C'est peut-être un phénomène unique dans la longue histoire d'amour entre le Canadien et ses fans. L'affection ressentie pour un joueur du camp adverse rend la défaite un peu moins pénible à accepter. Même si cette défaite survient dans un match-clé des éliminatoires. Même si elle risque de devenir le point de bascule de cette série.

Hier, des gens m'ont dit à quel point ils étaient déçus du revers du Canadien en prolongation, dimanche, à New York. Mais, spontanément, ils ont ajouté: «Au moins, c'est St-Louis qui a compté...»

La soirée s'est mal terminée pour le Canadien au Madison Square Garden. Ce but massue, marqué d'un tir vif et puissant, complique drôlement sa tâche. Mais le fait que Martin St-Louis en ait été l'auteur efface une petite partie de la peine.

Les Québécois ont toujours été impressionnés par ce joueur extraordinaire qui, à force de surmonter les obstacles, est devenu une vedette de la Ligue nationale. Mais cette fois, la relation va au-delà du respect: Martin St-Louis a touché nos coeurs.

La manière dont cet homme de 38 ans a réagi à la mort de sa mère, survenue durant la série entre les Rangers et les Penguins de Pittsburgh, a été inspirante. En apprenant la nouvelle, il est rentré à Montréal pour vivre sa peine avec son père et les autres membres de sa famille.

L'âme écorchée, St-Louis a néanmoins retrouvé ses coéquipiers le lendemain. Les Rangers faisaient face à l'élimination et il ne voulait pas les abandonner. Dans des mots simples et émouvants qui ont résonné fort à quelques heures de la fête des Mères, il a expliqué sa décision.

«Au fond de moi-même, je sais que ma mère aurait voulu que je joue ce match. Elle serait fière que j'aide mon équipe. Elle était une femme extraordinaire, la meilleure personne que j'ai connue dans ma vie...»

Malgré sa douleur, St-Louis a mené les Rangers à un retour historique en séries éliminatoires. Ils ont gagné trois matchs d'affilée et éliminé les puissants Penguins de Pittsburgh. L'histoire a fait le tour de l'Amérique. Et les Québécois ont été fiers de leur compatriote. On savait St-Louis déterminé. On prenait maintenant toute la mesure de son caractère.

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Plus tôt cette année, St-Louis a vécu un épisode pénible. Son nom n'a pas été retenu par Équipe Canada en vue des Jeux olympiques de Sotchi. Il avait pourtant remporté le dernier championnat des pointeurs et connaissait une excellente saison avec le Lightning de Tampa Bay.

Cette décision l'a blessé. D'autant plus que Steve Yzerman, le DG de la formation canadienne, était aussi son patron à Tampa Bay. Au bout du compte, une blessure à Steven Stamkos lui a valu une invitation de dernière minute. St-Louis a hésité avant d'accepter. Il voulait être sûr que le voyage en vaudrait la peine.

Je le vois encore passer en coup de vent devant les journalistes après la demi-finale contre les États-Unis. Il était heureux de la victoire, mais son visage dur trahissait sa déception d'avoir été cloué au banc durant tout le match. Ce traitement l'a meurtri. Heureusement, deux jours plus tard, il a obtenu du «bon temps de glace», pour reprendre son expression, et il est monté sur la plus haute marche du podium.

La rencontre terminée, ses yeux n'avaient rien perdu de leur intensité. Mais il savourait pleinement le moment.

«Il y a eu des hauts et des bas dans les deux derniers mois. Mais je me rappellerai toute ma vie de cette médaille d'or. J'ai aussi eu la chance de gagner la Coupe Stanley. C'est de ça que je parlerai à mes petits-enfants, pas des championnats des compteurs ou des buts que j'ai marqués. Ce qui est spécial, c'est ce que tu réussis avec ton équipe.»

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Dans le vestiaire des Rangers au Madison Square Garden, St-Louis occupe une place centrale. Après les entraînements, pendant qu'il range ses vieilles épaulettes qui tiennent à peine en un morceau, les journalistes se regroupent devant lui. Il n'est pas le plus bavard, mais il répond à toutes les questions.

La semaine dernière, ses yeux se sont illuminés lorsqu'il a raconté un moment de sa jeunesse. Avec son équipe des Sénateurs de Laval, qui allait participer au Tournoi international de hockey pee wee de Québec, il s'est entraîné avec le Canadien. «Un des plus beaux moments de ma carrière», a-t-il dit en évoquant cette heure magique aux côtés de Mats Naslund, son joueur préféré.

Comme St-Louis, Naslund était de petite taille. Les deux ont dû vaincre les préjugés pour gagner leur place dans la LNH. «J'ai toujours dû me battre pour mériter ce que j'ai eu dans ma carrière», disait St-Louis, à son arrivée à Sotchi, en février dernier.

Ce soir au Centre Bell, le Candien tentera de forcer la présentation d'un sixième affrontement jeudi à New York. La foule sera solidement derrière l'équipe.

Mais si les Rangers l'emportent et méritent une place en finale, des centaines de milliers de Québécois espéreront voir Martin St-Louis soulever la Coupe Stanley le mois prochain. Parce qu'ils sont impressionnés par son cran. Parce qu'ils savent reconnaître un grand champion.

Coup dur pour le CIO

Après St-Moritz/Davos, Munich et Stockholm, voici que Cracovie retire sa candidature pour l'organisation des Jeux d'hiver de 2022. Dans un référendum tenu dimanche, les citoyens ont repoussé l'idée dans une proportion de 70%.

L'effet Sotchi et sa facture de 50 milliards s'est fait sentir de nouveau. Le Comité international olympique (CIO) espère qu'Oslo, en Norvège, maintiendra sa candidature. Mais rien n'est moins sûr, car le gouvernement central s'inquiète des coûts.

Si Oslo renonce aussi, la lutte se fera entre Almaty (Kazakhstan), Pékin (Chine) et Lviv (Ukraine). Compte tenu de la présentation récente des Jeux d'été à Pékin (2008) et de la situation politique en Ukraine, Almaty pourrait se retrouver favorite. Le CIO n'avait pas prévu cela.

La choix de la ville hôtesse des Jeux de 2022 aura lieu dans 14 mois.