui a atteint la demi-finale de la Coupe Stanley grâce aux miracles de Jaroslav Halak.

Mais en refusant de choisir un capitaine parmi les 19 patineurs de l'équipe, Marc Bergevin et Michel Therrien rendent un constat troublant sur leur formation. Les grandes équipes alignent un grand capitaine qui, grâce à sa personnalité et à son rendement, personnifie l'identité du club.

Le vestiaire du Canadien, nous dit la direction, ne compte aucun candidat de ce type. À moins que la direction ne veuille donner à Brendan Gallagher le temps de mûrir. S'il continue de s'imposer, ce qui n'est pas garanti compte tenu de sa taille et de son style si intrépide, il deviendra prétendant au titre dans une saison ou deux.

Mais pour l'instant, tout indique que les responsabilités de Carey Price augmentent encore d'un cran.

Non, ce n'est pas lui qui s'adressera aux arbitres sur la patinoire. Mais en l'absence d'un véritable capitaine, Price semble le seul à posséder l'autorité morale pour, par exemple, convoquer une réunion réservée aux joueurs lorsque les choses vont mal. Ou conforter un coéquipier traversant des moments difficiles. Reste à savoir s'il aura le goût, et les réflexes, d'agir ainsi.

Plekanec et Markov pourront aussi tenter le coup, mais ils sont de nature discrète. Quant aux deux adjoints à temps partiel, comme l'impression que leurs patrons souhaitent que, pour l'instant, ils écoutent plus qu'ils ne parlent.