C'est le genre de nomination qui nous fait hésiter sur la réaction appropriée. Faut-il féliciter l'heureux élu avec enthousiasme, en lui donnant une tape amicale dans le dos? Ou plutôt lui conseiller le courage, d'un ton empreint de compassion, tout en serrant son épaule dans un geste de réconfort?

Stéphane Quintal obtient une grosse promotion. Mais il hérite aussi du boulot le plus ingrat dans la LNH. Une responsabilité où il est impossible de se faire des amis. Tenez, même le commissaire reçoit les remerciements de quelques personnes au fil d'une longue saison. Le préfet de discipline? Jamais!

Au mieux, ses bonnes décisions sont accueillies par un silence glacial. Au pis, ses mauvaises sont critiquées publiquement. Il faut une solide carapace pour accepter ce travail.

Le départ de Brendan Shanahan pour Toronto, où il devient président des Maple Leafs, a ouvert la porte à Quintal, son fidèle lieutenant.

Du coup, l'ancien défenseur du Canadien se retrouve sur des charbons ardents. Il n'aura pas le temps de célébrer au champagne cette promotion. Il devra en effet rendre ses décisions dans le contexte très chaud des séries éliminatoires, où toutes les organisations sont nerveuses. Et où la suspension d'un joueur peut diminuer les chances de son équipe d'atteindre la ronde suivante, entraînant ainsi un manque à gagner de plusieurs millions de dollars.

Quels seront les principes qui guideront Quintal au cours des prochaines semaines? Bien sûr, il tiendra compte de la jurisprudence établie sous l'ère Shanahan. On ne peut tout de même pas lui demander de tout bousculer dans le cadre d'un mandat intérimaire obtenu en cours de saison. Mais rien ne l'empêche de se montrer plus sévère que son prédécesseur en matière de coups à la tête.

Quintal, à mon avis, comprend les dangers des commotions cérébrales et leur impact sur la qualité de vie des joueurs. Il ne fait pas partie des dinosaures du hockey, ce groupe qui a Brian Burke comme gourou et qui défend âprement la place des bagarres dans la LNH.

De la même façon, je ne crois pas qu'il soit aussi indifférent à cette question que Marc Bergevin et le Canadien, pour qui les bagarres «ne sont pas une épidémie». (Au fait, à quand le retour au jeu de Travis Moen, blessé il y a bientôt trois semaines... dans un autre de ces brillants combats?)

Interrogé à RDS plus tôt cette année, Quintal a affirmé qu'à son avis, les bagarres disparaîtront «dans quelques années».

C'est peu, dites-vous? Peut-être. Mais au moins, ses propos tranchent avec le discours conservateur de Gary Bettman, pour qui elles font office de «thermostat» dans un match.

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La journée d'hier fut aussi déterminante pour Brendan Shanahan.

L'ancien préfet de discipline est un gros nom dans le monde du hockey. Ses exploits sportifs (trois Coupes Stanley, médaille d'or olympique, 656 buts dans la LNH) lui ont ouvert les portes du Temple de la renommée.

Après avoir raccroché ses patins, Shanahan a réussi la transition vers l'univers de la gestion. Cela n'a étonné personne. Durant le conflit de travail de 2004-2005, il avait organisé un comité afin de trouver des pistes pour dynamiser le jeu. Cette réflexion a inspiré des changements majeurs aux règlements. Cet homme à la voix grave, doté d'une solide carrure, n'était pas seulement un leader sur la patinoire.

Comme préfet de discipline, Shanahan a encore augmenté sa notoriété. Du coup, il est tombé dans la ligne de mire de Tim Leiweke, qui aime embaucher des personnalités connues. En confiant à Shanahan la présidence de l'équipe, le grand patron de Maple Leaf Sports&Entertainment prend néanmoins un pari.

Shanahan chapeautera aussi le côté affaires, au risque de s'éparpiller dans plusieurs directions. Et comme son expérience est modeste, son succès n'est pas assuré.

Comme préfet de discipline, Shanahan ne supervisait qu'une poignée de personnes. Son rôle n'était pas de bâtir pour l'avenir, mais d'analyser des comportements brutaux sur la patinoire.

Ce n'est pas la première fois que les Maple Leafs espèrent qu'une légende du hockey relance l'organisation. En 1997, ils ont confié les pleins pouvoirs à Ken Dryden, sans succès.

Plus tard, ils ont cru que Brian Burke, auréolé d'un parcours diversifié dans la LNH, remettrait le train sur les rails. Ce fut un autre échec.

Ce printemps, leur descente aux enfers est gênante. Shanahan a beaucoup de boulot devant lui. S'il réussit, il deviendra un héros. Ce qui, il le sait mieux que quiconque, ne risquait pas d'arriver dans son poste précédent.

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L'arrivée de Stéphane Quintal aux commandes du Département de la sécurité des joueurs est historique. De mémoire, dans l'histoire moderne de la LNH, aucun Québécois francophone n'a occupé une fonction au profil public aussi élevé.

La gestion du fonds de retraite a longtemps été assumée par un vice-président francophone, mais c'est à peu près tout. Il faut donc saluer la réussite de Quintal, exceptionnelle à cet égard.

Souhaitons que ses patrons lui laissent, ainsi qu'à ses adjoints Patrick Burke et Brian Leetch, toute l'autonomie nécessaire. La décision du commissaire adjoint Bill Daly de superviser la transition m'inquiète. Qu'est-ce que ça signifie exactement? La réponse n'est pas claire.

Alors, on dit quoi à Stéphane Quintal: bravo ou... courage? Pour aujourd'hui, bravo, à n'en pas douter!

Compte tenu de la nature de son poste, les critiques viendront bien assez vite. À moins qu'il ne donne un tour de vis supplémentaire pour lutter contre les coups à la tête.

Alors oui, bravo. Mais, surtout, surprends-nous, Stéphane!