Imaginez: avant le Grand Prix d'hier, les voitures Mercedes de Nico Rosberg et Lewis Hamilton avaient mené l'intégralité des tours dans les six premières courses du calendrier! Alors inutile de dire que l'épreuve d'hier, avec ses multiples retournements de situation, a été la plus enlevante de la saison.

Des dépassements, quelques accidents spectaculaires - heureusement sans gravité pour les pilotes - et, au bout du compte, un vainqueur inattendu, Daniel Ricciardo: oui, en cette magnifique journée, ce fut vraiment un Grand Prix captivant.

Ricciardo, un Australien au grand sourire, semblait croire avec peine à sa bonne fortune. Les journalistes le connaissant bien le décrivent comme un «mec super sympa». Il possède assurément le sens de l'humour.

À son arrivée à Montréal la semaine dernière, Ricciardo a publié une photo sur son compte Twitter, où il porte un masque de gardien de but: «J'adopte la culture canadienne pour la semaine», a-t-il écrit, dans un amusant clin d'oeil.

Sur la tribune, Ricciardo a savouré à fond sa victoire, retirant lui-même sa casquette pour que son coéquipier Sebastian Vettel l'asperge de champagne. On peut le comprendre: il venait de briser la glace en Formule 1. Et il s'agissait de sa première victoire, toutes catégories confondues, depuis 2011.

«Ouais, je dois retourner en Europe ce soir, a-t-il ajouté. Mais je ne sais pas si j'ai vraiment le goût de célébrer ma première place dans un avion. On verra ça.»

Comme l'impression que Ricciardo, qui a découvert le karting dès l'enfance, s'apprêtait à prolonger son séjour à Montréal. Une façon de contribuer, quelques heures de plus, aux retombées économiques de la course sur Montréal...

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Le pilote de 24 ans n'était pas le seul homme heureux sur le circuit Gilles-Villeneuve. Denis Coderre affichait aussi un grand sourire. L'accord annoncé samedi, garantissant le maintien de la course à Montréal jusqu'en 2024, s'inscrit dans son désir d'augmenter le rayonnement international de Montréal.

«Le Grand Prix est un événement catalyseur au niveau économique, mais aussi aux plans de la signature et de l'image de Montréal, a-t-il dit. C'est une extraordinaire fenêtre sur le monde. Et un excellent rendement sur l'investissement.»

Le maire de Montréal veut doter la ville d'une «politique des grands événements» économiques, sportifs et culturels. Il est d'ailleurs en train de restructurer le volet international de son bureau. Son idée est de bâtir une stratégie de développement axée sur trois piliers: Montréal International, Tourisme Montréal et un éventuel «Investissement Montréal».

«On ne définit plus le monde par des pays ou des continents, mais plutôt par des villes, ajoute-t-il. On veut se donner les outils pour travailler de façon concertée, on veut suivre un plan stratégique bien établi et non pas aller à gauche et à droite.»

C'est ainsi, croit-il, que la ville ciblera ses efforts pour obtenir des événements prestigieux et convaincre des organismes et des entreprises de s'établir à Montréal. Pour atteindre cet objectif, le maire est convaincu que la tenue d'une course de Formule 1, avec son retentissement international, constitue un formidable atout.

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L'entente prolongeant le séjour de la Formule 1 à Montréal comporte des différences avec le contrat précédent. La plus importante est la mise en place d'un plancher de 3,9 millions sur les redevances annuelles versées par le promoteur du Grand Prix aux quatre bailleurs de fonds, les gouvernements du Québec et du Canada, la Ville de Montréal et Tourisme Montréal.

Depuis 2011, ces ristournes basées sur les revenus de billetterie ont baissé de 25%, chutant à 3,5 millions. Même si le promoteur François Dumontier assure que cela ne signifie pas une baisse de l'intérêt du public, un flou demeure.

Jusqu'ici, aucune clause ne protégeait les pouvoirs publics contre cette chute qui, à moins d'un coup de barre, risquait de se poursuivre. Le nouveau contrat modifie la donne. «Il fallait une formule gagnant-gagnant», explique le maire Coderre.

Montréal, qui acquittera le coût du rafraîchissement des infrastructures - une facture minimale de 30 millions - , touchera près de la moitié de cette redevance.

Le maire a aussi promis que le contrat sera rendu public. On connaîtra ainsi précisément la manière dont les redevances sont calculées, une exigence minimale compte tenu de l'apport massif de fonds publics.

Au cours des 10 prochaines années, c'est en effet 217 millions qui seront payés à la Formule 1 pour présenter la course à Montréal. Le contrat prévoit le versement d'une somme annuelle de 17 millions, avec taux d'indexation de 2%. (L'ancienne entente était de 15 millions par an, sans indexation.)

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La spectaculaire course d'hier est un baume pour la Formule 1. La domination des Mercedes depuis le début de la saison n'avait rien pour aviver l'intérêt des fans. Mais comme ce fut souvent le cas dans le passé, le circuit Gilles-Villeneuve a provoqué des situations inattendues.

Après la belle performance du Canadien en séries, et avant la Coupe du monde U-20 de soccer féminin et la participation d'Eugenie Bouchard à la Coupe Rogers de tennis en août prochain, le Grand Prix d'hier a représenté un moment fort de l'année sur la scène sportive montréalaise.

Chose sûre, Daniel Ricciardo ne l'oubliera jamais.

Quel impact sur la LNH?

La vente des Clippers de Los Angeles pour 2 milliards US à Steven Ballmer, l'ancien PDG de Microsoft, aura des répercussions majeures dans tout le sport professionnel nord-américain.

Compte tenu de cette somme, combien vaudra une équipe de l'expansion dans la LNH? Ou quel montant la ligue exigera-t-elle comme «frais de transfert» pour autoriser le déménagement d'une concession?

Chose sûre, les 170 millions versés par les Jets de Winnipeg (110 millions pour l'équipe et 60 millions en frais de transfert) ne sont plus une référence utile. Les sommes en cause augmenteront de manière significative si la LNH emprunte un jour cette voie.

Ainsi, si Québec retrouve ses Nordiques, la facture sera à l'évidence très salée. Tenez, en avril dernier, les Bucks de Milwaukee, une équipe de la NBA établie dans un marché modeste, ont été vendus 550 millions.

«La valeur des équipes sportives augmente en raison de leur importance comme contenu média, a dit Gary Bettman, la semaine dernière. Cette hausse dramatique ne me surprend pas. Les nôtres suivent la même direction.»

Tout en reconnaissant que le marché de Los Angeles était unique, le commissaire de la LNH a affirmé que si les Clippers valaient 2 milliards, plusieurs équipes de son circuit en valaient autant, sinon plus.

Vu sous cet angle, le maintien du Grand Prix du Canada pour 10 ans est une bonne nouvelle. Obtenir de nouveau pareille propriété sportive après son départ aurait coûté beaucoup plus cher.

Ce dur constat, les investisseurs cherchant à redonner les Nordiques à Québec, ou éventuellement les Expos à Montréal, le feront à leur tour.

Rien n'est impossible, mais les poches devront être très profondes.