Joseph Blatter, président de la FIFA, offre parfois des perles de sagesse. Comme celle-ci, aperçue à l'écran du Stade olympique, dimanche, lors de la finale de la Coupe du monde féminine des moins de 20 ans: «Le football est un sport pour tous.»

De cela, personne ne doute. Le soccer est sûrement le sport d'équipe le plus accessible au monde. En revanche, les beaux terrains de gazon naturel, ceux où l'élite mondiale peut exprimer toute l'étendue de son talent en minimisant les risques de blessures, ceux-là sont pour les hommes, pas pour les femmes.

Vous avez peut-être entendu parler de cette controverse, qui a éclaté au début du mois. Un groupe de joueuses internationales a dénoncé le fait que la Coupe du monde féminine senior, présentée dans six villes canadiennes l'an prochain, soit disputée sur des surfaces artificielles.

Dans une lettre adressée aux plus hautes autorités du football international et de l'Association canadienne de soccer, les avocats retenus par ces joueuses affirment que l'utilisation de «surfaces de deuxième classe» est déplorable. Le terrain du stade de Vancouver, site de la finale, est dur «comme du béton», écrivent-ils, à titre d'exemple.

À leur avis, les organisateurs, leurs partenaires de diffusion et les entreprises commanditaires devraient reconnaître le caractère «inacceptable» de ce choix. Ils l'estiment discriminatoire et contraire aux valeurs d'égalité entre les sexes reconnues par la FIFA et le Canada.

Jusqu'à maintenant, cette lettre est demeurée sans véritable réponse. Le président de l'Association canadienne de soccer, Victor Montagliani, a montré à quel point la question ne le préoccupait pas: «Je pense que c'est l'entraîneuse allemande qui a dit que la meilleure surface est celle sur laquelle tu gagnes.»

Traduction libre: les filles, arrêtez de vous plaindre!

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Les joueuses ont pourtant raison de protester. Pourquoi? Parce que jamais, au grand jamais, on ne demanderait aux hommes de disputer leur Coupe du monde sur une surface artificielle.

Si le Canada propose sa candidature à l'organisation du tournoi masculin de 2026 - un souhait du maire de Montréal, Denis Coderre -, il est certain que l'installation de gazon naturel sera prévue dans tous les stades. Sinon, le dossier se retrouvera à la poubelle plus vite qu'il n'en faut pour tirer un coup franc.

En 1994, lorsque la Coupe du monde masculine a été disputée aux États-Unis, une pelouse naturelle a été installée dans les stades dotés d'une surface synthétique. Ce fut la même chose cet été, au Michigan, pour une rencontre amicale entre Real Madrid et Manchester United. Et personne n'a jugé cette initiative saugrenue, bien au contraire.

Les surfaces synthétiques se sont améliorées au fil des ans. Et c'est tant mieux. Nous sommes les premiers à en profiter au Québec, avec ces très beaux terrains où les jeunes peuvent pratiquer le soccer extérieur plusieurs mois par année. Mais on parle ici de la Coupe du monde. On parle des meilleures joueuses de la planète. Elles méritent de disputer le tournoi dans des conditions optimales.

Pour les athlètes de haut niveau, les surfaces synthétiques sont pleines de danger. Ce n'est pas un hasard si Thierry Henry, la vedette des Red Bulls de New York, n'a jamais affronté l'Impact au Stade olympique. Pas question pour lui de prendre ce genre de risque.

Dans le baseball majeur, le nombre d'équipes disputant leurs matchs locaux sur du gazon synthétique a chuté de 12 à 2 au fil des dernières années. Aujourd'hui, seuls les Rays de Tampa Bay et les Blue Jays de Toronto évoluent sur cette surface. Et dans les deux cas, l'expérience tire à sa fin. Les Rays veulent un nouveau stade et les Jays devraient installer du gazon naturel en 2018.

Un joueur comme Andre Dawson, qui a marqué l'histoire des Expos, a vu sa carrière ralentie par le gazon artificiel du Stade olympique. Il a subi 12 opérations aux genoux. L'an dernier, réagissant au fait que le nombre de surfaces synthétiques diminuait dans le baseball majeur, il a déclaré au Los Angeles Times: «Bon débarras. J'aurais simplement aimé que la décision soit prise plus tôt.»

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Au Brésil cet été, des buts formidables ont été réussis durant la Coupe du monde. Le Hollandais Robin van Persie en a inscrit un des plus spectaculaires, plongeant comme s'il s'élançait d'un tremplin pour marquer d'une formidable tête contre l'Espagne.

Abby Wambach, la grande star du soccer américain, a vu ce but. Et malgré tout son talent, elle a déclaré au New York Times que jamais elle ne tenterait un coup pareil sur une surface synthétique, en 2015, au Canada. Le risque de blessure est beaucoup trop grand.

La FIFA a les moyens financiers d'installer du gazon naturel dans les stades canadiens. Et un partenaire commercial voudrait peut-être s'associer à un tel projet, fondé sur l'équité.

La FIFA et l'Association canadienne de soccer devraient étudier sérieusement le dossier. La première étape est d'évaluer les coûts réels de l'affaire et sa viabilité technique, notamment au Stade olympique. Selon les experts consultés par le New York Times, la facture serait au maximum de 400 000$ par stade.

Chose sûre, en éludant la question plutôt qu'en lui accordant l'importance qu'elle mérite, la FIFA et l'Association canadienne de soccer font figure de dinosaures. Parce que s'il s'agissait de la Coupe du monde masculine, le gazon naturel serait déjà commandé.

Quelle place pour le français?

Les assistances ont été faméliques au Stade olympique pour la Coupe du monde féminine des moins de 20 ans. Dommage, puisqu'on a vu du très beau soccer.

Les organisateurs ont bien fait les choses sur plusieurs plans. Le cérémonial entourant les matchs, notamment la remise des médailles dimanche, a été bien réussi. Et le nouvel écran géant du stade permet enfin de voir les reprises.

En revanche, il est inadmissible qu'à Montréal, l'anglais ait systématiquement été utilisé avant le français dans les annonces au public. En 30 ans de couverture sportive au Québec, je n'ai jamais vu une chose pareille. Que personne au sein du comité organisateur n'ait rectifié le tir durant le tournoi dépasse l'entendement.

Francis Millien, directeur général du volet montréalais du tournoi, m'a assuré lundi qu'il travaillerait «sur ce point» en vue de l'an prochain.

Espérons-le.