Les joueurs du Canadien ont eu congé, jeudi, après avoir éliminé les Bruins de Boston la veille. Pas d'entraînement, pas de rencontres avec les journalistes. Cela n'a pas empêché Daniel Brière d'accorder une entrevue à une station radiophonique de l'Outaouais, la région où il a grandi.

Lorsque l'animateur Louis-Philippe Brulé l'a remercié à la fin de l'entretien, Brière n'a pas simplement salué les auditeurs d'un bref bonjour. Il a pris soin d'ajouter: «Je voudrais dire un gros merci à tout le monde qui nous donne, à moi et à notre équipe, leur appui durant les séries éliminatoires. C'est très, très apprécié.»

Dans le sport professionnel, cette attention n'est pas banale. Couverts de millions et de gloire, les athlètes n'affichent pas tous la même sensibilité à l'égard des fans. Daniel Brière, lui, sait que les joueurs leur sont redevables. Et que sans la passion des partisans pour le hockey, l'édifice s'écroulerait.

L'attaquant du Canadien se rappelle aussi des encouragements des citoyens de Gatineau à l'époque où il perçait dans le hockey. Voilà pourquoi, lorsque Louis-Philippe Brulé l'appelle sur son cellulaire, il répond présent. Même un jour de congé.

«Ce sont les gens de mon coin, explique Brière. Ils ont toujours été là pour moi, ils m'ont toujours soutenu. J'ai joué tout mon hockey mineur dans la région. J'y ai encore beaucoup d'amis et de parenté. Louis-Philippe? J'ai commencé à faire des entrevues avec lui quand j'étais midget AAA. Tout ça part de très loin...»

Déjà à cette époque, le talent de Brière ne faisait pas de doute. Son exceptionnelle vision du jeu lui permettait de récolter des dizaines de points. Mais sa petite taille soulevait des doutes. Malgré ses exploits, il se trouvait toujours des sceptiques pour prétendre que sa progression cesserait au niveau suivant.

Ce ne fut pas le cas, bien sûr, et Brière est devenu l'un des meilleurs attaquants de la LNH. En 2007, les Flyers de Philadelphie ont fait de lui un des joueurs les mieux payés du circuit en lui accordant un contrat de 52 millions pour 8 ans. Ses succès étaient ceux d'un conte de fées.

Les années ont passé, et l'été dernier, après le rachat de son entente par les Flyers, Brière s'est joint au Canadien, son équipe préférée durant son enfance. À l'âge de 36 ans, il réalise cependant que le compte à rebours est amorcé.

«Il ne me reste pas dix saisons à jouer, lance-t-il. J'en suis à une autre étape de ma carrière. Je n'ai jamais gagné la Coupe Stanley et je suis prêt à tout pour la remporter.»

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Tout faire dans l'espoir de gagner la Coupe. Pour Daniel Brière, ça signifie entre autres occuper sans rechigner une place de réserviste.

«J'ai dû m'adapter à un nouveau rôle, celui d'un gars de quatrième trio qui joue moins. C'est un chapitre différent de ma vie. Tu as le choix de l'accepter ou non. Et je l'ai accepté.

«Il y a eu des hauts et des bas cette saison, ajoute-t-il. J'ai essayé de ne pas me perdre là-dedans. C'est facile de tomber dans ce piège, surtout quand ça va mal. Les journées plus difficiles, je me disais simplement: «Profite de ta chance de jouer pour le Canadien. On voit le vrai caractère d'une personne quand ça va moins bien, j'essaie toujours de m'en rappeler.»

Malgré les frustrations, Brière s'est accroché. Et jeudi dernier, dans un match sans lendemain à Boston, il a rappelé l'étendue de son talent.

Sa passe précise à Dale Weise a d'abord permis au Canadien d'ouvrir la marque tôt en première période, un but qui a donné un sérieux coup au moral des Bruins et de leurs partisans. Puis, en fin de rencontre, il a concrétisé la victoire des siens en portant le pointage 3-1. Le vieux renard avait encore des tours dans son sac.

Le plus étonnant, c'est que Brière a marqué à sa seule présence significative sur la glace de toute la période. Plus tôt, il avait disputé une mise en jeu avant d'être vite remplacé. Une affaire de trois ou quatre secondes, pas plus.

Pour demeurer alerte sur le banc, Brière se glisse en pensée dans les patins d'un joueur régulier.

«Je prends un gars comme David Desharnais, dont le style est similaire au mien. J'essaie de vivre sa présence sur la glace avec lui, de me mettre dans sa peau: comment réagir vite à telle ou telle situation? Ça me donne un peu l'impression d'être dans l'action. Ce n'est pas parfait, mais ça aide. J'ai fait ça deux ou trois fois en troisième période à Boston...»

Brière n'a jamais hésité à tenter des trucs originaux pour s'améliorer. «J'imagine qu'en étant plus petit, en étant le gars à qui personne ne donnait vraiment de chance d'atteindre la prochaine étape, tu trouves des façons différentes pour continuer d'avancer...», explique-t-il.

Ainsi, dans la jeune vingtaine, Brière a travaillé durant trois étés avec Hugo Girard, un célèbre homme fort du Québec. «Il m'a aidé à développer ma solidité au bas du corps. Je lui en suis très reconnaissant.»

Brière s'exprime très bien en français et en anglais. Son vocabulaire est riche. Mais surtout, ses remarques originales ouvrent de nouvelles fenêtres sur le hockey.

Ainsi, la veille du septième match contre les Bruins, il a rappelé l'importance de «ne pas jouer le match en après-midi». C'était une façon de mettre en garde ses jeunes coéquipiers contre le piège de trop penser à la rencontre durant la journée. Et de se retrouver drainés de leur énergie dès la première mise en jeu. «Ç'a m'est arrivé au début de ma carrière...»

Une fois celle-ci terminée, Brière deviendra une prise de choix pour un réseau de télévision sportive.

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À l'époque où il portait les couleurs des Flyers, Daniel Brière était un souffre-douleur de la foule du Centre Bell. Plusieurs partisans du Canadien ne lui pardonnaient pas d'avoir poursuivi sa carrière à Philadelphie plutôt qu'à Montréal. Aussi a-t-il été rassuré par l'accueil des fans six ans plus tard.

Le Canadien a bien fait les choses afin de faciliter la transition. Lors de la cérémonie précédant le match d'ouverture en octobre dernier, il a reçu le symbolique flambeau des mains de Guy Lafleur, ce qui a déclenché une formidable ovation.

«Ce fut un moment très spécial, dit Brière. Et les fans ont été merveilleux avec moi, même quand j'ai pris du temps à décoller en début de saison. J'ai été choyé.»

Brière a aussi apprécié la familiarité des gens à son endroit. Si les fans sont très impressionnés en apercevant un Carey Price ou un P.K. Subban, retenant à grand-peine un Wow! , ils saluent Brière plus simplement: «Hé, c'est Dan...»

«J'ai trouvé ça vraiment cool, dit-il. Comme s'ils reconnaissent le p'tit gars d'ici qui s'est rendu dans la LNH... C'est assez spécial comme feeling, cette interaction avec les gens.»

Daniel Brière l'assure: peu importe ses statistiques personnelles, il n'éprouve aucun regret. «C'est une saison superbe. Et elle n'est pas finie...»

Daniel Brière n'est pas le joueur le plus utilisé. Mais il rend d'immenses services au CH, une équipe dont il est profondément fier de porter les couleurs. Et il sera toujours prêt lorsque Michel Therrien fera appel à lui.

Ce printemps, partout au Québec, les partisans du Canadien découvrent ce que les gens de Gatineau savent depuis longtemps: Daniel Brière est un homme authentique.